Face à l’Europe des Juges qui contrecarre la volonté des Etats, le Maroc renvoie la balle aux pays européens pour relancer le partenariat stratégique. Détails.
« Il y a une méconnaissance des réalités juridiques, politiques, historiques et humaines », a poursuivi Nasser Bourita sur un ton de reproche, lui qui n’a pas manqué de mots pour critiquer les contradictions de l’Union Européenne. Le Chef de la diplomatie marocaine, qui connaît bien les rouages de l’Europe, s’en est pris directement aux juges de la Cour de Justice qui ont statué en faveur du Polisario. Leur attitude est, pour le moins, curieuse. Ils ont pris une telle décision aux conséquences fatidiques deux jours avant de quitter leurs fonctions. « Ils ont rendu leur arrêt le 4 de ce mois et ont quitté leurs fonctions le 6 », a rappelé Bourita, ne cachant pas sa sidération.
La décision a été rendue par 13 juges présidés par le “baron” belge Koen Lenaerts, un aristocrate dépositaire d’un titre de noblesse héréditaire qui se fait avocat de l’autodétermination ! Qui sont ces juges ? Il y en a l’Irlandais Eugene Regan, le Bulgare Alexander Arabadjiev, le Chypriote Constantinos Lycourgos, le Hongrois Zoltán Csehi, la Roumaine Octavia Spineanu-Matei, le Croate Siniša Rodin, Jarukaitis, le représentant de la Lituanie Irmantas Jarukaitis, l’Autrichien Andreas Kumin, le Finlandais Niilo Jääskinen et la juge espagnole Maria Lourdes Arastey Sahún. Leur perception du conflit du Sahara est qualifiée de “superficielle” par Nasser Bourita, qui a souligné à quel point les pays européens demeurent attachés au partenariat avec le Maroc quels que soient les arrêts de la CJUE.
En fait, la quasi-totalité des Etats-membres de l’UE, notamment les puissances influentes, ont tenté de rassurer le Maroc, auquel ils restent intimement attachés. Mardi, l’Allemagne, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a réaffirmé « la grande importance » qu’elle accorde au partenariat stratégique, multidimensionnel et privilégié, qui lie le Maroc à l’Union Européenne. Berlin rejoint ainsi le consensus européen exprimé clairement par la présidente de la Commission Européenne, Ursula Von Der Leyen, et le Chef de la Diplomatie de l’UE, Josep Borrell.
Ce décalage entre la volonté des Etats-membres et celle de la Cour de Justice de l’UE en dit long sur le fonctionnement de l’Europe qui semble marcher à deux vitesses et parler de deux voix, ce qui nuit, en conséquence, à son image auprès de ses partenaires. Pas besoin d’être un expert pour s’étonner que la Commission et le Conseil européens, les pouvoirs exécutif et législatif de l’UE, approuvent un accord qui risque d’être rejeté par la Justice de l’Europe. “La CJUE joue contre l’intérêt des peuples européens parce que les Etats, d’eux-mêmes, ont cédé une partie de leur souveraineté”, s’indigne Aymeric Chauprade, ancien eurodéputé et ancien conseiller de Marine Le Pen.
Le géopolitologue, qui connaît bien le Maroc, déplore que la Cour puisse contrecarrer la volonté des 3 principales institutions européennes, à savoir la Commission, le Conseil et le Parlement européen qui a ratifié les accords signés avec le Maroc.
Cette ambivalence, poursuit M. Chauprade, provoque chez les partenaires de l’UE une certaine méfiance. Il préfère parler d’insécurité juridique du moment que toute accord peut être remis en cause à tout moment. “N’importe quel partenaire se trouve de facto dans une situation d’insécurité juridique”, insiste-t-il.
Pour sa part, le Maroc, qui a pris acte sereinement de cette décision, loin des esclandres et des indignations, demande à l’Europe d’assumer ses engagements internationaux comme indiqué dans le communiqué du ministère des Affaires étrangères du 4 octobre. Maintenant que la Justice européenne a plongé le partenariat dans le flou, le Royaume renvoie la balle à l’Union Européenne, à laquelle incombe de songer à l’avenir. Pendant la conférence de presse, Nasser Bourita a fait clairement savoir que le Maroc n’adhérera jamais à aucun accord qui ne respecte pas sa souveraineté et son intégrité territoriale. “Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international, et l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats que le Royaume établit”, avait indiqué SM le Roi le 20 août 2022. Ce principe est désormais un dogme immuable de la diplomatie marocaine. Sans le respect de la marocanité du Sahara, rien n’est envisageable. “C’est la moindre des choses que le Maroc demande à l’Europe de respecter ses engagements, il a légitimement le droit à la sécurité juridique”, poursuit l’expert.
Le Maroc ne semble pas passionnément attaché aux accords annulés, ce sont les Européens qui donnent l’impression d’en avoir plus besoin. Raison pour laquelle la Commission Européenne n’a eu de cesse de rassurer le Royaume de sa volonté de poursuivre la coopération à tous les niveaux. Ici, la décision de la CJUE est perçue comme une opportunité pour partir à la quête de nouveaux débouchés. Ils sont nombreux.
Sommes-nous dans une situation de vide maintenant ?
La CJUE a-t-elle commis une erreur en donnant le droit au Polisario d’ester en justice ?
En dépit des répercussions d’une telle décision, la fédération semble optimiste puisqu’elle se dit convaincue qu’elle peut être transformée en opportunité pour la pêche marocaine. “Nous croyons fermement qu’il est possible de convertir cette contrainte en opportunité pour le secteur”, précise la même source.
La fédération juge qu’il est temps de diversifier les débouchés, une aspiration qui doit être érigée en priorité. Dans sa lettre, la corporation a suggéré de renforcer les efforts pour développer de nouveaux partenariats commerciaux avec des marchés à fort potentiel, tels que l’Asie, l’Amérique latine, et surtout l’Afrique.
Ce genre de gesticulations sont souvent et traditionnellement de la gauche. Cette initiative a été portée par le groupe de la Gauche, avant qu’elle ne soit rejetée à la majorité des eurodéputés issus des différentes familles politiques de l’hémicycle de Strasbourg. Ce rejet n’est pas fortuit. Nombreux sont les élus européens qui se sont indignés de la démarche de la Cour de Justice de l’UE et l’ont publiquement fait savoir. Nicolas Bay, l’une des figures de proue des Conservateurs européens, a sévèrement taclé l’UE. “La CJUE a cédé aux revendications des terroristes du front Polisario sur le Sahara et porté atteinte aux intérêts économiques européens et marocains », a-t-il martelé. Même son de cloche du député du Rassemblement national, Thierry Mariani, connu pour ses positions claires et tranchées en faveur du Royaume. « Triste jour pour l’Europe », a-t-il écrit, soulignant que tout le monde a compris que le Sahara est marocain « sauf la Cour de Justice de l’UE ». Les critiques viennent aussi du Parti populaire européen, groupe majoritaire au Parlement de Strasbourg, qui dirige la Commission Européenne. Un de ses députés, Tomáš Zdechovský, a déclaré que “le Maroc reste le partenaire le plus fiable en Afrique du Nord et le seul interlocuteur de l’UE pour toutes les questions politiques et commerciales ».
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