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Rétro-Verso : Hôtel Lincoln ou la renaissance d’un fleuron architectural

Rétro-Verso : Hôtel Lincoln ou la renaissance d’un fleuron architectural

L’hôtel Lincoln est en pleine rénovation pour une réouverture imminente. Témoignage d’un passé glorieux, il se prépare à retrouver son éclat d’antan, rappelant ses années phares où il était au cœur de la vie cosmopolite de la ville. Rétrospective.

Au cœur de Casablanca, une silhouette déchue se dresse encore fièrement tel un témoin d’une époque révolue. L’hôtel Lincoln, écrin architectural des années 1920, porte en ses murs écaillés les échos d’un passé glorieux et les cicatrices d’un abandon cruel. Son histoire est celle d’une ville en perpétuelle mutation, oscillant entre la nostalgie d’un âge d’or révolu et les promesses d’un avenir resplendissant.
 
Érigé en 1917 sur l’ancien boulevard de la Gare (Boulevard Mohammed V actuellement, ndlr), puis reconstruit en 1936 par l’architecte Hubert Bride, cet édifice incarne l’esprit bouillonnant de la cité coloniale. Sa façade ornée de motifs géométriques et ses balcons en fer forgé racontent l’audace d’une époque où la ville se rêvait en capitale moderne du Maroc. « L’hôtel Lincoln est un palimpseste architectural, où se superposent les strates de l’histoire marocaine du XXe siècle », affirme Rachid Andaloussi, architecte, mécène culturel, fin connaisseur de l’Histoire de Casablanca et ancien président de Casamémoire.
 
À son apogée, l’hôtel était le lieu de rendez-vous de l’élite intellectuelle et artistique. Les couloirs résonnaient des discussions animées des écrivains, des rires des stars de cinéma, des murmures des diplomates en mission. On dit que Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir y auraient séjourné lors de leur passage au Maroc en 1949, imprégnant les lieux de leur présence existentialiste.
 
L’édifice, avec sa stature imposante, est un exemple saisissant du style Art déco qui a façonné le visage de Casablanca. « C’est un témoin de l’audace architecturale de l’époque, où se mêlent influences européennes et motifs traditionnels marocains », explique Rachid Andaloussi. Chaque détail, des mosaïques aux ferronneries, raconte l’histoire d’une ville cosmopolite, carrefour des cultures où l’Orient et l’Occident se rencontraient dans une danse architecturale audacieuse.
 
Mais le temps, implacable sculpteur, a fait son œuvre. Depuis sa fermeture dans les années 1980, l’hôtel Lincoln est devenu une coquille vide, squattée et dégradée. Ses fenêtres béantes semblent pleurer le luxe d’antan, tandis que ses couloirs résonnent du silence de l’abandon. Les murs, autrefois témoins de conversations passionnées et de nuits festives, ne murmurent plus que le récit de leur propre déchéance.
 
Cette décrépitude n’est pas que le fruit du temps. Elle est aussi le reflet des questionnements identitaires d’une nation en quête de son avenir. L’hôtel Lincoln est devenu une métaphore de notre interprétation ambivalente de l’héritage colonial. Les militants culturels de la Métropole oscillent entre la volonté de préserver ce patrimoine, témoin d’une histoire complexe, et le désir de s’en détacher, de construire une modernité proprement marocaine.
 
Pourtant, l’espoir renaît cycliquement, au gré des saisons qui passent. Des projets de rénovation sont régulièrement évoqués, promettant de redonner vie à ce lieu chargé de mémoire. « Restaurer l’hôtel Lincoln, c’est plus qu’une simple réhabilitation architecturale », affirme Rachid Andaloussi. « C’est reconnecter Casablanca avec son passé cosmopolite, c’est réaffirmer l’identité plurielle de la ville ».
 
Ces projets sont plus que de simples plans de restauration. Ils incarnent une volonté de réconciliation avec une histoire parfois douloureuse, une tentative de tisser un lien entre le passé et l’avenir. Chaque brique restaurée, chaque ornement recréé serait un pas vers la reconnaissance d’un héritage complexe, ni totalement rejeté, ni aveuglément célébré.
 
En attendant sa renaissance, l’hôtel Lincoln demeure majestueux. Chaque fissure dans ses murs raconte une histoire, chaque éclat de peinture tombé emporte avec lui un fragment de mémoire collective. Par là même, l’édifice incarne les défis auxquels fait face Casablanca : comment honorer son passé tout en se projetant dans l’avenir ? Comment préserver son patrimoine architectural tout en répondant aux besoins d’une métropole moderne en pleine expansion ?
 
Somme toute, Casablanca possède une mémoire qui dépasse celle des hommes. Ses rues, ses bâtiments, ses places racontent une histoire plus riche et plus nuancée que ne pourrait le faire aucun livre d’histoire. « La mémoire de Casablanca n’oublie rien. Ses événements sont marqués à l’encre indélébile, et la réouverture de l’hôtel ne pourra que propulser cette ville vers un avenir architectural et patrimonial plus resplendissant », conclut Rachid Andaloussi.

3 questions à Rachid Andaloussi, architecte et militant culturel : « L’Histoire architecturale s’écrit avec des bâtiments et elle ne s’efface jamais de la mémoire urbaine »
Pouvez-vous nous parler de la construction de l’Hôtel Lincoln ?
 
– L’Hôtel Lincoln, construit en 1917, a connu son âge d’or dans les années 20 et 30 du siècle dernier. Il a accueilli des célébrités et des personnalités politiques du monde entier. Son architecture, conciliant style Art Déco français et inspirations néo-mauresques, était révolutionnaire pour l’époque, audacieuse et époustouflante. Son nom fait référence à Abraham Lincoln, le 16ème président des États-Unis.
 

Pourquoi l’hôtel a-t-il été partiellement détruit ?

 
– Il y a eu un bras de fer entre le propriétaire qui voulait le détruire pour des raisons pécuniaires et les militants culturels de Casablanca et du Maroc, qui y voyaient un porte-étendard de l’identité cosmopolite de la ville. Cependant, l’Histoire architecturale s’écrit avec des bâtiments, et les grandes bâtisses, même partiellement ou entièrement détruites, ne s’effacent jamais de la mémoire urbaine.

  Que pensez-vous de la rénovation en cours et de la réouverture imminente ?

 
-Sa réouverture que nous espérons tous imminente sera synonyme de progrès pour la ville et de sauvegarde d’une page glorieuse de son richissime patrimoine. Après 25 ans d’abandon suite à l’effondrement partiel de sa façade en 1989, sa rénovation, en cours, marque un tournant décisif. Son inscription sur la liste des bâtiments protégés et les projets de rénovation entrepris témoignent de notre engagement à préserver cet héritage architectural unique.

Architecture : Lincoln ou l’épopée d’un écrin Art Déco
L’Histoire de la construction de l’hôtel Lincoln est intimement liée à celle de Casablanca, ville en pleine effervescence au début du XXe siècle. Tout commence en 1916, alors que la ville connaît un boom économique et démographique sans précédent sous le Protectorat français.
 
C’est dans ce contexte qu’un riche entrepreneur français, dont le nom s’est perdu dans les méandres de l’histoire, décide d’investir dans un projet ambitieux : la construction d’un hôtel de luxe qui deviendrait le fleuron de l’hospitalité casablancaise. Le site choisi est stratégique, au cœur du quartier des affaires en plein développement.
 
Les travaux débutent en 1917, sous la direction d’un architecte français dont le style s’inspire des dernières tendances parisiennes. La première version de l’hôtel Lincoln est achevée en 1918, un bâtiment élégant mais relativement modeste comparé à ce qu’il deviendra plus tard.
 
Pendant près de deux décennies, l’hôtel Lincoln accueille une clientèle selecte, devenant rapidement un lieu incontournable de la vie sociale casablancaise. Cependant, avec l’évolution rapide de la ville et les changements de goûts architecturaux, il apparaît bientôt comme dépassé.
 
C’est en 1935 qu’intervient un tournant majeur. Les propriétaires de l’hôtel, conscients de la nécessité de moderniser leur établissement, font appel à l’architecte Hubert Bride. Celui-ci propose un projet audacieux : plutôt que de simples rénovations, il suggère une reconstruction presque totale dans le style Art déco alors en vogue.
 
Les travaux de cette seconde naissance débutent en 1936. Bride conçoit un édifice spectaculaire, mêlant avec brio les influences européennes et les motifs traditionnels marocains. La façade est ornée de motifs géométriques complexes, les balcons en fer forgé ajoutent une touche d’élégance, tandis que l’intérieur est aménagé avec un luxe raffiné.
 
La construction mobilise des artisans locaux et européens, chacun apportant son savoir-faire unique. Les mosaïques sont l’œuvre de maîtres marocains, tandis que les ferronneries sont confiées à des artisans français. Cette collaboration symbolise le mélange culturel qui caractérise Casablanca à cette époque.
 
Malgré les défis techniques et logistiques, les travaux avancent rapidement. En 1938, le nouvel hôtel Lincoln est inauguré en grande pompe. Il devient instantanément le symbole du Casablanca moderne, cosmopolite et luxueux.
 
Ainsi s’achève l’épopée de la construction de l’hôtel Lincoln, un chantier qui aura duré plus de deux décennies et qui aura vu l’édifice se transformer, à l’image de la ville qui l’entoure, d’un simple hôtel en un véritable joyau architectural.

Embrouillamini : Sonner le glas d’un emblème ?
L’Histoire du célèbre hôtel Lincoln à Casablanca est jalonnée de passion et de lutte, particulièrement lors de la controverse qui a éclaté autour de sa destruction. En 2022, alors que l’édifice emblématique était déjà en proie à un délabrement avancé, le propriétaire a pris une décision choc : démolir une partie du bâtiment pour des raisons de sécurité, sans consulter les acteurs du patrimoine et les fervents défenseurs de l’histoire de la ville.
 
Cette annonce a provoqué une onde de choc au sein de la communauté casablancaise. Les militants du patrimoine, regroupés au sein de diverses associations, se sont mobilisés pour empêcher la destruction de ce symbole architectural. Ils savaient que l’hôtel Lincoln n’était pas seulement un bâtiment ; c’était un témoin de l’Histoire, un vestige de l’ère coloniale, un espace où se mêlaient l’art et la culture, incarnant l’âme de Casablanca.
 
Des manifestations ont rapidement été organisées devant le bâtiment. Armés de banderoles et de slogans, des citoyens, des historiens et des activistes culturels se sont rassemblés pour exprimer leur désaccord face à cette décision unilatérale. Ils ont rappelé l’importance de l’hôtel Lincoln dans le paysage architectural de la ville, réclamant une restauration plutôt qu’une destruction.
 
Les échanges entre les militants et le propriétaire se sont envenimés. Ce dernier, préoccupé par les coûts d’entretien et l’obsolescence de l’immeuble, a justifié sa décision par des raisons économiques.
 
De ce fait, les autorités locales ont été interpellées. Sous le courroux des manifestations, une réunion a été convoquée pour tenter de trouver un terrain d’entente. Finalement, après de vifs échanges, un compromis a été trouvé : une démolition partielle serait effectuée, mais avec l’engagement d’un projet de restauration pour préserver l’essence de l’édifice.

Patrimoine : De la décrépitude à la renaissance
La destruction de l’hôtel Lincoln est un chapitre sombre dans la saga de ce monument emblématique de Casablanca. Après des décennies d’abandon et de délabrement progressif, l’édifice a connu un tournant dramatique en 2022.
 
Cette année-là, une partie de la façade s’est effondrée, provoquant l’émoi des habitants et des défenseurs du patrimoine. Cet incident a mis en lumière l’urgence de la situation et la nécessité d’une intervention rapide pour sauver ce qui pouvait l’être.
 
Face à ce péril imminent, les autorités ont pris la décision de procéder à une démolition partielle contrôlée. L’objectif était de sécuriser le site tout en préservant les éléments architecturaux les plus significatifs pour une éventuelle reconstruction future.
 
Le processus de démolition a commencé peu après, sous le regard attristé des Casablancais. Des engins de chantier ont commencé à grignoter les étages supérieurs, faisant disparaître peu à peu la silhouette familière qui dominait le quartier depuis près d’un siècle.
 
Cependant, cette destruction n’était pas une fin en soi, mais plutôt le prélude à une renaissance. En effet, un ambitieux projet de restauration a été annoncé, visant à redonner vie à l’hôtel Lincoln tout en préservant son essence Art déco.
 
Les travaux de reconstruction et de rénovation ont débuté, avec l’objectif de respecter l’esprit original du bâtiment tout en l’adaptant aux normes et aux besoins du XXIe siècle. Les architectes et les artisans s’efforcent de recréer les éléments décoratifs caractéristiques, en s’appuyant sur des documents d’archives et des photographies d’époque.
 
Cette renaissance programmée suscite l’espoir et l’enthousiasme. Elle symbolise la volonté de Casablanca de préserver son patrimoine architectural tout en se projetant dans l’avenir. L’ouverture du nouvel hôtel Lincoln, prévue pour 2025, est attendue avec impatience. Elle marquera non seulement la résurrection d’un lieu emblématique, mais aussi le début d’un nouveau chapitre dans l’histoire de la ville, où le passé et le présent se rejoignent harmonieusement.
 
 

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