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Ouverture de la saison 2024 : Entre passion et durabilité, la chasse sous haute surveillance [INTÉGRAL]

Ouverture de la saison 2024 : Entre passion et durabilité, la chasse sous haute surveillance [INTÉGRAL]

Face à l’amélioration de l’encadrement de la chasse, la lutte contre le braconnage, la formation des chasseurs et l’adaptation aux aléas climatiques nécessitent un engagement collectif renforcé.

A la veille de l’ouverture de la saison de la chasse 2024-2025, prévue le dimanche 6 octobre, des dizaines de milliers de passionnés se préparent à pratiquer un loisir considéré également comme un sport. « Pour beaucoup de chasseurs marocains, il s’agit d’une pratique héritée du père ou du grand-père. La période qui précède l’ouverture de la chasse est vécue avec beaucoup d’intensité. Les chasseurs se préparent du point de vue administratif, ils entretiennent l’arme qui a sommeillé dans un coin pendant plusieurs mois, ou encore, pour ceux qui ont des chiens, vérifient que les vaccinations sont à jour et que tout est prêt pour les premières sorties de terrain », nous confie Brahim Haddane, président de l’Association du développement de la chasse dans la région de Rabat (ADCRA), expert en gestion de la faune sauvage et coordinateur du Comité marocain de l’Union Internationale pour la Protection de la Nature (UICN Maroc).

 

Chasseurs et amodiations

Si un grand nombre des 68.000 chasseurs marocains doivent également choisir le site où ils vont partir pratiquer leur passion durant les prochains jours, ils sont beaucoup à faire partie d’une association qui dispose d’une amodiation. C’est-à-dire un lot de terrain qui ne dépasse pas les 3000 hectares où l’association se réserve le droit exclusif de la chasse moyennant une redevance annuelle payée à l’État. « Cette organisation des chasseurs à travers les amodiations est une excellente initiative des Eaux et Forêts. Chaque amodiation est responsable de la gestion cynégétique de son territoire : cela inclut la surveillance et le repeuplement du gibier notamment », explique Brahim Haddane. Avec plusieurs centaines d’amodiations à travers le Maroc, cette initiative permet non seulement de mieux encadrer la pratique de la chasse, mais aussi de contribuer au développement économique local en créant des emplois et en favorisant le désenclavement de certaines zones rurales à travers l’ouverture de pistes par les associations pour accéder aux lots amodiés.
 

Lutte contre le braconnage
 
En dépit des avancées réalisées dans l’encadrement de la chasse au Maroc, le défi de la lutte contre le braconnage persiste. L’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF) a diffusé récemment deux communiqués à propos des actions entreprises dans ce domaine (voir article ci-contre). « Il convient de rendre hommage aux efforts des deux institutions qui collaborent pour la gestion et le contrôle des activités de chasse, à savoir l’ANEF et la Fédération Royale Marocaine de Chasse (FRMC). Cela dit, les nombres de gardes-chasse et de gardes fédéraux qui sont mobilisés par ces deux institutions sont largement insuffisants au vu de l’immensité du territoire », estime notre interlocuteur, notant que les autorités locales devraient jouer un rôle plus actif afin de soutenir les efforts visant à endiguer ce phénomène « qui est mondial ». L’expert précise que la sensibilisation des décideurs, notamment des magistrats, devrait également permettre une application plus stricte des lois en vigueur dans ce domaine.
 
Permis de chasse
 
Face aux défis actuels, la formation des chasseurs devient également un enjeu central. Brahim Haddane plaide pour la mise en place d’un permis de chasse, qui inclurait une formation obligatoire pour les demandeurs. « Un peu comme pour le permis de conduire où l’on doit s’assurer que le candidat sait conduire et connaît le code de la route, il serait essentiel de former les chasseurs sur les espèces, les réglementations et les règles d’utilisation des armes de chasse », explique-t-il. Avec l’impact des périodes de sècheresse, les habitats et la reproduction du gibier se retrouvent également impactées. « Notre recommandation a été de décaler la date d’ouverture et de fermeture de la chasse. Je pense qu’avec les changements climatiques que nous sommes en train de vivre, il serait plus que pertinent de tenir compte de cette nouvelle donne de sorte à mieux adapter les périodes et les quotas de la chasse. C’est ce que nous avons fait dans notre association, en prenant la décision de décaler le début de nos activités de chasse cette année de deux semaines après l’ouverture », conclut-il.
 

3 questions à Brahim Haddane, coordinateur de l’UICN Maroc « Il serait pertinent de programmer une mise à jour du cahier des charges qui encadre les amodiations de chasse »
  Le Dahir de 1923 relatif à la chasse, qui a désormais plus d’un siècle, est-il encore adapté aux réalités actuelles ?  
Le Dahir de 1923 reste pertinent malgré son ancienneté. Il a été amendé plusieurs fois tout en gardant son esprit d’origine. Aujourd’hui, il est tout à fait adapté à la gestion des ressources naturelles et à l’exercice de la chasse, d’autant plus que chaque année, le Conseil de la chasse ajuste et actualise les quotas, les zones de chasse et les périodes. Cependant, je pense qu’il serait pertinent de programmer une mise à jour du cahier des charges qui encadre les amodiations de chasse…

  Quels sont les aspects qui devraient être réexaminés dans le cahier des charges des amodiations ?  

La version actuelle du cahier des charges liée aux amodiations a été établie au début des années 2000. Il y est par exemple question d’une augmentation de 10% tous les 5 ans pour la redevance annuelle. Avec les années, cela s’accumule et certaines associations en arrivent à payer des redevances nettement supérieures à celles initialement prévues. D’autre part, même en payant la redevance annuelle pour l’amodiation, l’association de chasse doit également payer une licence. Je pense que cela ne devrait pas avoir lieu, puisque la licence devrait théoriquement concerner uniquement les chasseurs qui ne sont pas affiliés à une amodiation.

  Peut-on concilier la chasse et une démarche écologiste ?  

Absolument. La chasse est une pratique ancestrale et l’Homme a toujours été un prédateur. Ce qui compte, c’est que cette pratique soit encadrée, durable, et qu’elle bénéficie au développement local. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) reconnaît d’ailleurs que la chasse et la pêche, lorsqu’elles sont pratiquées de manière éthique et durable, font partie de l’utilisation raisonnée des ressources naturelles.

Économie : Un sport qui soutient le développement des zones rurales
Le secteur de la chasse touristique au Maroc compte 92 sociétés actives. Ce secteur joue un rôle non-négligeable dans le développement local, en touchant divers secteurs connexes tels que la vente d’équipements de chasse, les armureries, le transport, l’hôtellerie, la restauration, ainsi que les unités de production de gibier d’élevage.

Chaque saison de chasse permet de créer entre 10.000 et 15.000 journées de chasse, ce qui se traduit par 1 million de journées de travail permanentes et 200.000 journées temporaires, principalement dans les zones rurales. Le poids économique de la chasse au Maroc est estimé à environ 1 milliard de dirhams par saison, renforçant ainsi les recettes de l’État tout en générant de l’emploi dans des régions parfois enclavées. Les amodiataires, qui bénéficient du droit de chasse, investissent en moyenne 60 millions de dirhams par an dans ce domaine. Une part importante de cet investissement, environ 30%, est allouée au repeuplement des territoires de chasse, avec pour objectif de soutenir le développement durable des espèces de gibier.

Braconnage : Les Eaux et Forêts intensifient la lutte contre la chasse illégale
Selon les récents communiqués de l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), plusieurs infractions à la loi sur la chasse ont été relevées ces dernières semaines. Entre le 12 et le 30 septembre 2024, diverses interventions ont eu lieu dans plusieurs régions du Royaume. C’est le cas dans la région de Safi notamment, où un braconnier a été surpris en flagrant délit de chasse pendant la période de fermeture. À Taounate, deux individus ont été arrêtés en possession de 16 oiseaux capturés illégalement, dont des perdreaux et des palombes. Toujours dans cette région, un autre braconnier, accompagné d’un chien Slougui, a agressé des agents forestiers après avoir été surpris en infraction sur une amodiation privée. À Taroudant, des ressortissants étrangers ont été appréhendés pour la capture illégale d’une gazelle de Cuvier et leur matériel, incluant une arme et un véhicule, a été confisqué.

Le 25 septembre 2024, d’autres infractions ont été constatées à Essaouira, où deux individus ont été interceptés en train de chasser de nuit dans une réserve permanente. Enfin, dans la région de Jorf Moulouya, près de Nador, deux personnes ont été surprises en pleine nuit en train de chasser dans une réserve fermée, avant de s’enfuir à l’arrivée des agents de l’ANEF, abandonnant sur place leur matériel. Face à ces infractions, l’ANEF rappelle que les sanctions peuvent atteindre 100.000 dirhams d’amende et six mois de prison. Chaque année, près de 300 actes de braconnage sont signalés à travers le pays.

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