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Industrie du gaming : Les jokers de la tutelle pour attirer les développeurs [INTÉGRAL]

Industrie du gaming : Les jokers de la tutelle pour attirer les développeurs [INTÉGRAL]

Depuis 2022, le Maroc affiche son ambition de devenir acteur dans le développement et l’exportation de jeux vidéo. Toutefois, pour réussir ce pari, il devra avant tout attirer des talents rares et précieux. Dans cette optique, le ministère de la Culture a mis en place une stratégie visant à détecter, mettre en relation, et former ces compétences.

Le marché mondial des jeux vidéo a atteint 295 milliards de dollars en 2022 et devrait s’élever à 321 milliards de dollars d’ici 2026. Derrière cette industrie à fort potentiel se trouvent des multinationales générant des chiffres d’affaires de plusieurs milliards, telles que Nintendo (Super Mario, The Legend of Zelda, Pokémon), Electronic Arts (FIFA, The Sims), ou Take-Two Interactive (GTA, Red Dead Redemption), mais aussi de petits studios indépendants très inventifs.

Comme dans tous les secteurs de l’innovation, les acteurs du gaming mènent une bataille acharnée pour attirer des talents rares et précieux, n’hésitant pas à payer le prix fort. Lorsque le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication a dévoilé en 2022 sa stratégie du gaming visant à créer une industrie locale, la question qui s’est immédiatement posée est : où trouver les compétences requises pour une telle ambition ?
 

Pépinière de talents
Selon Nissrine Souissi, directrice du Portail national et de la documentation au ministère, et commissaire du Salon “Morocco Gaming Expo”, un travail de fond est actuellement en cours pour identifier et connecter les talents marocains du secteur du gaming. Grâce au Salon, qui s’est tenu à Rabat du 24 au 26 mai, « nous avons découvert des talents marocains dans le développement du jeu vidéo. Une petite communauté existait déjà et demandait à être accompagnée », nous explique-t-elle.

Si certains de ces profils sont des passionnés autodidactes, d’autres développeurs travaillent déjà pour des entreprises étrangères ou en tant qu’indépendants, ayant contribué à des jeux de renom. Cette communauté est aujourd’hui prête à se mobiliser pour accompagner le développement de l’industrie du gaming dans son pays et soutenir son essor.

Lorsqu’on évoque les métiers du gaming, on fait référence à un ensemble de spécialités transversales, allant de la programmation, du scénario, de l’animation 2D et 3D, au design sonore, mais aussi aux aspects de production, de marketing, de gestion de projet, et bien plus encore. “Nous avons identifié pas moins de 70 métiers autour du gaming”, détaille Nissrine Souissi. 

C’est cet écosystème complexe que le département de Mehdi Bensaïd s’est donné pour tâche de construire, brique par brique, jusqu’à aboutir à la production du premier jeu vidéo 100% marocain. Pour y arriver, “nous avons eu l’idée de créer une plateforme réunissant toutes ces compétences marocaines, afin de les faire connaître et les mettre en relation. Elle est destinée à trois profils qui sont le développeur du jeu vidéo, la start-up gaming et l’investisseur”, relate la directrice du Portail national et de la documentation.

C’est dans cette optique que le site moroccogamingindustry.ma a été lancé, afin de mettre en avant, à travers des capsules vidéo, les talents marocains et leur parcours. La plateforme centralise également toutes les initiatives du ministère, en collaboration avec ses partenaires, pour promouvoir et développer cette industrie. Elle intègre par ailleurs un volet incubation, dédié à l’accompagnement des jeunes entrepreneurs et porteurs de projets dans la création d’entreprises liées au gaming.

“Suite à la signature de plusieurs conventions avec des partenaires, nous allons accompagner et soutenir financièrement ces porteurs de projets jusqu’à un MVP (Produit minimum viable) qui pourra être valable et développé par la suite”, nous apprend Nissrine Souissi. 
 

Formations de pointe
L’élément central de cette stratégie reste la formation, car malgré la présence de quelques passionnés, il persiste un manque à combler en matière de cursus initial et de perfectionnement. Sur la plateforme moroccogamingindustry.ma, le ministère de la Jeunesse propose aux intéressés des formations couvrant les métiers jugés prioritaires parmi les 70 identifiés dans le domaine du gaming. « Ces formations, de niveaux Bac+2, Bac+3 et Bac+5, ont été élaborées en collaboration avec le ministère de l’Enseignement supérieur, ainsi qu’avec d’autres partenaires et experts internationaux », précise notre interlocutrice.

Les intéressés pourront ainsi bénéficier de programmes de formation qualifiante à certains métiers comme testeur, concepteur de jeux, concepteur de niveaux, designer UX, designer sonore, artiste conceptuel, animateur, artiste 2D/3D, responsable programmeur, programmeur moteur, programmeur de gameplay, responsable de la localisation, coach e-sport, commentateur, streamer, etc.
 

Jeu vidéo 100% marocain
Le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication collabore avec le ministère de l’Enseignement supérieur pour mettre en place des formations spécialisées dans le gaming dans diverses Universités à partir de la rentrée prochaine, c’est-à-dire en septembre 2025. D’autre part, et en marge du Salon Morocco Gaming Expo, le Maroc et la France ont signé deux conventions de partenariat, dont la première concerne l’incubation des jeunes entreprises, et l’autre la formation.

Sur ce dernier aspect, Isart Digital, l’une des meilleures institutions au monde dans la formation en jeux vidéo et animation 3D-FX, proposera, à partir de début 2025, des formations en game design et game play programming pour les aspirants développeurs de jeux vidéo marocains. « C’est une formation de très haut niveau qui sera assurée par un corps professoral de grande qualité. L’objectif est de former la première promotion de managers d’équipes de production de jeux vidéo », nous révèle Nissrine Souissi.

L’objectif à long terme est de placer le Royaume sur la carte des pays développeurs de jeux vidéo et de créer des jeux qui reflètent l’identité et le patrimoine marocains, en intégrant des personnages, des récits, des décors, et des paysages authentiques. D’après la feuille de route à horizon 2030 pensée par le ministère, le marché prioritaire sera le mobile gaming, un segment à fort potentiel et qui correspond à la taille et au potentiel du marché national.
 

Soufiane CHAHID

3 questions à Nissrine Souissi “Le démarrage des travaux de Rabat Gaming City est prévu en octobre 2025”
Certains métiers du gaming seront-ils considérés comme prioritaires dans le cadre des programmes de formation et de valorisation ? 
La formation représente l’un des axes majeurs de la stratégie nationale de l’industrie du gaming élaborée par le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication. Cet axe se décline en trois mesures qui sont l’identification des formations à développer, la structuration de l’offre de formation et la stratégie de déploiement et de montée en charge. Nous avons dans ce sens identifié les 70 métiers qui couvrent tout le processus de développement des jeux vidéo et de l’e-sport et les avons regroupés en neuf familles de métiers : design, art et son, technologie, gestion de projets, assurance qualité, marketing et communication, business et commercial, production et post-production, e-sport. Certains métiers sont prioritaires dans le cadre des programmes de formation à mettre en place, à savoir : Tester, Game Designer, Level Designer, UX Designer, Sound Designer, Concept Artist, Animator, 2D/3D Artist, Lead Programmer, Engine Programmer, Gameplay Programmer, Localisation Manager, Coach e-sport, Caster, Streamer, etc. 
 

Les formations proposées sur la plateforme seront-elles développées en collaboration avec des experts ou des entreprises internationales ?

Les programmes de formations sur l’industrie du gaming seront développés par le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication – Département de la Communication en collaboration avec des experts internationaux dans l’industrie du gaming qui sont mobilisés dans le cadre des conventions signées en marge de la Morocco Gaming Expo 2024, et aussi avec les partenaires locaux œuvrant dans la formation, à savoir : le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation. Toutes les informations relatives à ces formations seront publiées sur la plateforme www.moroccogamingindustry.ma 
 

Quel est l’état d’avancement du projet Rabat Gaming City ? 

La création de Rabat Gaming City (RGC) fait partie de l’une des mesures de la stratégie nationale de l’industrie du gaming. RGC sera réalisée sur un site de 5 hectares situé dans l’arrondissement de Yacoub El Mansour, à Rabat. Le choix du site a été motivé par les atouts relevés : connectivité multimodale, desserte directe par des solutions d’écomobilité, proximité des établissements de formation et de R&D, surface du foncier permettant un développement par phases jusqu’à atteindre une masse critique s’érigeant, à terme, en vitrine du savoir-faire marocain dans l’industrie du gaming. Le démarrage des travaux de construction est prévu en octobre 2025.
 
Recueillis par Soufiane CHAHID

Écosystème du gaming : Le Maroc dévoile sa stratégie
Lancée en 2022, la stratégie du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication ambitionne de positionner le Maroc comme un acteur majeur de l’industrie du gaming en Afrique. L’un des piliers de cette initiative est la mise en place d’infrastructures technologiques et d’accueil, dont la création de Rabat Gaming City, un espace dédié à la promotion et à la pratique du gaming.

Le plan accorde également une attention particulière à la formation des talents, en répondant à tous les besoins en compétences tout en renforçant les dispositifs de formation existants. Pour soutenir les entrepreneurs, la stratégie inclut la structuration d’incubateurs et la mise en place de mesures attractives pour les investisseurs, qu’ils soient locaux ou internationaux.

La promotion du secteur repose sur une communication dynamique et une forte présence dans les Salons internationaux. À cet effet, le ministère organise également le “Morocco Gaming Expo” à Rabat, un événement incontournable pour les professionnels et les passionnés de gaming.

Histoire : L’expérience “Ubisoft Casablanca”
Ubisoft, entreprise française de jeux vidéo, a inauguré en 1998 son studio à Casablanca, le premier en Afrique du Nord. Pendant près de deux décennies, le studio a travaillé sur des titres comme « Donald DuckQuack Attack » et a participé au développement de la franchise « Prince of Persia ». 

En 2008, Ubisoft a créé le « Campus Ubisoft » pour former les talents locaux, renforçant ainsi le secteur des jeux vidéo au Maroc. Cependant, en raison de la crise économique de 2009-2010, ce campus a été contraint de fermer en 2010, limitant les opportunités de formation.

Le studio a néanmoins poursuivi ses activités en développant des jeux sur différentes plateformes, dont des versions mobiles de « Rayman ». Mais au fil des années, il a eu de plus en plus de mal à rester compétitif sur un marché en constante évolution, où l’innovation et la réactivité sont essentielles. 

En 2016, Ubisoft a finalement décidé de fermer son studio marocain, évoquant des difficultés à trouver un modèle économique viable et la nécessité de recentrer ses activités sur des studios plus rentables et adaptés aux exigences du marché mondial.

Le studio employait 48 personnes au moment de sa fermeture et avait contribué à l’émergence d’une expertise marocaine dans l’industrie du gaming. Cette fermeture a marqué la fin d’une période charnière pour le développement des jeux vidéo au Maroc, tout en laissant un héritage significatif qui a inspiré de nombreux jeunes talents locaux.

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