Le 26 septembre est la journée mondiale de la contraception. Une pratique qui n’est pas sans conséquences sur la mutation démographique du Maroc. Détails.
Curieusement, les campagnes de sensibilisation se font de moins en moins fréquentes, du moins sur l’espace médiatique. D’aucuns estiment qu’on n’en a pas autant besoin qu’avant vu l’évolution des mentalités et la mutation de la famille marocaine contemporaine, devenue plus instruite et mieux informée que les précédentes générations.
Il est évident qu’il y a une prise de conscience de l’importance de maîtriser la natalité chez les couples marocains, qui font de moins en moins d’enfants par rapport aux premières générations post-indépendance. Avant, les enfants étaient considérés dans l’imaginaire populaire comme une richesse. Aujourd’hui, on y voit, avant tout, une responsabilité, étant donné le changement radical des modes de vie.
Cette tendance baissière risque de durer encore longtemps si on reste dans la même cadence. Les estimations vont vers cette hypothèse. Le niveau de fécondité devrait baisser à 1,80 enfant par femme à l’horizon 2050, selon les projections du Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques (CERED) relevant du HCP, au moment où les statistiques des Nations Unies donnent un niveau de 1,86 enfant par femme. Cela dit, on risque d’avoir un chiffre en deçà de la moyenne internationale.
Par conséquent, à en croire les résultats de l’enquête menée par le HCP, les effectifs des enfants de moins d’un an enregistreraient une légère et progressive baisse passant de 1,4 million en 2014 à près d’un million en 2050, soit une baisse de 30%. La baisse de la fécondité a des répercussions sur l’évolution de la population d’âge préscolaire, de la population scolarisable dans le primaire et celle au deuxième cycle du fondamental, soit 12-14 ans, qui connaîtraient également une régression de leurs effectifs. Ainsi, les effectifs des 4-5 ans diminueraient de 19% passant de 1,26 million en 2014 à 1,03 million en 2050. Pour les enfants de 6-11 ans, cette diminution serait de 14% passant de 3,64 millions à 3,15 millions entre les deux dates. Quant au groupe d’âge correspondant au deuxième cycle du fondamental (12-14 ans), leur effectif passerait de 1,84 million en 2014 à 1,61 million en 2050, soit une baisse de 13%.
Le HCP dévoile également que la baisse de la fécondité rurale est plus importante que celle urbaine, 20% contre 5%. Tout porte à croire que les niveaux de fécondité urbaine et rurale convergeront dans les prochaines années puisque l’écart de fécondité entre le rural et l’urbain qui était de 3,1 enfants en 1987 n’est que de 0,5 enfant en 2014.
La forte baisse de la fécondité pourrait certes être suivie de nouvelles baisses dans les années futures. Mais pourrait-elle aussi s’interrompre et laisser place à une hausse ? Abdelilah Yaakoubd, Statisticien-Démographe, ancien Professeur-Chercheur à l’Institut National de Statistique et d’Economie Appliquée (INSEA), ayant également assuré pendant 15 ans la fonction de Représentant-Assistant et Coordonnateur de Programme au Fonds des Nations pour la Population (UNFPA) au Maroc, ne se perd pas en conjectures : « D’autres scénarios d’évolution peuvent prendre place et donner lieu à des trajectoires futures plus ou moins différentes et, par conséquent, mener à des niveaux de fécondité nettement plus élevés, comme cela s’est passé dans nombreux pays où la fécondité a connu une reprise à la hausse après une longue période de tendance à la baisse ».
Cette dynamique démographique a poussé le Maroc, depuis le milieu des années 1960, à se lancer dans la voie de la planification familiale et à faire relativement tôt le choix de maîtriser la croissance démographique, notamment à travers la pratique contraceptive, sujet de campagnes de sensibilisation auprès du grand public.
« La pratique contraceptive est actuellement largement répandue avec un taux de prévalence qui dépasse les 72%. Ce qu’il faut souligner à ce sujet c’est que la planification familiale n’est pas l’unique déterminant du niveau de la fécondité. Ce n’est, en effet, qu’un des multiples déterminants qui trouvent leurs racines non seulement dans des facteurs d’ordre économique et social, mais aussi et surtout dans des mécanismes de changement qui relèvent beaucoup plus du culturel et du comportemental », appuie notre interlocuteur.
Quelles sont vos estimations sur les changements attendus dans la population marocaine ?
Un mot sur la politique de planification familiale au Royaume ?
La puce contraceptive est l’une des méthodes les plus avancées de contraception, déjà utilisée dans d’autres pays. En 2023, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb, avait révélé que cette méthode serait introduite au Maroc pour prévenir les grossesses non désirées.
La célébration de la journée mondiale de la contraception vient consolider et mettre en lumière cette corrélation entre planification familiale et droit fondamental.
« La planification familiale s’est érigée comme un “droit humain” depuis la conférence du Caire de 1994 sur la population et le développement. Ce qui veut dire que l’existence et le maintien d’une politique de planification familiale, tant qu’elle ne revêt pas le moindre caractère coercitif, sont tout simplement la réponse à un droit : celui d’être informé sur les méthodes existantes et de pouvoir faire librement son choix d’avoir le nombre de naissances désiré au moment souhaité et avec l’espacement préféré », nous explique Professeur Abdelilah Yaakoubd, Statisticien-Démographe.
La planification familiale, qui constitue depuis 1968 un droit fondamental que le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et l’Organisation Mondiale de la Santé s’efforcent de protéger, reconnaît neuf normes visant à défendre ce droit, à savoir la non-discrimination, la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité, la qualité, la prise de décision éclairée, le respect de la vie privée et de la confidentialité, la participation des individus aux décisions qui les concernent et la responsabilité des systèmes de santé, des systèmes éducatifs, des dirigeants et des décideurs quant aux efforts déployés pour réaliser le droit de l’Homme à la planification familiale.
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