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Stockage d’énergie : Tout sur les stations de transfert d’énergie par pompage [INTÉGRAL]

Stockage d’énergie : Tout sur les stations de transfert d’énergie par pompage [INTÉGRAL]

Crucial pour le Maroc, l’enjeu de stockage de l’électricité est déterminant pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables tout en stabilisant le réseau et les prix.

Dans un contexte de transition énergétique mondiale, le Maroc a fait le choix de se tourner vers les énergies renouvelables en développant des projets ambitieux de production solaire et éolienne. Contrairement aux solutions classiques basées sur les hydrocarbures ou les centrales nucléaires, les énergies renouvelables dépendent de sources naturelles souvent fluctuantes. « Le Maroc mise fortement sur les énergies renouvelables, avec un gisement solaire et éolien considérable. Ces sources se complètent souvent, mais leur intermittence représente un défi. Pour y faire face, il est essentiel d’intégrer des solutions hybrides et des systèmes de stockage énergétique. C’est ce que notre pays a réalisé à travers la mise en place de stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), qui sont actuellement la solution la moins coûteuse », explique Badr Ikken, expert en transition énergétique, président du Conseil d’Affaires Maroco-Allemand de la CGEM et ancien directeur général de l’Institut de Recherche en Énergie Solaire et Énergies Nouvelles (IRESEN).
 
Objectifs 2030
 
Le fonctionnement de ces infrastructures permet de stocker l’énergie excédentaire produite lors des périodes de forte ensoleillement ou de vent, puis de la restituer lors des pics de demande (voir article ci-dessous). « Le fonctionnement d’une STEP dépend de l’orographie (relief terrestre, NDLR) du site, sachant qu’il existe également des STEP marines, qui sont un peu plus compliquées et coûteuses à réaliser », précise Badr Ikken. Actuellement, les STEP en activité au Maroc accumulent une capacité de production de 460 MW. L’ambition du Royaume est de porter cette capacité à 1.410 MW d’ici 2030, soit une puissance additionnelle de 950 MW pour un investissement d’environ 9,3 milliards de dirhams. À cet égard, trois nouvelles STEP seront mises en service (voir article ci-contre), dont la STEP d’Abdelmoumen, située à 70 km d’Agadir, dans la province de Taroudant. Avec une puissance installée de 350 MW et un coût total d’environ 3,8 milliards de dirhams, cette infrastructure constitue une avancée significative pour le secteur énergétique marocain.

 

STEP et durabilité
 
Ce chantier stratégique de stockage énergétique a par ailleurs été renforcé en mai dernier suite à la signature par l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) et l’Alliance de la durabilité de l’hydroélectricité (HSA – Hydropower Sustainability Alliance) d’un protocole d’accord visant à renforcer la durabilité des ouvrages hydroélectriques au Maroc, particulièrement les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Selon l’ONEE, ce partenariat a pour objectif de mettre en œuvre un « programme de renforcement des compétences marocaines, en particulier, et africaines, en général, dans le domaine de la durabilité des ouvrages hydroélectriques, y compris les STEP, ainsi que l’accompagnement de l’ONEE dans la certification à la norme de durabilité de l’hydroélectricité de projets STEP », indique l’Office dans un communiqué. Ce protocole d’accord « comprend également la réalisation d’une étude d’impact climatique des sites hydroélectriques et permettra le déploiement d’un programme d’environ 14 mois à partir de juin 2024 ».
 
Cadre règlementaire
 
En vertu des termes de ce protocole d’accord, la HSA (qui est un organisme de normalisation indépendant basé au Portugal) contribuera au financement de ce programme « à travers un fonds dédié au projet par le Secrétariat d’État à l’Économie suisse (SECO) afin de soutenir des initiatives de promotion de l’hydroélectricité durable au Maroc, dans le Maghreb et en Afrique francophone. De son côté, l’ONEE apportera l’appui local nécessaire à la réalisation du projet, notamment par la mise à disposition des ressources humaines et l’appui logistique nécessaire ». À noter qu’en plus des enjeux environnementaux des chantiers de stockage d’énergie, qui sont actuellement en pleine expansion au niveau national, se pose également la nécessité de mettre en place des textes réglementaires fixant les modalités techniques et juridiques de réalisation et d’utilisation de ces moyens de stockage. Une exigence qui prend tout son sens au vu des autres technologies de stockage qui sont actuellement en train d’arriver à maturité et dont le Maroc ne devrait pas tarder à tirer parti (voir interview).

3 questions à Badr Ikken, expert en transition énergétique « Actuellement, le stockage grâce aux STEP est la solution idéale qui s’offre à nous au vu du coût et de la durée de vie de ce genre d’infrastructure »
Au vu de l’importance du stockage d’énergie pour le Maroc, quelles sont, selon vous, les autres solutions qui peuvent être utilisées en plus des STEP ?
– Actuellement, le stockage grâce aux stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) est la solution idéale qui s’offre à nous au vu du coût et de la durée de vie de ce genre d’infrastructure. Il n’en demeure pas moins que d’autres solutions sont également en train de gagner en maturité et en compétitivité pour devenir intéressantes à envisager pour un stockage de l’énergie à grande échelle. C’est le cas notamment du stockage électrochimique, c’est-à-dire les batteries, qui sont déjà largement utilisées pour les petites applications (téléphones, ordinateurs, voitures…), mais dont l’industrie automobile accélère l’évolution et l’accessibilité.
 

Est-il possible d’envisager des solutions de stockage à grande échelle par batteries à court terme ?

– Il convient de noter qu’il existe déjà des projets au Maroc qui font appel à un stockage d’énergie par batteries. Cela dit, je pense que cette solution est plus à envisager à grande échelle pour le moyen terme. Bien que les batteries permettent de restituer l’énergie stockée instantanément contrairement aux STEP où il faut attendre un certain temps, le stockage électrochimique est encore relativement limité en termes de capacité. On parle de dizaines ou une centaine de kilowattheures, alors que pour les STEP, il est question de plusieurs centaines de kilowattheures. Il y a également l’aspect relatif à l’amortissement énergétique et à la bonne gestion de l’impact environnemental des batteries. Cela pourrait parfaitement se faire avec des batteries qui ont d’abord une première vie dans une voiture avant d’être réutilisées dans le stockage…
 

Quid de l’hydrogène vert en tant que solution pour le stockage de l’énergie ?

– L’hydrogène vert est à envisager à moyen-long terme. Le stockage se fera durant sa production en utilisant des énergies renouvelables puis pour récupérer l’énergie, on retransforme l’hydrogène à nouveau (gaz to power) en eau. Pour le coût de stockage avec l’hydrogène vert, on parle aujourd’hui d’un rendement global qui ne dépasse pas les 30 à 35%. Les prix sont également encore élevés mais vont baisser dans l’avenir. L’hydrogène vert sera progressivement utilisé pour les applications industrielles puis, petit à petit, il se profilera comme une alternative qui conviendra également pour le stockage énergétique.

Fonctionnement : Stocker l’électricité grâce à l’eau, la gravité et le bon timing
La station de transfert d’énergie par pompage (STEP) fonctionne entre deux retenues d’eau : un bassin supérieur et un bassin inférieur. Lors des pics de consommation électrique, l’eau du bassin supérieur est libérée par une conduite forcée, faisant tourner une turbine couplée à un alternateur pour produire de l’électricité et répondre à la demande. En période de faible consommation, l’électricité du réseau alimente une pompe qui remonte l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur, permettant ainsi un stockage d’énergie potentielle gravitationnelle. L’énergie stockée dépend du volume d’eau et de la hauteur de la chute. Bien que les STEP soient généralement installées en montagne, des conceptions émergent, comme les « STEP marines » en bord de mer, qui récupèrent l’électricité des grands parcs éoliens offshore ou assurent l’autonomie énergétique d’îles. Ces installations nécessitent toutefois un dénivelé d’au moins 100 mètres, avec la mer comme retenue inférieure et le sommet d’une falaise ou une digue comme retenue amont.

2030 : Trois nouvelles stations de transfert d’énergie par pompage
La STEP d’Abdelmoumen, dont la mise en service retardée à plusieurs reprises est désormais imminente, a été construite par le consortium Vinci Construction Grands Projets et Andritz Hydro GmbH, après un appel d’offres international lancé par l’ONEE. Ce projet stratégique a bénéficié d’un financement significatif, incluant 140 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI), 134 millions d’euros de la Banque africaine de développement (BAD), ainsi que 60 millions de dollars provenant des Fonds des technologies propres de la BAD. Un deuxième projet, la STEP d’El Menzel, est également en préparation dans la province de Sefrou. Avec une capacité de 300 MW et un coût estimé à environ 2,6 milliards de dirhams, ce projet sera financé par la BEI, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, ainsi que la banque allemande KfW. La STEP d’El Menzel sera développée par le secteur privé dans le cadre d’un contrat de construction « EPC » (Engineering, Procurement and Construction), avec une mise en service prévue pour 2027. En outre, l’ONEE a planifié la construction de la STEP Ifahsa, d’une capacité de 300 MW, située sur la rive droite de la vallée du Oued Laou, au Sud de Tétouan, à 14 km de Chefchaouen. Ce projet, dont l’investissement est estimé à environ 2,9 milliards de dirhams, est prévu pour entrer en service en 2029. Ces trois projets permettront au Maroc de tripler sa capacité actuelle de stockage pour atteindre 1.410 MW d’ici 2030.

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