Tebboune n’a pas beaucoup attendu pour régler ses vieux comptes avec certains des généraux qui avaient manigancé pour le détrôner à quelques encablures de la fin de son premier mandat. Premier à faire les frais, le général-major Djebbar Mehenna.
Après de longues discussions qui ont pris fin en début de la soirée du jeudi 19 septembre qu’est tombé le couperet. Exit ce vieux général de 78 ans, natif de Tizi-Ouzou honni par les enfants de sa région qui le qualifient de KDS (kabyle De Service) et par ses subalternes pour sa cruauté et sa conduite indigne d’un officier militaire.
Ce n’est pas pour son passé sulfureux dans les années 90’ ou pour les crimes qu’il avait commis en cette période qu’il a été remercié par le président Tebboune dont l’entourage est infesté par les semblables du général Djebbar. Ni pour ses incessants échecs dans la gestion des dossiers libyen et malien ou le scandale de « grande évasion » ratée qu’il avait conçue et menée contre le voisin marocain, qui sont à l’origine de son éviction. Ni pour son dernier scandale signé par son fils Mouloud arrêté en France pour trafic de cocaïne
Le président fraîchement réélu lui tient rancune pour une affaire personnelle. Strictement personnelle. L’opération menée depuis plus d’une année pour le dégommer avant la fin de son premier mandat et à défaut lui barrer la route pour le second que convoitait de toutes ses forces Abdelmadjid Tebboune.
Les jours du général Djebbar étaient comptés depuis plusieurs mois. Depuis, exactement, l’arrestation de l’un de ses agents, Saïd Bensdira, plus connu sous le sobriquet de « rat de Londres », par les services de la police française à Paris au mois d’avril dernier. Cette arrestation avait démasqué les intrigues du patron de la sécurité extérieure. Toutes les preuves des manigances du général Djebbar Mehenna étaient contenues dans le laptop et les smartphones saisis sur le rat. « Mais, il fallait laisser la présidentielle du 7 septembre passer et après on règlera les comptes » confiait un proche de Tebboune.
Le colonel Rochdi Fethi Moussaoui était le seul à loger dans le même hôtel que la famille du président et le chef de la sécurité présidentielle. Il se lie d’amitié avec Mohamed, le fils aîné de Tebboune. Ils sont quotidiennement ensemble. Inséparables. Mohamed Tebboune, bien que fils de président, était tout heureux d’être l’ami d’un officier supérieur des services de renseignements. Complexe du militaire oblige. Et comme, il aime passer ses weekends dans la capitale française, il ne manque pas de susurrer dans l’oreille du papa l’affectation de son ami le colonel Sadek (son surnom de service), à Paris.
Fils d’un diplomate issu d’une famille révolutionnaire originaire d’Annaba (dans l’est du pays) mais elle a, aussi, ses racines à la Casbah d’Alger, Rochdi Fethi Moussaoui a hérité le sens de la diplomatie en ayant toujours le bon mot à dire au bon moment et en se montrant serviable, courtois et affichant beaucoup de sympathie à l’égard de son vis-à-vis. C’est ce qui faisait dire à ses collègues qu’il était un brin brosseur. Surtout avec ses chefs. D’ailleurs, il a, toujours, entretenu d’excellentes relations avec ses supérieurs. Il était ami avec les familles de ses chefs. Bien que nouveau au service et tout jeune officier, il entretenait des rapports amicaux avec le général-major Rachid Laalali alias Attafi, l’ancien patron de la DGDSE.
Né en 1977 (âgé de 47 ans), Fethi Rochdi Moussaoui s’engage dans l’armée et spécialement les services de la sécurité extérieure en 1999. Pourquoi la sécurité extérieure ? L’un de ses proches explique par le fait que son père et l’un de ses oncles étaient des diplomates. Citons notamment, Boualem Moussaoui qui était le deuxième ambassadeur d’Algérie à Paris, nommé en septembre 1963 succédant à Abdellatif Rahal. Boualem Moussaoui né en septembre 1926 à Alger, avait commencé à militer dès l’âge de dix-sept ans au sein du P.P.A. (Parti du peuple algérien), puis du M.T.L.D. (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques). Il adhéra, ensuite, au F.L.N. dès le début de la révolution et fut arrêté en mai 1956 en Algérie, puis interné à Fresnes. Libéré après les accords d’Evian, il rejoint M. Ben Bella à Tunis, puis à Tlemcen, lors de la crise d’août 1962, et devient membre de la commission nationale de coordination qui devait préparer la proclamation du bureau politique du F.L.N.
Il y a, aussi, Lahcene Moussaoui, ex-ambassadeur d’Algérie en Tunisie, de septembre 1992 à janvier 1996. A cette date, il succède à Ahmed Attaf comme Secrétaire d’État à la Coopération et aux Affaires maghrébines (de 1996 à 1999) dans les gouvernements Ouyahia et ensuite celui de Hamdani. Il est nommé ambassadeur d’Algérie au Brésil le 14 février 2001 avant de prendre sa retraite. Fait rare chez les hauts cadres algériens, Lahcène Moussaoui profite de sa retraite pour publier un ouvrage intitulé « Dialogue d’un fou avec lui-même : En quête de ton amour impossible, Alger ».
Algérois de naissance et de culture, Rochdi Fethi Moussaoui, alias Sadek, a la chance de n’avoir pas participé à la guerre civile et peut se vanter, par conséquent, d’avoir les mains propres. Ni sang ni argent sale sur les mains. Saura-t-il résister aux chant des sirènes ? « Maintenant qu’il est propulsé très haut dans la hiérarchie, il va être, sans doute, très sollicité par tous les affairistes, notamment ceux du clan présidentiel. Un clan auquel il doit sa fulgurante ascension », confie l’une de ses connaissances.
A peine quatre années passées au grade de colonel qu’il est promu général sur proposition de son ami Mohamed Tebboune. Une promotion qui avait suscité une sourde contestation à la DGDSE. Certains de ses collègues végètent depuis 15 ans dans le grade de colonel. Mais, ils n’ont pas eu la chance de croiser les fils Tebboune et de se lier d’amitié avec eux.
Quoiqu’il en soit, Tebboune vient de marquer le coup en éjectant l’un des généraux les plus sales de l’armée. Rappelons qu’il avait été condamné à 8 ans de prison par le tribunal militaire de Blida, pour « enrichissement illicite, trafic d’influence et blanchiment d’argent. »
Alors qu’il était responsable du Centre de Recherches et d’investigations (CRI) de la 1ère région militaire, Djebbar Mehenna avait transformé le CRI en centre de tortures et de liquidations extrajudiciaires. Tout comme il avait transformé une partie de l’hôtel Le Palace de Blida en hôtel de passes où il était le proxénète attitré.
Après quatre ans passés dans les hautes sphères sous la férule du général d’armée Saïd Chengriha, il finit sa carrière avec un énième scandale, celui de l’arrestation de son fils Mouloud, à Marseille, pour trafic de cocaïne.
A quand le tour de son poulain, complice et ami le général Abdelkader Haddad, alias Nacer El-Djenn ? Auteur d’un nombre incalculable d’assassinats de « pauvres innocents qu’il achevait d’une balle dans la tête alors qu’ils sont ligotés » selon le témoignage du sergent-chef Houari qui l’avait connu au Centre Principal Militaire d’Investigation de Ben-Aknoun, sur les hauteurs d’Alger ? l’actuel patron de la sécurité intérieure doit commencer à compter ses jours si Tebboune voudrait bien faire le nettoyage des services de sécurité dirigés par les anciens du CPMI.
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