Jusqu’au 29 septembre, le photographe maroco-américain expose quelques-unes de ses réalisations en noir et blanc à l’espace Rivages à Rabat. « Ombres de mon passé » est l’intitulé imaginé par l’artiste de 67 ans pour cet accrochage. Son quartier de naissance et ses habitantes sont les vedettes de son approche. Retour sur un parcours et une philosophie.
Cette exposition, pas sa première au Maroc, met en avant des photographies exclusivement réalisées en noir et blanc. Elle raconte une histoire vieille de quatre décennies avec, comme point nodal, son quartier casablancais Derb Sultan et ses femmes. « Ombres de mon passé » est un travail sur la mémoire. La relation de Noureddine El Warari avec la photographie remonte à son très jeune âge. La dizaine à peine consommée, il se procure aux puces un appareil photo en plastique. Ce qui lui permet de s’amuser en captivant les ruelles de son quartier. Manque de chance, son petit bijou se fait massacrer par le soleil un jour de plage. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à rêver de faire carrière dans ce domaine qui le fait craquer. Une histoire avec son oncle est racontée en 2021 par Yabiladi : « Le jeune photographe fan des films hollywoodiens profite du travail de son oncle dans l’une des salles de cinéma de Casablanca, pour en dévorer sans limite. Cela lui permet surtout d’apprendre un ensemble de techniques photographiques. ‘’Ma mère m’envoyait pour apporter les repas pour mon oncle et ce dernier me laissait entrer. Souvent, je regardais le même film une dizaine de fois par semaine’’, se rappelle-t-il. » Mais les études priment et El Warari lâche momentanément prise. Au milieu des années 1970, le bac en poche, il s’envole pour la France où il suit des études en économie. Deux années lui suffisent pour plier bagages et renouer avec la photographie. « C’est durant cette période qu’il songe à déménager aux États-Unis. Sa première destination sera le Michigan, où il passe une année entière avant de s’installer à Austin, capitale de l’État du Texas. Mais avant cela, en mode débrouille, il travaille dans un restaurant en y faisant la vaisselle pour récolter de l’argent lui permettant de s’installer ailleurs. Le voilà accepté à l’Université du Texas où il décide d’entrer dans le monde de la photographie par la voie professionnelle. » Mais la famille ne valide pas ce choix. Ce qui est une autre histoire.
Michael Jackson, Brad Pitt…
Noureddine El Warari veut être son propre patron. Il devient donc photographe indépendant, mais également maître imprimeur et conférencier au Santa Monica College. En 1985, il obtient le diplôme des Sciences appliquées en photographie du Programme des Beaux-Arts, à Austin, Université du Texas. L’espace Rivages de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidents à l’étranger rappelle que l’artiste photographe intègre, pour deux ans, le CREART Photo Laboratory de Los Angeles où il travaille en collaboration avec les géants Universal Studios et Warner Brothers et se distingue par la qualité de son travail photographique et sur les tournages de films aussi bien pour les majors que pour plusieurs agences de publicité.
Noureddine El Warari continue son ascension chez Photo Impact de 1988 à 2003 en tant que Maître Imprimeur spécialisé en Noir et Blanc. Il élargit la palette de son travail et explore d’autres domaines de la photographie comme l’utilisation de l’appareil photographique tel un outil à la fois argentique et numérique pour l’impression photographique. Il y a quelque temps, il se confie au site américain Shoutout en ces termes : « Quelque chose se produit lorsque vous regardez les gens profondément dans les yeux, comme si c’était une porte d’entrée vers leur âme.
La photographie en noir et blanc est mon art. Je crée des images à la main, à l’ancienne. Je suis dans ce métier depuis plus de 30 ans. J’ai travaillé à Hollywood avec certains des plus grands photographes du monde. Y arriver a été très difficile. Les défis étaient nombreux. Les récompenses sont inestimables ! » Entre autres célébrités immortalisées par l’objectif de Noureddine El Warari, Brad Pitt, Jennifer Aniston, Michael Jackson… Mais son véritable trophée est d’évoluer aux côtés de photographes à la réputation planétaire : Greg Gorman, Gordon Parks, William Claxton, Horace Bristol, Peggy Sirota… Et avec cela la fierté nonchalante face à une réussite enviable : « Je suis fier d’avoir choisi ce chemin. En fait, je ne sens pas que je travaille mais plutôt que j’ai eu ma retraite le jour où j’ai été accepté à l’université, car je fais ce que j’aime et le fais du fond du cœur. » Il n’oublie pas de remercier ses professeurs Eva Crawford et Willis Watkins. Il rend également hommage à ceux qui l’ont épaulé : George Hurrell, Lara Porzak ou encore Howard Bingham. Ainsi Noureddine El Warari peint-il avec la lumière, écrit-il en noir et blanc.
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