Après des années à déjouer la censure, Mohammad Rasoulof, 51 ans, a dû se résoudre à l’exil après le tournage, en clandestinité, de ce film, « Les graines du figuier sauvage ». Après des années à déjouer la censure, Mohammad Rasoulof a dû se résoudre à l’exil après le tournage, en clandestinité, de ce film, « Les graines du figuier sauvage » Sa présentation à Cannes, où il a obtenu un prix spécial du jury, puis sa sortie en salles, tiennent du miracle. « Il faut vingt ans de formation pour apprendre. Sinon n’importe qui pourrait faire un bon film clandestin ! », racontait sur la Croisette le cinéaste, à peine arrivé en Europe, à l’AFP.
Ses séjours en prison ont été une école pour développer son « côté hors-la-loi » et duper les services de sécurité, lorsqu’il faut dissimuler les scénarios, ou user de subterfuges pour cacher l’identité des acteurs.
Des connaissances qui lui ont permis aussi d’organiser sa fuite d’Iran. Un exil auquel il s’était jusque-là refusé pour continuer de se battre dans son pays. La justice iranienne interdit à Rasoulof de tourner des films pendant 20 ans, mais il continue de tourner en secret des films, régulièrement sélectionnés à Cannes, ou à Berlin par exemple Mais la perspective d’un retour derrière les barreaux après une condamnation pour « collusion contre la sécurité nationale » l’a convaincu de couper ses appareils électroniques et quitter le pays à pied, à travers les montagnes, pour l’Europe et l’Allemagne, où vit sa fille Baran.
Dès son arrivée à Cannes, il a annoncé la couleur, souhaitant continuer le combat: « J’espère que tout l’appareil de l’oppression et de la dictature finira par disparaitre en Iran », a-t-il lancé.
Corruption dans « Un homme intègre » (2017), l’histoire d’un homme qui tente de se battre contre les manœuvres malhonnêtes d’une compagnie privée poussant des villageois à vendre leurs biens, peine de mort dans « Le diable n’existe pas » (2020): l’œuvre de Rasoulof est éminemment politique.
Jusqu’à son dernier film, « Les graines du figuier sauvage », qui intègre des images du mouvement « Femme, vie, liberté » et de la répression des manifestations qui ont secoué l’Iran à partir de fin 2022.
Des manifestations portées par une nouvelle génération qu’il admire: « cette génération, avec l’accès aux médias, aux informations, a développé une conscience, et va susciter d’énormes changements », espère-t-il.
Né en 1972 à Chiraz (sud-ouest), l’une des villes les plus ouvertes d’Iran, Mohammad Rasoulof a étudié la sociologie puis le montage à Téhéran.
Il est de longue date dans le viseur des autorités. Il doit sa première peine de prison à un projet de documentaire avec un autre cinéaste, Jafar Panahi, l’un de ses proches, sur les manifestations massives qui ont suivi la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad en 2009.
La justice iranienne lui interdit de tourner des films pendant 20 ans, mais il continue de tourner en secret des films, régulièrement sélectionnés à Cannes, ou à Berlin par exemple.
Après avoir été privé de son passeport, Mohammad Rasoulof n’avait pas pu se rendre à la Berlinale en 2020 pour présenter « Le diable n’existe pas », Ours d’or.
Pendant le tournage des « Graines du figuier sauvage », la menace se rapproche à nouveau.
Début mai, son avocat Me Babak Paknia avait révélé que Mohammad Rasoulof avait été condamné à huit ans de prison, dont cinq applicables, des coups de fouet, une amende et une confiscation d’une partie de ses biens.
Ce jugement fait suite à l’arrestation du cinéaste en juillet 2022 pour avoir dénoncé la « corruption » et « l’incompétence » des autorités, et encouragé des manifestations liées à l’effondrement d’un immeuble ayant fait plus de 40 morts dans le sud-ouest de l’Iran.
La prison, dont il sera libéré pour raisons de santé en janvier 2023, sera pour lui un « poste d’observation privilégié » du mouvement « Femme, vie, liberté ».
Et lorsqu’un responsable pénitentiaire lui confie ses difficultés à assumer ses actes devant ses propres enfants, et ses pulsions suicidaires, il sait qu’il tient l’idée de son prochain film.
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