Exit la société civile, priorité à une « solution politique »: Emmanuel Macron s’est tourné successivement mardi vers la droite et la gauche pour savoir lequel de Xavier Bertrand ou de Bernard Cazeneuve peut survivre à une censure immédiate en cas de nomination à Matignon.
Tout en excluant une décision mardi soir, l’entourage du chef de l’Etat pensait entrevoir une porte de sortie, alors que les consultations s’éternisent 58 jours après les élections législatives qui ont débouché sur une crise politique inédite.
Selon un proche du président, l’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve et le patron des Hauts-de-France Xavier Bertrand, chantre d’une droite sociale, reçus tour à tour la veille, assurent déjà « plus de stabilité » que Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front populaire, éconduite par Emmanuel Macron.
« Il y a à leur égard des réticences, des lignes rouges de fond et de méthode, mais pas forcément de censure immédiate », veut-on croire de même source.
Fort de cette possible ouverture, le président de la République continue de tester ces deux noms auprès des partis, et estime qu’il optera « plutôt » pour « une solution politique ». L’hypothèse d’une nomination du président du Conseil économique, social et environnemental Thierry Beaudet, qui a un temps semblé tenir la corde lundi, a vécu.
Emmanuel Macron s’est entretenu dans l’après-midi avec les socialistes Olivier Faure et Boris Vallaud qui lui ont affirmé vouloir se déterminer sur un programme plutôt que sur le casting.
Le PS est-il prêt à s’engager à ne pas censurer un gouvernement dirigé par Bernard Cazeneuve? Les cadres opposés à la direction ont plaidé pour un feu vert à celui qui a quitté le parti pour dénoncer son alliance avec La France insoumise.
Malgré cette demande, le bureau national du parti mardi soir ne se prononcera pas sur cette épineuse question.
Outre les socialistes, le président de la République a aussi contacté les autres membres du NFP, arrivé en tête aux législatives mais loin de la majorité absolue. Il a ainsi parlé avec les communistes, et les écologistes, dont la patronne Marine Tondelier a déploré « un piètre spectacle », donné par « un président de la République qui concerte mais qui fait semblant de vouloir que tout change, pour qu’en fait rien ne change ».
Fin de non recevoir en revanche des dirigeants de LFI, qui n’ont pas décroché leur téléphone: Mathilde Panot et Manuel Bompard ont dénoncé « ces improvisations » et « les tentatives désespérées de diviser » l’alliance de gauche.
Enfin, Emmanuel Macron pourrait s’entretenir mardi soir avec la cheffe des députés du Rassemblement national Marine Le Pen.
Le parti d’extrême droite avait auparavant douché l’option Bertrand, dont la cote était montée en flèche dans la matinée… avant de redescendre face à plusieurs tirs de barrage.
Les dirigeants des Républicains ont ouvert la porte à sa nomination, après avoir campé sur leur refus de toute participation à un gouvernement ou à une coalition. Le patron des députés Droite républicaine Laurent Wauquiez a expliqué à ses troupes vouloir faire preuve de « bonne volonté », tout en « constatant que le risque de censure ne rendait probablement pas l’option viable », selon un participant à une réunion interne.
« Ce serait un manque de respect envers les millions de Français qui se sont exprimés dans les urnes (…) Donc on censure », a en effet fait savoir le Rassemblement national, sans tarder.
Xavier Bertrand, qui se vante souvent d’avoir battu deux fois Marine Le Pen aux régionales, est « la plus mauvaise des options », « c’est le premier sur la liste à pouvoir être censuré, il ne respecte pas ses adversaires, passe son temps à insulter les électeurs du RN », a lâché sur franceinfo le député Sébastien Chenu.
Le RN a aussi jugé « impossible » un gouvernement Cazeneuve car il « tiendrait une politique de gauche ».
En revanche, le parti à la flamme « accepterait un gouvernement technique, qui expédierait les affaires courantes » et aurait pour mandat « de mettre en place la proportionnelle aux législatives » afin « de dégager une majorité dans un an », une nouvelle dissolution n’étant pas possible avant l’été 2025.
Le chef de l’Etat va-t-il trancher mercredi pour l’un de ces ténors politiques, résurgences d’un « ancien monde » dont il avait voulu tourner la page en 2017? « Un troisième nom politique sorti du chapeau n’est pas à exclure », prévient un conseiller de l’exécutif .
Mais le temps presse. Le budget 2025 doit être déposé au Parlement le 1er octobre au plus tard. Et le ministère des Finances vient d’annoncer un nouveau dérapage du déficit, attendu à 5,6% du PIB cette année sans nouvelles mesures d’économies.
Gare à « l’immobilisme », met ainsi en garde Edouard Philippe. L’ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron choisit, lui, d’accélérer: il s’est déclaré mardi soir candidat à la présidentielle de 2027.
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