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Maroc – Algérie : Les dessous du «lobbying clash» à l’Hexagone [INTÉGRAL]

Maroc – Algérie : Les dessous du «lobbying clash» à l’Hexagone [INTÉGRAL]

Soutenu par un clan de thuriféraires, dont Mehdi Ghezzar est l’incarnation, Alger se livre à une lutte d’influence en France. Une lutte contrée par un soft power marocain savamment entretenu. Décryptage.

Cela fait plus de trois jours que la figure de Mehdi Ghezzar domine le fil d’actualité de X où les internautes se félicitent de son limogeage de RMC. Sur fond d’une indignation générale provoquée par des propos antisémites et insultants envers le Maroc, la direction de la radio française s’est résolue à se séparer de son chroniqueur algérien qui a fini par payer le prix de sa vulgarité.  Ultranationaliste à outrance, Ghezzar, dont les excuses sournoises sont unanimement rejetées, est un agent d’influence au service d’Alger. Il se revendique lui-même comme tel comme on peut s’en apercevoir dans une précédente interview qu’il a accordée au journal algérien TSA, où il a dit œuvrer pour le renouveau du lobbying algérien en France dans le cadre d’une mission collective régentée par l’ambassadeur d’Algérie à Paris. 

“Nous essayons de faire un travail collectif qui se base sur l’évolution de l’Algérie dans les yeux des étrangers”, a-t-il confessé, lui qui fait partie d’un réseau de “grandes gueules” chargé de reluire l’image du régime et de défendre ses intérêts dans une stratégie destinée à mobiliser une diaspora nombreuse au service d’un agenda à la fois anti-marocain et anti-français. 
 

Un quarteron de grandes gueules !
L’Algérie compte sur un contingent de personnalités médiatiques à forte audience. Dans cette liste surgit Karim Zéribi, l’ex-eurodéputé reconverti en chroniqueur dans plusieurs chaînes, y compris celles marquées à droite, dont CNews, C8 et Europe1… Ses multiples prises de positions favorables à son pays d’origine et son soutien manifeste au  Polisario sur les plateaux, y compris dans des chaînes algériennes, trahissent son militantisme pro-algérien. Ce réseau, dont la cheville ouvrière est l’ambassade d’Alger, cible également des élus, dont Mohamed Gnabaly, le Maire écologiste de L’Ile-Saint-Denis qui n’a pas manqué de fermer abusivement le stand marocain pendant les Jeux Olympiques pour peu que la chanteuse marocaine Saïda Charaf y ait clamé “Sahara marocain” lors d’un concert. 

Alger recourt également à la racaille qu’incarne à merveille Sofia Benlemmane. Recrutée par les services algériens, sa mission consiste à faire campagne pour le régime auprès de la diaspora algérienne, injurier le Maroc lors des manifestations et promouvoir la rente mémorielle. 

Un point commun rassemble les relais de l’Algérie. Tous sont engagés corps et âme à soutenir politiquement et intellectuellement le Polisario et la thèse séparatiste. Leur discours se radicalise à mesure que le Maroc avance vers une résolution définitive du conflit. La déclaration rageuse de Mehdi Ghezzar s’inscrit dans ce contexte. “L’amertume de certains Algériens vis-à-vis des succès marocains s’exprime parfois publiquement avec une brutalité inouïe”, notre le politologue Bruno Tertrais. 
 

La gauche, Alger en terrain conquis
Pour plaider la cause séparatiste, les porte-voix du récit algérien s’adressent essentiellement à la gauche française où leur rhétorique trouve parfois un écho favorable. Les nombreuses condamnations du soutien d’Emmanuel Macron à la marocanité du Sahara, venues essentiellement des figures de proue du Nouveau Front Populaire, dont la patronne des Écologistes, Marine Tondelier, et le Chef des communistes, Fabien Roussel, en sont la preuve. Chez les Insoumis, l’Algérie trouve un club de sympathisants, dont Rima Hassan, recrutée opportunément par LFI à cause de sa notoriété médiatique. Celle-ci, qui soutient publiquement le Polisario, a été conviée à Alger pendant la célébration de la fête d’indépendance. 

Il n’est donc pas étonnant que le régime algérien s’ingère dans les législatives françaises en donnant des consignes de vote au profit de la gauche. En témoigne l’appel du recteur de la Mosquée de Paris, Chems-Eddine Mohamed Hafiz, à faire barrage à la droite et l’extrême droite. Perché à la tête de la mosquée emblématique, cet avocat, ostensiblement proche du président Tebboune, a été chargé en février 2013 de défendre le Polisario dans la Cour Européenne de Justice quand le front a contesté l’accord d’association Maroc-UE. Par ailleurs, cette ingérence algérienne serait encouragée par l’Iran, juge Emmanuel Razavi, grand reporter pour Paris Match et spécialiste du Moyen-Orient. “Les services de Renseignement iraniens savent que la diaspora algérienne est importante en France, et tentent de plus en plus d’en faire un relais de leur propagande”, fait-il observer.  

Sauf à l’extrême gauche, l’Algérie ne trouve pas grâce ailleurs. “Le régime algérien est extrêmement mal perçu par les autres forces politiques”, rappelle Mustapha Tossa, politologue et éditorialiste, qui explique cette proximité intellectuelle par la nostalgie des mythes du combat anticolonial de la gauche “qui la rend presque aveugle sur toutes les dérives du système militaire”.  
 

Le soft power marocain
De l’autre côté, face à ce “Maroc-bashing”, le Royaume parie sur son soft power au sein de l’Hexagone. Contrairement à l’Algérie qui recourt aux propagandistes, le Maroc défend ses positions dans les médias français. Un rôle dont s’acquitte parfaitement la nouvelle ambassadrice, Samira Sitail, devenue l’invitée préférée des médias français dès qu’il s’agit du Maroc. Preuve en est sa présence remarquable sur les plateaux pour commenter la nouvelle position de Paris sur le Sahara avec une pédagogie proverbiale. Elle a mis son carnet d’adresses au service de la défense des intérêts marocains sur les plateaux parisiens qu’elle connaît si bien. Loin de la scène médiatique, le Royaume a des alliés de taille dans la classe politique, surtout du côté de la droite et du centre. Eric Ciotti, Rachida Dati, Thierry Mariani, Aurélien Pradié, Luc Chatel, Nicolas Sarkozy, Christian Cambon, Dominique De Villepin… Autant de figures de proue de cette droite pro-marocaine qui a l’oreille de l’Elysée et du Quai d’Orsay. 

Leur engagement en faveur du Royaume et la pression qu’ils ont exercée sur le président Macron pour reconnaître le Sahara marocain témoigne de leur poids. Le Royaume peut compter également sur des alliés majeurs au Sénat, où plus d’une soixantaine de poids lourds siègent au groupe d’amitié Maroc-France, l’un des groupes les plus actifs et les plus prestigieux au Palais de Luxembourg, qui a joué un rôle prépondérant pour maintenir le contact durant la crise entre Rabat et Paris. Toutefois, bien que ce réseau soit savamment entretenu, le Maroc a besoin de le “mettre à jour”, insiste Mustapha Tossa, qui estime que l’influence médiatique et politique marocaine en France risque l’obsolescence avec le changement de générations. D’où la nécessité, selon lui, d’une mise à jour pour pouvoir garantir une réactivité efficace, surtout en temps de crise.
 

Anass MACHLOUKH

Trois questions à Mustapha Tossa : “La haine du Maroc est devenue la boussole éditoriale pour l’Algérie”
Quel est le degré de nuisance des relais de la propagande algérienne en France ? 
Le régime algérien dispose au sein de la nomenclature médiatique française de relais qu’il utilise pour lustrer sa propagande et organiser ses campagnes agressives contre le Maroc. Mais ce qui se passe aujourd’hui dépasse toutes les limites connues et a un lien avec les évolutions internes de ce régime algérien qui sent que la fin d’un cycle arrive. Le Maroc est non seulement en train de plier le match diplomatique du Sahara marocain mais s’impose comme puissance agissante et appréciée. La rage de ce régime s’est décuplée et il a donné ses consignes à ses relais pour accentuer le rythme des attaques. Ces relais en France sont d’autant plus décomplexés qu’on constate qu’en Algérie même la haine anti Maroc est devenue la boussole éditoriale des médias officiels de l’Etat algérien. Que ces relais en France puissent tenter de disséminer la même haine avec le même niveau d’insultes est tout à fait dans la logique des choses. 
 

Tout le monde s’aperçoit de la proximité entre la gauche française, notamment l’extrême gauche, et le régime algérien, surtout lorsqu’il s’agit de la question du Sahara. Quelles sont les raisons de cette proximité ? 

Cette proximité est à trouver dans le contentieux jamais réellement réglé entre cette gauche et le Maroc qu’elle perçoit comme un pays expansionniste et dominateur, faisant partie du club des pays du capitalisme sauvage. Par contre, elle perçoit à tort l’Algérie comme le pays de la justice sociale et de la révolution permanente. Ces illusions d’optique produisent des convictions, des postures, des perceptions et des solidarités. Pour cette extrême gauche, tout ce que fait le régime algérien est bon et positif et tout ce que fait le Royaume du Maroc est critiquable. 
L’affaire du Sahara est à mettre dans cette catégorisation du bien et du mal opérée par l’idéologie d’une certaine gauche recroquevillée sur ses convictions et sa grille de lecture surannée. 
 

Le Maroc semble plus discret en France bien qu’il ait de nombreux alliés au sein de la classe politique. En quoi le soft power marocain se distingue-t-il de la stratégie d’influence algérienne en France ?

Le Maroc dispose certes de nombreux alliés au sein de la classe politique française. Et cela, il le doit à ses performances, à ses choix et à ses réalisations. Mais le Maroc souffre de l’obsolescence de son réseau d’influence médiatique et politique, lui aussi dépassé par les événements et qui nécessite une vraie mise à jour pour pouvoir garantir une réactivité efficace, surtout en temps de crise. L’espoir est que le Maroc puisse profiter de sa réconciliation avec la France et la belle séquence d’embellie politique qui s’annonce entre les deux pays pour renouveler les instruments de son influence médiatique en France et ses capacités à contrer les campagnes hostiles à ses intérêts.
 
Recueillis par Anass MACHLOUKH

Réseau algérien : Un financement suspect !
Le régime algérien dépense généreusement pour entretenir son réseau de propagande en France avec des méthodes suspectes comme ce fut le cas dans l’affaire de la saisine de 2,4 millions d’euros à l’aéroport de Charles De Gaulle. Comme révélé par « L’Opinion » dans un précédent article, cette somme exorbitante a été destinée  à soutenir la campagne électorale du président Tebboune en France. L’objectif est de mobiliser la diaspora algérienne qui boude généralement les élections présidentielles, comme ce fut le cas pendant celles de 2019. Cette tentative a tourné au fiasco après l’arrestation des deux personnes mandatées par la douane française, le 18 août, alors qu’elles s’apprêtaient à quitter la zone de douane de l’aéroport. Mal dissimulées, des liasses de billets ont été finalement exhibées et saisies à la grande stupeur de la presse française, qui a fait écho de cette affaire au moment où les médias algériens, à la solde du régime, observaient un silence sépulcral. Les autorités françaises ont fait preuve de fermeté lors de cette séquence, ce qui dénote d’un changement d’attitude et d’une intransigeance vis-à-vis de ces pratiques qui ne sont plus tolérées comme avant depuis la reconnaissance française de la marocanité du Sahara. 

Cause palestinienne : Une carte perfidement jouée
Sur le plateau de AL24, Mehdi Ghezzar a usé d’un discours qu’on retrouve souvent chez les chroniqueurs pro-algériens qui utilisent les mêmes éléments de langage pour attaquer le Maroc. Quasiment tous emploient une rhétorique antisémite et faussement panarabiste pour faire passer le Maroc pour un Etat sioniste, allié du diable. Une façon d’instrumentaliser la cause palestinienne à des fins politiques en profitant du fait que le Maroc a des relations avec l’Etat hébreu à l’instar de plusieurs pays arabes dont la propagande algérienne ne parle pas. Les polémistes algériens essayent de dépeindre leur pays comme une forteresse assiégée par les agents d’Israël, une manipulation qui fonctionne en Algérie mais pas ailleurs. “Cette stratégie algérienne de s’imposer comme le champion de la cause palestinienne ne fonctionne en fait que sur une partie du public algérien”, juge Mustapha Tossa, convaincu qu’en France, il y a une prise de conscience que le régime algérien utilise la cause palestinienne pour tenter de détourner l’attention, comme une sorte de défouloir pour camoufler les multiples échecs internes, déficit démocratique, faillite économique. “Même en adoptant cette stratégie sur le plan officiel, le régime interdit à la population algérienne d’organiser des manifestations  de soutien aux Palestiniens, de crainte qu’elles ne se transforment en manifestations de contestation, comme cela a été le cas pendant le fameux Hirak, qui avait failli aboutir à un changement de régime à Alger”, fait observer l’expert. 

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