Le Maroc trace sa voie pour bâtir une véritable industrie du gaming. Un jalon majeur de cette ambition a été l’organisation des Championnats d’Afrique d’e-Sports, tenus pour la première fois sur le sol marocain. Hicham El Khlifi, Président de la Fédération Royale Marocaine des Jeux Électroniques (FRMJE), nous révèle les projets futurs qui accompagneront cette dynamique en pleine expansion.
– Le Maroc a eu l’honneur d’accueillir, pour la première fois, les Championnats d’Afrique d’e-Sports. Pouvez-vous nous expliquer les préparatifs réalisés pour cet événement et comment vous évaluez globalement cette première édition ?
En novembre de l’année dernière, nous avons conclu un accord avec la Fédération Internationale de l’e-Sport (IESF) pour organiser ces championnats. Cette institution nous a fourni un cahier des charges détaillé sur lequel nous avons travaillé intensivement. Un mois avant l’événement, une délégation de l’IESF est venue sur place pour effectuer une visite de vérification. Nous avons eu plusieurs réunions de travail pour examiner le site de l’événement et coordonner les préparatifs avec la Confédération Royale Marocaine des Jeux Électroniques et la Confédération Africaine des Sports Digitaux.
Ce projet a bénéficié du soutien précieux de notre ministère de tutelle, ainsi que de la mairie de Casablanca, du Wali, des ministères des Affaires Étrangères, de l’Intérieur et de la Culture. L’événement a été unanimement salué comme un succès exceptionnel, même par Monsieur BobanTotovski, le secrétaire général de l’IESF. Il a souligné son caractère unique, étant les premiers championnats continentaux qualificatifs organisés en présentiel pour le championnat du monde. Cette réussite est le fruit du travail collectif de tous les partenaires impliqués.
– Les joueurs marocains ont brillé, lors de ces Championnats d’Afrique, et se sont qualifiés pour la compétition mondiale. Quels plans avez-vous mis en place pour soutenir et accompagner ces talents en vue de leur participation au Mondial ?
Depuis deux ans, nous avons consacré nos efforts à la sélection des meilleurs talents au Maroc dans le domaine des jeux électroniques. Nous avons mis en place divers tournois à l’échelle locale, en organisant des compétitions au sein des maisons de jeunes ainsi que des événements majeurs réunissant clubs et associations de tout le pays. Ces initiatives nous ont permis d’identifier les équipes les plus prometteuses.
Nous avons ensuite apporté un soutien technique et logistique à ces équipes, leur fournissant les ressources nécessaires et les préparant avec soin pour les compétitions internationales. Ce travail acharné et cette préparation rigoureuse ont conduit à la qualification de deux équipes marocaines pour les Championnats du Monde, un accomplissement qui témoigne de l’efficacité de notre programme de développement et de soutien des talents locaux.
– Selon vous, quelles démarches pourraient contribuer à faire évoluer l’e-Sport au Maroc ?
Les démarches ont déjà été initiées, notamment avec la création de la Fédération Royale Marocaine des Jeux Électroniques. Nous avons mis en place une stratégie validée en collaboration avec notre ministère de tutelle, visant à élargir la base des pratiquants. Nous travaillons également avec le ministère de la Jeunesse, de la Communication et de la Culture, qui équipe les maisons de jeunes à travers le pays. Un projet ambitieux prévoit l’équipement de 100 maisons de jeunes par an pendant 5 ans.
La fédération est chargée d’accompagner ces équipements par des activités d’animation. Nous organisons ainsi divers tournois, manifestations et événements à travers le Maroc, là où ces maisons de jeunes sont situées. De plus, nous tenons des événements à l’échelle nationale, tels que la e-Botola, et d’autres compétitions spécifiques aux différents jeux. Ces initiatives, combinées à l’équipement des maisons de jeunes, contribuent à renforcer la pratique et l’engouement pour les jeux électroniques dans notre pays.
– Le nombre de salles de jeux électroniques de dernière génération, dans toutes les régions du Royaume, est actuellement de 75. Envisagez-vous augmenter ce nombre pour que tout le monde puisse en bénéficier ?
Bien que cela relève en grande partie du secteur privé, nous nous engageons à soutenir certains clubs et associations en leur fournissant des équipements nécessaires. Parallèlement, nous travaillons en collaboration avec le ministère de la Culture pour équiper les maisons de jeunes. Notre rôle consiste ensuite à animer ces espaces en organisant des événements.
Nous menons des tournées régulières à travers le Maroc, avec environ deux événements par mois dans ces maisons de jeunes. En moyenne, chaque événement attire entre 700 et 800 personnes, mais nous avons parfois la chance de rassembler jusqu’à 2000 participants. Ces activités permettent non seulement de dynamiser les espaces équipés mais aussi de créer des occasions de rassemblement et de partage autour du gaming dans tout le pays.
– Quelles sont les opportunités pour les jeunes talents qui souhaitent se lancer dans l’industrie du jeu vidéo au Maroc ?
Je souhaite revenir sur le sujet des jeunes talents, en mettant en lumière leur potentiel dans le domaine des jeux électroniques. Ces jeunes, en réussissant dans les compétitions, ont la possibilité de se lancer dans une carrière professionnelle. Prenons l’exemple de Youssef Charif, qui a remporté la e-Botola. Il a depuis été recruté par une équipe saoudienne, ce qui témoigne de l’opportunité que les compétitions peuvent offrir. En effet, les performances remarquables dans des tournois peuvent ouvrir des portes vers des carrières internationales. Ce phénomène n’est pas isolé ; de nombreux joueurs marocains ont réussi à passer au niveau professionnel grâce à leurs compétences et à leur réussite dans des compétitions.
Youssef Charif a, d’ailleurs, accompli un exploit remarquable en se qualifiant pour le championnat du monde après avoir triomphé lors de l’eBotola Pro 2024 sous les couleurs du Raja Club Athletic. En remportant la finale, il a non seulement marqué l’Histoire pour le Maroc, mais également pour l’Afrique. En effet, il est devenu le premier joueur africain à atteindre ce niveau de compétition.
Son succès ne se limite pas à la victoire locale. Il a réussi aussi à se hisser parmi les 3-4 meilleurs joueurs mondiaux dans le championnat du monde de la EA Sports FC Pro, un accomplissement sans précédent pour notre région. Ce moment historique fait du Maroc le deuxième pays africain à atteindre ce stade, après l’Afrique du Sud, qui avait réalisé cette performance lors de la première édition de la compétition en 2004. Ainsi, Youssef Charif a non seulement réalisé un exploit personnel, mais il a aussi placé le Maroc sur la scène mondiale du e-sport, ouvrant la voie à d’autres talents africains.
– Comment favoriser une pratique responsable du jeu et éviter la dépendance chez les joueurs ?
Nous soutenons pleinement une pratique du jeu responsable et saine, en mettant l’accent sur la sensibilisation. D’après un sondage que nous avons réalisé, il est notable que la majorité de nos joueurs inscrits possèdent leur baccalauréat et poursuivent des études supérieures. Contrairement à certaines idées reçues, les jeunes qui participent à ce niveau de compétition sont non seulement intelligents mais également responsables.
Nous nous engageons donc à les sensibiliser sur l’importance de maintenir un équilibre, en soulignant que le e-Sport, comme tout autre sport, doit être pratiqué avec modération. Il est essentiel de promouvoir la responsabilité et l’éducation, et c’est précisément ce que nous faisons. En tant que parent, je suis particulièrement vigilant sur les aspects liés à l’addiction et je défends activement une pratique du jeu qui soit à la fois responsable et saine.
– Quels sont les projets, à court terme, de la Fédération pour dynamiser et développer ce secteur ?
À court terme, notre priorité est d’élargir notre présence et de renforcer notre base. Nous nous concentrons sur l’intégration de nombreuses associations et l’ouverture de toutes les maisons de jeunes après les avoir équipées, en y installant également des associations locales. L’année dernière, nous avons lancé la e-Botola, un projet ambitieux qui a permis la création de sections d’e-sport au sein des clubs de la Botola, qu’ils soient nouveaux ou déjà établis.
Grâce au soutien de notre sponsor, la Marocaine des Jeux et des Sports (MDJS), nous avons pu mettre en place cette e-Botola, qui a également servi de qualification pour le championnat du monde de la EA Sports FC Pro. Cette initiative a permis au Raja Club Athletic de devenir le premier champion du Maroc dans cette discipline et a permis à l’un de ses joueurs de se lancer dans une carrière professionnelle.
Nous continuons à chercher des sponsors pour organiser un maximum de tournois dans les maisons de jeunes et pour assurer notre participation aux championnats du monde. En agissant ainsi, nous offrons aux jeunes talents non seulement des opportunités concrètes mais aussi un espoir tangible de succès, tout en promouvant une pratique saine et responsable des jeux électroniques.
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