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Interview avec Amal Imani, Arbitre olympique : «L’injustice dans l’arbitrage est une erreur humaine»

Interview avec Amal Imani, Arbitre olympique : «L’injustice dans l’arbitrage est une erreur humaine»

L’arbitrage, acteur clé des sports et des compétitions internationales, veille scrupuleusement à l’équité et à l’intégrité des jeux. Dans cette interview, Amal Imani, arbitre olympique de renom, explore les subtilités de cette profession et définit le rôle essentiel du régulateur impartial.

Dans quel sport exercez-vous votre rôle d’arbitre, et qu’est-ce qui vous a poussée à rejoindre le corps arbitral ?
Je suis arbitre de lutte et de disciplines associées, championne du Maroc en judo et en sambo, entraîneur de lutte et arbitre olympique de catégorie IS. Mon parcours dans l’arbitrage est né d’une volonté profonde de vivre mon rêve olympique, un rêve que je n’ai pas pu concrétiser en tant qu’athlète. En rejoignant le monde de l’arbitrage, j’ai trouvé une nouvelle voie pour exprimer ma passion pour le sport tout en jouant un rôle crucial dans l’arène internationale. Mon engagement en tant qu’arbitre est guidé par une quête de justice et d’impartialité. 
 
Chaque décision que je prends, sur le tapis, est motivée par le désir de garantir une compétition équitable des règles, et de permettre à chaque athlète de démontrer pleinement ses compétences. L’arbitrage est pour moi une manière de poursuivre mon rêve sous une autre forme, en veillant à ce que les principes du fair-play soient préservés. En tant qu’arbitre olympique, j’assume la responsabilité de représenter ces valeurs sur la scène mondiale, en apportant mon expérience à chaque compétition. 
 

En quoi l’arbitrage enrichit-il vos compétences et qualités personnelles en dehors du domaine sportif ?

L’arbitrage m’offre une opportunité unique d’incarner des valeurs telles que la discipline, la justice et la droiture, non seulement sur le tapis mais aussi dans ma vie quotidienne. Sur le terrain, il est crucial de démontrer une prestance et un caractère ferme, qualités qui sont également essentielles dans la gestion de ma vie personnelle et professionnelle. 
 

  Comment avez-vous été formée pour devenir arbitre, et quelles étapes ont marqué votre apprentissage ?

 
Mon parcours d’arbitre a été enrichi par une formation approfondie dispensée par la fédération marocaine de lutte ainsi que par la Fédération Internationale de Lutte (UWW), grâce à des compétitions et des stages spécialisés. Parmi les moments les plus marquants de cette aventure, il y a eu l’initiative de la UWW, en collaboration avec le Comité International Olympique (CIO), de mettre en place le programme de stage « Women’s Referee Course ». 
 
Ce programme a pour objectif de renforcer, développer et valoriser l’arbitrage féminin dans le monde du sport. Cette initiative représente pour moi une avancée significative, surtout dans le contexte des Jeux Olympiques, durant lesquels une première historique s’est produite avec la participation de 11 femmes arbitres à cet événement. Ce programme est un pas décisif vers une plus grande inclusion et reconnaissance des femmes dans le domaine de l’arbitrage. Il reflète une évolution positive vers une plus grande égalité dans le sport.
 

En tant que jeune femme marocaine dans le monde de l’arbitrage, avez-vous rencontré des défis particuliers liés au genre, et comment les avez-vous affronté ?
 

L’arbitrage féminin en Afrique, et dans le monde arabe, reste malheureusement insuffisamment développé, un fait qui représente un défi majeur que j’ai eu l’occasion de relever lors des récents Jeux Olympiques. Cette situation a été pour moi une opportunité de démontrer non seulement mes compétences mais aussi de représenter positivement cette branche encore émergente dans ces régions. 
 
L’arbitrage au niveau international exige une rigueur et un travail acharné pour atteindre les standards élevés observés en Europe et en Asie, où la lutte et l’arbitrage sont bien plus développés. Les différences de niveau reflètent non seulement une disparité en termes de ressources et de formations, mais également un manque d’opportunités et de reconnaissance pour les femmes arbitres dans ces zones. 
 
Mon objectif, durant ces Jeux, était de montrer que malgré ces défis, il est possible de s’élever à ce niveau d’excellence en offrant un exemple concret de compétence et de détermination. Le chemin est encore long pour atteindre le niveau des autres continents où l’arbitrage féminin est déjà bien établi, mais chaque étape franchie, chaque compétition arbitrée, constitue un pas vers l’amélioration et l’égalisation des opportunités. 
 

Pourriez-vous nous parler de votre expérience aux Jeux Olympiques ? Qu’est-ce qui rend cette compétition unique pour les arbitres par rapport à d’autres événements sportifs ?

Mon expérience aux Jeux Olympiques a été exceptionnelle, un véritable moment magique empreint d’émotion. Chaque instant vécu sur le tapis, en tant qu’arbitre, a été marqué par une intensité particulière, surtout lorsque je pouvais quitter le terrain en étant pleinement satisfaite de ma performance. 
 
L’accomplissement de ma tâche avec justesse et impartialité constitue, pour moi, le sommet de cette expérience. Il n’y a rien de plus gratifiant que de ressentir le poids de la responsabilité qui accompagne le rôle d’arbitre et de savoir que chaque décision prise a contribué à l’équité de la compétition. 
 
Ces moments de satisfaction personnelle, lorsque je constate que mon arbitrage a été juste, et a permis aux athlètes de concourir sur un pied d’égalité, sont pour moi les plus précieux. Ils valident le travail acharné et la préparation minutieuse nécessaires pour atteindre ce niveau d’excellence. 
 

Avant de vous installer sur le terrain, comment vous préparez-vous tant mentalement que physiquement ?
 
Avant de m’installer sur le terrain, je prends un moment précieux pour préparer mon esprit et mon corps afin de maximiser ma performance en tant qu’arbitre. Je commence par lire quelques sourates du Coran, cela me permet de trouver la sérénité et la concentration nécessaires pour aborder mon rôle avec calme et détermination. 
 
Ensuite, je fais des douas, des prières, pour demander guidance et force. Une fois cette préparation spirituelle accomplie, je consacre du temps aux étirements, une étape cruciale pour préparer mon corps à l’exigence physique de l’arbitrage. Les étirements aident non seulement à prévenir les blessures et les crampes, mais aussi à améliorer ma souplesse et ma condition physique. 
 
L’arbitrage demande une grande agilité et une excellente forme physique, car chaque mouvement doit être précis et rapide pour suivre le rythme de la compétition et prendre des décisions éclairées. 
 

Est-il possible pour un arbitre de faire preuve d’injustice dans ses décisions ? Pour garantir une impartialité totale, lorsque l’arbitre pourrait être perçu comme biaisé en encourageant une équipe, quelles mesures peuvent être mises en place pour préserver la neutralité et éviter tout favoritisme ?
 

En matière d’arbitrage, l’injustice n’est pas une intention délibérée mais plutôt une erreur humaine qui peut survenir malgré le meilleur des efforts. Les arbitres, comme tout autre être humain, peuvent se tromper dans leurs décisions en raison de la complexité et de la rapidité des situations sur le terrain.
 
C’est pour cette raison que des mécanismes tels que les challenges vidéo, notamment le VAR (Système d’assistance à l’arbitrage vidéo) en football, ont été mis en place pour offrir une vérification supplémentaire des décisions. Ces outils permettent aux délégués de revoir les images et de corriger, si nécessaire, les décisions prises sur le moment, afin de garantir une plus grande précision et équité.
 
Par ailleurs, un arbitre doit toujours maintenir une impartialité rigoureuse et conserver une distance professionnelle avec les athlètes, les entraîneurs et les dirigeants durant les compétitions. Préserver cette neutralité est crucial pour garantir le respect des règles et éviter toute perception de partialité. La capacité à rester objectif et à maintenir le respect des participants est essentielle pour la crédibilité de l’arbitrage et pour assurer que chaque décision est fondée sur une évaluation juste des faits. 
 

Quel participant a laissé la plus forte impression sur vous au cours de votre expérience d’arbitrage lors des Jeux Olympiques ?
 

Parmi les nombreux moments marquants des Jeux Olympiques, l’histoire de la lutteuse indienne a particulièrement retenu mon attention. Elle s’est distinguée par son incroyable détermination et son talent, s’affirmant comme une compétitrice redoutable capable de rivaliser pour la médaille d’or. 
 
Sa performance tout au long des compétitions a été impressionnante, et elle semblait bien partie pour atteindre le sommet du podium. Cependant, le matin de la pesée, une mésaventure inattendue est venue ternir ses espoirs : elle avait pris du poids au-delà de la limite autorisée. 
 
Cette situation a conduit à son élimination de la finale, un revers cruel qui a laissé toute la communauté sportive sous le choc. L’impact émotionnel de cette épreuve était palpable, tant pour les autres athlètes que pour les spectateurs et les membres de son équipe. 
 
Cette expérience témoigne de la nature imprévisible et parfois implacable des compétitions de haut niveau, où des détails apparemment mineurs peuvent avoir des conséquences majeures sur le destin des athlètes. 
 

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes marocaines qui envisagent une carrière dans l’arbitrage ?

Le conseil que j’aimerais partager avec toutes les femmes marocaines, aspirant à une carrière d’arbitre, est de se lancer sans hésiter. Plongez dans cette expérience avec passion, faites preuve de détermination et ne laissez jamais tomber vos ambitions et vos rêves.

 

Recueillis par Mariem LEMRAJNI