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Anissa Tber : Avec le lecteur, je conçois une sorte de dialogue silencieux

Anissa Tber : Avec le lecteur, je conçois une sorte de dialogue silencieux
Il est important de laisser à la fois son inspiration, son intuition et certaines connaissances guider la révélation des idées, des émotions, des événements ou autres (Fenêtre)
 
 Le privilège de l’écrivain est de nous entrainer là où il le veut et où nous ne serions pas allés sans lui. Disposant d’outils de recherche, le lecteur va d’aventure en aventure pour pouvoir solliciter les plis et replis du texte afin d’en dégager un sens et en déguster sa part du plaisir qu’il lui offre.  
Nos écrivains sont là pour nous ouvrir, nous lecteurs, quelques pistes de lecture et même des outils, un avant-goût de ces jouissances amenant la satisfaction, voire la satiété, étant leurs complices.  
 
 Libé: Quel a été votre premier texte, nouvelle ou roman, que vous avez publié, que vous avez soumis au lecteur?  

Anissa Tber  : Mon premier  roman  intitulé «Les toiles d’Aika» est une fiction romanesque inspirée d’un voyage au Japon. C’est l’histoire d’un moment de vie de l’héroïne Alessya et des membres d’une famille japonaise que  rien ne destinait à se rencontrer. Alessya fuit la routine de son quotidien pour découvrir la beauté du pays du soleil levant, les secrets d’une société encore sous le poids des traditions, et l’amour d’un homme prêt à tout pour la garder à ses côtés. 

Quels sont alors les auteurs ayant influencé votre manière de regarder les faits, et de les écrire? 

– Les toiles d’Aika doit sa substance première à la culture et à l’esthétique japonaises qui m’ont toujours séduite chez les auteurs japonais  : Yukio Mishima dans «Le pavillon d’or» par exemple.  Haruki Murakami  m’a certainement influencée  puisque le roman garde et livre son secret aux dernières pages; enfin mon histoire s’inscrit dans la tradition des romans de Jane Austen puisqu’elle se déroule dans une atmosphère particulière de raffinement, de sensualité et aussi de retenue. Ainsi le roman chemine au rythme de l’exploration des espaces mais également du déchiffrement patient des sentiments propres de l’auteur et des êtres côtoyés pour mieux les renvoyer à la fois à cette part d’eux-mêmes insoupçonnée et enfin libérée. 

Pour écrire, faudrait-il se faire imposer un cérémonial quelconque, se soumettre à ses contraintes? En est-il de même pour tous vos romans?  

-Mon expérience est encore modeste en matière d’écriture mais je pense qu’il faut essayer de respecter certaines règles : l’assiduité dans le travail d’écriture, le choix d’un thème que l’on connait et que l’on va faire partager avec le lecteur .Mon roman propose le voyage, l’amitié, l’altérité et la rencontre de deux arts majeurs que sont la peinture et l’écriture. Il est important de laisser à la fois son inspiration, son intuition et certaines connaissances guider la révélation des idées, des émotions, des événements ou autres. 

Ecrire, c’est le double plaisir de raconter et de se raconter une histoire, et c’est aussi le plaisir d’écrire, qui est inexplicable» dit Françoise SAGAN dans un entretien qu’elle avait accordé à « Le Magazine littéraire » en juin 1969.  

-Tout à fait ! Lorsque plongée dans les pages du manuscrit j’avançais dans l’histoire j’étais consciente d’être quelque peu détachée de la vie réelle avec cette sensation d’apesanteur qui me faisait librement voguer dans les images des êtres et des choses conçus dans ma tête 

Pour Proust, la vie écrite est plus intense que la vie vécue. Qu’en pensez-vous? 

– Elle est simplement ressentie différemment, racontée  avec plus de recul et donc plus de richesse ! 

Le critique et écrivain Milan KUNDERA dit que le roman est le lieu de l’ambiguïté, le lieu où les choses ne sont jamais tranchées de manière définitive, le lieu de l’absence de la morale manichéenne. Est-ce que cela pourrait s’appliquer à vos romans? 

– Je l’espère sincèrement car le pari serait réellement réussi. Il y a des ambiguïtés «heureuses», que l’on peut dévoiler en demi-teintes et cela seul peut captiver le lecteur avec lequel par ailleurs je conçois une sorte de «dialogue silencieux». Lorsqu’il adhère tout devient possible. 

Propos recueillis par Mouhoub Abdelkrim

Biographie
Anissa Tber est née et a grandi à Fès. Après l’obtention de son diplôme de rhumatologue à Lyon, elle regagne le Maroc et s’installe à Meknès. Entre vie familiale et vie professionnelle elle s’adonne à sa passion première : la peinture. En 2020 elle publie «Le chemin» un recueil de textes en guise de témoignage de ce dessein artistique. Elle y dévoile des toiles illustrant des souvenirs, des impressions et des réflexions l’ayant  marquée. 
«Les toiles d’Aika» publié en 2022 est son premier roman.