Ces travaux, publiés jeudi dans la prestigieuse revue Science, ont utilisé une technique innovante pour démontrer que le coupable de la plus récente extinction de masse, il y a 66 millions d’années, s’était formé au-delà de Jupiter.
Ils réfutent également l’idée qu’il s’agissait en fait d’une comète.
Ce nouvel éclairage sur l’astéroïde s’étant écrasé à Chicxulub, dans l’actuelle péninsule mexicaine du Yucatan, doit permettre de mieux comprendre l’histoire des objets célestes ayant frappé la Terre.
« Désormais, on peut dire que cet astéroïde s’est initialement formé au-delà de Jupiter », a déclaré à l’AFP Mario Fischer-Gödde, auteur principal de l’étude et géochimiste à l’université de Cologne.
Un résultat particulièrement intéressant, notamment car ce type d’astéroïde frappe rarement notre planète.
Et une telle information pourrait se révéler utile pour évaluer une future menace, ou encore expliquer l’arrivée de l’eau sur Terre, selon ce chercheur.
Ces nouveaux travaux reposent sur l’analyse d’échantillons de sédiments formés il y a 66 millions d’années, qui ont incorporé les particules projetées dans le monde entier par l’impact de l’astéroïde.
Les chercheurs y ont mesuré les isotopes — c’est-à-dire les types d’atomes — d’un élément chimique métallique, le ruthénium. Ce dernier est absent des sédiments terrestres, et les scientifiques savaient donc que le ruthénium mesuré venait « à 100% » de l’astéroïde.
« Notre laboratoire à Cologne est l’un des rares » à pouvoir faire ce genre d’analyse, a souligné Mario Fischer-Gödde. Et il s’agissait d’une première pour étudier l’astéroïde de Chicxulub ou tout autre objet céleste important ayant frappé la Terre, a-t-il ajouté.
Les isotopes de ruthénium permettent de distinguer les deux grands groupes d’astéroïdes existants: ceux de type C (carbonés), qui se sont formés dans le système solaire externe, et ceux de type S (silicatés), formés dans le système solaire interne.
L’étude conclut sans appel que l’astéroïde responsable de l’extinction des dinosaures était un astéroïde de type C, donc formé au-delà de Jupiter.
De précédentes études avaient déjà fait cette hypothèse il y a deux décennies, mais avec beaucoup moins de certitude.
Or ce résultat est frappant, car la majorité des météorites — qui sont des morceaux d’astéroïdes tombant sur Terre — sont elles de type S, souligne le géochimiste.
Cela signifie-t-il que l’astéroïde destructeur venait directement d’au-delà Jupiter? Pas forcément, selon le chercheur.
« Nous ne pouvons pas être vraiment sûrs d’où l’astéroïde se trouvait juste avant de frapper la Terre », a-t-il expliqué. Après sa formation, il avait peut-être fait étape dans la ceinture d’astéroïde, située entre Mars et Jupiter et d’où la majorité des météorites proviennent, dit-il.
L’étude réfute par ailleurs l’idée que l’objet ayant frappé la Terre il y a 66 millions d’années était en fait une comète (des roches glacées évoluant aux confins du système solaire). Cette hypothèse a été avancée par une étude de 2021 qui avait fait grand bruit, mais fondée sur des simulations statistiques.
Les analyses d’échantillons montrent aujourd’hui que l’objet avait une composition très différente d’une certaine catégorie de météorites, les chondrites carbonées, dont on pense qu’elles étaient par le passé des comètes. Il est donc « peu probable » que l’objet en question en ait été une, selon Mario Fischer-Gödde.
A la question de l’utilité plus large de ces résultats, le géochimiste avance deux réponses.
D’abord, mieux définir la nature des astéroïdes ayant frappé notre planète depuis ses débuts, il y a quelque 4,5 milliards d’années, pourrait aider à résoudre l’énigme de l’origine de l’eau sur Terre, estime-t-il.
Les scientifiques pensent que l’eau a pu être apportée par des astéroïdes, mais plutôt ceux de type C, comme celui d’il y a 66 millions d’années, frappant pourtant plus rarement.
Remonter dans le temps permet aussi de se préparer à l’avenir, selon le chercheur.
« Si nous trouvons que d’autres extinctions de masse » plus anciennes sont aussi « liées à des astéroïdes de type C », alors si un tel astéroïde doit de nouveau croiser l’orbite de la Terre un jour, « nous devrons être très prudents », lance-t-il. « Car ce serait peut-être le dernier que nous verrons. »