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Interview avec Dr Tayeb Hamdi : « La lutte contre la Mpox exige une collaboration internationale »

Interview avec Dr Tayeb Hamdi : « La lutte contre la Mpox exige une collaboration internationale »

L’alerte mondiale de l’OMS concernant la variole du singe, désormais appelée Mpox, a provoqué une onde de choc mondiale. Cette maladie est réapparue avec une contagiosité accrue dans 16 pays africains et un taux de létalité estimé à 3%. Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, révèle les stratégies de prévention mises en place par le Maroc pour anticiper et contrer cette menace.

– Qu’est-ce que la Mpox ?

La Mpox, anciennement connue sous le nom de variole du singe, a été découverte pour la première fois en 1958 dans des laboratoires de recherche au Danemark, où elle a été identifiée chez des singes utilisés à des fins scientifiques. Elle a été signalée chez l’Homme pour la première fois en 1970, dans ce qui est aujourd’hui la République Démocratique du Congo. Classé initialement en Clade 1 et Clade 2, le virus a évolué en septembre 2023 avec l’apparition d’une nouvelle souche, le Clade 1b. La maladie se manifeste par des éruptions cutanées ou des lésions principalement localisées sur le visage, les paumes des mains et les plantes des pieds. En réponse à la résurgence des cas, l’Organisation mondiale de la santé a émis mercredi son plus haut niveau d’alerte sanitaire international.

–  Pourquoi s’inquiète-t-on ?

Récemment, nous avons observé une montée alarmante des cas de variole du singe dans plusieurs pays africains, avec une propagation accélérée et une augmentation significative du nombre de cas. Ce phénomène concerne désormais de plus en plus de nations, y compris celles qui ne sont pas traditionnellement endémiques de ce virus. Nous notons également que le virus a subi des mutations, évoluant plus rapidement que les souches précédentes. Cette nouvelle souche, identifiée comme le Clade 1B, se transmet de manière plus rapide et plus facile que les autres variantes. Contrairement à l’année 2022, où le virus touchait principalement les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, cette souche actuelle affecte un plus large éventail de personnes, y compris celles ayant des relations hétérosexuelles, des enfants, et des membres de familles. La transmission ne se limite pas aux relations sexuelles, elle peut également se produire par contact direct entre la peau d’une personne infectée et la muqueuse d’une autre, ainsi qu’à travers des objets contaminés. Actuellement, bien que nous ne maîtrisions pas entièrement tous les modes de transmission, il est clair que le virus se propage plus facilement et plus rapidement. Une autre source de préoccupation est la létalité accrue de cette souche, qui présente un taux de mortalité estimé à environ 3%. Parmi les cas graves, la mortalité est de 10% chez les enfants et de 5% chez les adultes. De plus, cette souche touche désormais des zones urbaines avec des infrastructures de transport telles que des aéroports et des trains, augmentant ainsi la facilité de propagation internationale. En conséquence, sans mesures adéquates, nous risquons une explosion des cas à l’échelle mondiale.

–  Quel est le niveau actuel de propagation de la maladie ?

Autrefois, le virus était confiné à trois ou quatre pays, principalement en Afrique centrale et de l’Ouest. Aujourd’hui, il a étendu sa présence à 15 pays africains, y compris des régions qui n’étaient pas traditionnellement endémiques. Ces pays, désormais touchés par un nombre croissant de cas, voient une propagation préoccupante de la maladie. Cette expansion géographique est un signe inquiétant de la propagation continue du virus.

–  Quels sont les symptômes à détecter ?

La maladie débute généralement par une fièvre accompagnée de douleurs musculaires, de céphalées (maux de tête), ainsi que de douleurs corporelles et cervicales. Les symptômes incluent également des frissons et une fatigue générale. Peu après, des lésions cutanées se manifestent sous la forme de bulles remplies de liquide, évoluant progressivement. Contrairement à la souche de 2022, qui se limitait principalement aux régions génitales, les lésions actuelles peuvent apparaître sur l’ensemble du corps, y compris le visage, les mains, les pieds, la langue, la bouche et les yeux. Ces lésions ressemblent à celles de la variole humaine, éradiquée en 1980, bien qu’elles soient moins sévères. Les professionnels de santé disposeront de schémas cliniques pour différencier la varicelle de la variole du singe lors des examens. En cas de transmission accrue, des tests de diagnostic seront également disponibles pour une identification précise.

–  « Urgence de santé publique » : que veut dire cette déclaration ?

L’OMS a déclaré que cette situation constitue une urgence de santé publique de portée internationale, signifiant que même les pays sans cas signalés doivent se préparer à une éventuelle importation du virus. Les nations doivent allouer les fonds nécessaires, mobiliser les ressources humaines, et garantir la disponibilité des vaccins, médicaments et tests pour contenir la propagation. Cette mobilisation est particulièrement essentielle pour les pays africains, qui manquent souvent de ressources pour faire face à de telles crises.

– Quelles menaces pèsent sur le Maroc et quelles mesures doivent être prises ?

Face à la propagation rapide et inquiétante de la variole du singe, il est impératif que le Maroc, à l’instar des autres nations, intensifie la sensibilisation tant auprès du public que des professionnels de santé. Il est également crucial de renforcer la surveillance épidémiologique, de développer des protocoles de prévention rigoureux, et de collaborer avec d’autres pays pour contenir la maladie et atténuer son impact. Les premiers cas, en provenance de l’étranger, sont considérés comme des cas importés. Cependant, lorsqu’un cas importé transmet le virus à une personne locale qui n’a jamais voyagé, il devient un cas secondaire ou local. La survenue de tels cas locaux pose un problème majeur, d’où l’importance d’agir en amont. Il est crucial de disposer des capacités et des ressources nécessaires pour détecter rapidement ces cas et les prendre en charge efficacement, afin de prévenir toute propagation secondaire. Étant donné les liens étroits du Maroc avec les pays africains touchés, il est essentiel de gérer ce risque de manière proactive pour éviter toute contagion locale.

– Le Maroc a-t-il mis en place des protocoles spécifiques pour détecter rapidement les cas de la Mpox aux frontières ou dans les établissements de santé ?

En réponse à l’évolution de la situation, la circulaire de 2022 relative à la Mpox sera renforcée et actualisée pour intégrer les nouvelles données épidémiologiques. Actuellement, la propagation se fait non seulement par contact sexuel, mais aussi par contact intime comme les baisers, par des objets contaminés, et potentiellement par des gouttelettes de salive. La question de la transmission aérienne reste encore à clarifier. Le protocole révisé visera à s’adapter à la situation actuelle et future. Il est crucial de renforcer la détection précoce, d’encourager la vigilance des professionnels de santé et de sensibiliser la population. Les citoyens doivent se signaler immédiatement s’ils présentent des symptômes tels que de la fièvre et des lésions, surtout s’ils ont récemment voyagé dans des zones touchées ou ont été en contact avec des personnes infectées.

– Y a-t-il un plan de vaccination ou des traitements préventifs envisagés en cas d’apparition de cas de variole du singe au Maroc ?

Deux vaccins sont actuellement disponibles contre la Mpox : l’un a été autorisé en 2013 en Europe et l’autre en 2019 aux États-Unis. Ces vaccins, développés à partir du virus de la variole qui a été éradiqué en 1980, sont des vaccins vivants atténués de troisième génération. Bien qu’efficaces, ces vaccins ne sont pas largement accessibles, les pays riches en disposent en quantités limitées. Le laboratoire producteur possède un stock de 500.000 doses et prévoit de produire 2 millions de doses en 2024, avec une projection de 10 millions de doses d’ici fin 2025. Toutefois, la production dépend des commandes passées. Pour le Maroc, comme pour d’autres pays, le vaccin n’est pas encore la solution principale. Cependant, il est crucial pour les pays africains touchés par l’épidémie. La stratégie de vaccination cible d’abord les personnes à risque élevé et celles ayant été en contact avec des cas confirmés, plutôt que de vacciner l’ensemble de la population.

– Est-ce que la situation pourrait devenir dangereuse ? Pensez-vous que la variole du singe pourrait évoluer vers un scénario similaire à celui de la Covid-19 ?

Contrairement à la situation avec le Covid-19, nous disposons aujourd’hui de toutes les ressources nécessaires pour maîtriser la Mpox, y compris des vaccins, des analyses et des tests. Cependant, il est paradoxal que ces outils soient largement disponibles dans des pays non touchés par le virus, tandis que les nations africaines affectées ne bénéficient pas toujours de ces ressources. Nous espérons que cette alerte internationale incitera à une meilleure distribution de ces moyens essentiels. Le confinement, en tant que mesure, n’est pas envisagé pour la Mpox en raison de la nature ancienne du virus et de la disponibilité du vaccin.