« Nous avons peur, il faut que cette maladie soit éradiquée »: à l’hôpital général de Nyiragongo, principal établissement consacré à l’épidémie de mpox à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les patients sont de plus en plus nombreux. Chaque jour, entre cinq et vingt nouveaux patients potentiellement contaminés par le mpox attendent devant les tentes du centre d’isolement pour un premier diagnostic. Des bambins terrifiés par cet univers étrange et peuplé d’agents de santé masqués et protégés par des gants et des combinaisons, se font traîner par leurs parents, en pleurant, derrière les portes bâchées.
A l’intérieur, le docteur Trésor Basubi, ausculte une petite fille. Son visage et ses membres sont recouverts de lésions cutanées caractéristiques de cette maladie qui a déjà fait 548 morts en RDC depuis le début de l’année et touche désormais toutes les provinces de ce pays d’environ 100 millions d’habitants.
« C’est encore au début, l’enfant n’est pas asthénique, ne présente pas de signe de gravité, elle marche d’elle-même », conclut le docteur Basubi.
Pour les cas légers, très majoritaires, le traitement consiste surtout à apaiser les symptômes. Paracétamol pour la fièvre, oxyde de zinc pour les éruptions cutanées, entre autres, qui recouvre la peau d’une épaisse couche de crème blanchâtre.
« Les malades ressentent des démangeaisons, mais avec le temps, les cicatrices disparaissent », assure le docteur Basubi.
L’épidémie actuelle est caractérisée par un virus plus contagieux et dangereux, avec un taux de mortalité estimé à 3,6%.
Avec environ 16.000 cas enregistrés depuis le début de l’année, la RDC est le foyer et l’épicentre de l’épidémie qui a conduit l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à déclencher mercredi son plus haut degré d’alerte au niveau international.
La province du Sud-Kivu enregistre environ 350 nouveaux cas par semaine, selon le Dr Justin Bengehya, épidémiologiste à la division provinciale de la santé du Sud-Kivu.
Goma, capitale de la province voisine du Nord-Kivu, quasi encerclée par une rébellion armée et où s’entassent des centaines de milliers de déplacés dans des camps de fortune, craint une propagation à grande échelle en raison de la promiscuité.
Mais dans les allées caillouteuses du centre d’isolement, délimité par des barrières et des pancartes d’avertissement, l’inquiétude reste contenue. Les parents tiennent leurs enfants malades dans leurs bras malgré les risques de propagation. Les personnels du centre sensibilisent régulièrement les patients pour leur faire appliquer les gestes barrière.
»Mon fils a été hospitalisé ici pour le mpox, et c’est ma fille qui le gardait. Après leur sortie, le dimanche, les mêmes signes sont apparus vers le mercredi chez ma fille », raconte Deogracias Mahombi Sekabanza, lui-même agent de santé, accompagnant sa fille Confiance.
Panique extrême
Dans la tente voisine, Furaha Makambo vit avec ses trois enfants, Ornella, Rachelle et Baraka, tous les trois contaminés dans le site de déplacés où ils habitent. »Mes enfants dorment ensemble sur un même lit et se retrouvent tous contaminés en même temps, et je n’avais pas un autre lit pour les séparer », explique-t-elle. Originaire du territoire de Masisi (est), en proie aux violences des groupes armés, Mme Makambo s’est réfugiée à Goma après la mort de son mari. »Nous avons peur, il faut que cette maladie soit éradiquée et n’atteigne plus les déplacés car elle peut nous exterminer », dit-elle à l’AFP. Si les actions de sensibilisation et l’expérience des épidémies permettent aux cas suspects d’être rapidement pris en charge, les consignes de distanciation sont difficiles à faire appliquer, en particulier par les enfants. Deogracias Mahombi Sekabanza affirme que son fils a été contaminé en jouant avec ses camarades. »La maladie est très contagieuse. Si l’on touche les sueurs, les urines ou même les habits d’un malade et qu’on n’est pas protégé, on est directement atteint », prévient le docteur Trésor Basubi. »En se lavant les mains avec du savon ou de la cendre, on peut être protégé, mais ce n’est pas garanti », ajoute-t-il. Dans une tente qu’elle partage avec trois enfants venus d’autres familles, Nyota Mukobelwa reçoit assise sur son lit. Cette vendeuse de beignets, déplacée par le conflit, a préservé son flegme et son élégance. Elle laisse échapper un éclat de rire gêné face à la caméra venue la filmer dans cette inconfortable posture. »Le vaccin doit être disponible car sinon, l’épidémie va se propager davantage, beaucoup de personnes vont mourir et nous allons contaminer les enfants qui sont à la maison », plaide-t-elle. L’OMS et les ONG de santé ont appelé les fabricants de vaccins à accroître largement leur production.