Dans la note de cadrage pour le Projet de Loi des Finances (PLF) 2025, le gouvernement poursuit son objectif de réduction du déficit budgétaire. Mais face à l’explosion des dépenses, cet objectif paraît de plus en plus difficile à atteindre.
Malgré la bonne volonté du gouvernement, l’objectif de réduction à long terme du déficit budgétaire est-il tenable dans un contexte d’explosion des investissements (Coupe du Monde 2030, lutte contre le stress hydrique, reconstruction d’Al-Haouz…) et des coûts de fonctionnement (Accord social, aide sociale directe…) ? Des économistes doutent de la capacité de l’Etat à maintenir cet équilibre fragile, notamment en l’absence de nouvelles sources de financement.
“Le gouvernement a engagé le Maroc dans des dépenses dont les financements ne sont pas clairement définis.
Aujourd’hui, le niveau de la dette est relativement élevé. Vous ne pouvez pas vous engager dans des dépenses si vous ne vous assurez pas au préalable des moyens de financement aussi stables que ces dépenses”, alerte l’économiste Nabil Adel.
En l’absence d’un financement clairement défini, le Maroc pourrait tomber dans un cercle vicieux où une dette en génère une autre, risquant ainsi de déclencher un effet boule de neige incontrôlable. Sur ce point, le membre de l’Alliance des Economistes Istiqlaliens et ancien ministre Fouad Douiri est plus mesuré. Selon lui, l’Etat a les moyens de maîtriser le déficit budgétaire et de stabiliser le taux d’endettement, à condition de contrôler les dépenses.
“Le problème est que les taux d’intérêt augmentent, donc le poids du service de la dette augmente. Là, il est tout à fait légitime de dire qu’il faut faire très attention, et notamment dans les investissements à venir”, nous explique-t-il. Le défi consiste à trouver des moyens de financer les projets sans compromettre la stabilité des finances publiques.
Une solution pourrait résider dans le recours à des partenariats internationaux, à l’instar de ceux récemment conclus avec les Émirats Arabes Unis, ainsi qu’à des partenariats public-privé pour divers projets. Ces efforts s’accompagnent de réformes importantes, notamment celle de la Caisse de Compensation, dont la première phase, portant sur la décompensation du gaz butane, a été lancée cette année.
Pour la reconstruction d’Al-Haouz, “on peut compter partiellement sur le compte de solidarité 126. On dit bien que pour les 120 milliards de dhs, une moitié devrait être financée par la coopération et l’aide internationales. Pour le reste des projets, quand on entre dans le détail, les chiffres deviennent plus raisonnables ou en tout cas plus logiques. A condition de ne pas s’engager dans des dépenses inutiles et qui s’éloignent du but initial du projet”, détaille l’ancien ministre.
Il demeure essentiel d’explorer des pistes permettant d’assurer des revenus plus solides pour l’Etat. “Le gouvernement s’est engagé à une croissance de 6%. Donc, si on fait 6% de croissance et l’élargissement de l’assiette fiscale, on aura largement les moyens de réaliser nos projets. Maintenant, quand on n’a ni l’un ni l’autre, ça devient très compliqué”, fait remarquer l’économiste Nabil Adel.
“Je pense qu’il y a la nécessité pour l’Etat et les services de l’Etat de rationaliser les dépenses publiques, et de s’assurer que dans cette euphorie de Coupe du Monde, on ne dépense que ce qu’on doit effectivement dépenser”, pense, quant à lui, Fouad Douiri.
“On sait qu’au Maroc, l’investissement public a une très faible rentabilité et on veut être rassuré à l’avenir que la rentabilité de cet investissement va s’améliorer.Dans ce qui est avancé, ce sont des investissements pluriannuels. Il y a de l’investissement public, privé et de la coopération internationale. Par exemple, le Fonds Mohammed VI, pour l’instant, n’a rien dépensé, alors qu’on parle de 45 milliards de dirhams depuis 2021”, conclut-il.
La croissance économique pourrait-elle être la solution ?
Quelles sont nos marges de manœuvre ?
Avec cette décision, le gouvernement souhaite élargir ses marges de manœuvre budgétaires et « affecter les marges résultant de la levée progressive des subventions pour financer lesdites allocations », comme le dispose l’article 8 de la loi-cadre n° 09.21 relative à la protection sociale. Avec cette réforme, l’État compte économiser pas moins de 20 milliards de dirhams entre 2024 et 2026, ce qui représente 25% des 80 milliards de dirhams qui seront alloués aux divers programmes sociaux d’ici 2026.
Il y a une autre raison qui a poussé le gouvernement à faire ce choix. En plus des ménages dans le besoin, on compte parmi ceux qui profitent de ces aides les industriels, les boulangeries, les restaurateurs, mais surtout les agriculteurs. Pour réduire le coût de leur consommation d’énergie, plusieurs agriculteurs utilisent le gaz butane pour le pompage de l’eau, en adaptant des moteurs diesel.
Le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a expliqué que cette somme, jugée « urgente et nécessaire », sera principalement répartie en deux volets : 4 MMDH seront alloués à l’Office National de l’Électricité et de l’Eau potable (ONEE) pour maintenir les prix de l’eau et de l’électricité, et 6,5 MMDH seront destinés à la mise en œuvre des engagements du dialogue social, touchant 4,25 millions de fonctionnaires et salariés.
Lekjaa a souligné que malgré les hausses mondiales des prix, les tarifs de l’eau et de l’électricité resteront stables en 2024. Il a également mis en avant les résultats positifs en matière de recettes fiscales, qui ont atteint 14,3 MMDH à fin mai 2024, reflétant une augmentation significative. Cette performance, fruit de réformes fiscales, permet de dégager des marges financières pour couvrir les crédits supplémentaires, y compris 3,5 MMDH pour soutenir Royal Air Maroc et financer les dépenses agricoles urgentes.
Cette ouverture de crédits supplémentaires s’inscrit dans la préparation du PLF 2025, en coordination avec les différents départements ministériels, conformément aux dispositions légales et constitutionnelles.