Aux commandes de cette opération ambitieuse et risquée, Oleksandre Syrsky, un général de 59 ans qui a été nommé commandant de l’armée ukrainienne en février et jouissait jusque-là d’une réputation mesurée parmi les troupes.
C’est la première fois que ce militaire de carrière plutôt sec et peu charismatique gagne autant de popularité auprès de ses compatriotes, alors que des rumeurs circulaient il y a encore quelques semaines sur son éventuel remplacement.
« Syrsky a joué un rôle-clef » dans l’attaque de Koursk, a confirmé à l’AFP un haut responsable ukrainien du secteur de la sécurité sous couvert d’anonymat.
« Le fait que, dans les conditions les plus difficiles, il ait pu mettre au point cette opération et la réalise montre qu’il est une grande figure militaire », a-t-il ajouté. « C’est un général très compétent et bien formé ».
Ironie du sort, l’homme qui mène l’assaut sur le territoire russe y est né en 1965, dans la région de Vladimir, à l’époque en URSS mais aujourd’hui en Russie. Comme l’essentiel des hauts-gradés de sa génération, il a fait ses études à l’école de commandement de l’Armée rouge à Moscou.
Dès les années 1980, il est déployé en Ukraine, à l’époque encore une république soviétique.
A la chute de l’URSS, il décide de ne pas retourner en Russie mais de rejoindre les rangs de la nouvelle armée de l’Ukraine indépendante. Il poursuit des études à l’université de la défense nationale à Kiev avant d’occuper une série de postes militaires haut placés dans ce pays.
Trois décennies plus tard, sa maîtrise de l’ukrainien est loin d’être parfaite et ses parents octogénaires et son frère habitent toujours en Russie.
Après sa nomination à la tête de l’armée ukrainienne, son frère Oleg, garde dans un supermarché à Vladimir, a dit à l’agence de presse d’Etat russe TASS ne pas être en contact avec lui.
Et leur mère, Lioudmila, semble souvent mettre des « j’aime » sur des publications soutenant l’invasion russe de l’Ukraine sur les réseaux sociaux, selon le quotidien britannique The Guardian.
« Syrsky a expliqué la raison de l’attaque sur Koursk: +j’ai juste envie de rentrer chez moi+ », ironise un mème sur internet.
S’il n’a guère une image d’icône nationale contrairement à son prédécesseur, Oleksandre Syrsky est une figure-clef de l’armée ukrainienne, surtout depuis le début de l’invasion russe en février 2022.
Cet ex-chef de l’armée de terre a pour fait d’arme la défense de Kiev au début de l’assaut russe, participant à faire échouer le plan du Kremlin de faire plier l’Ukraine en quelques jours.
Début avril 2022, quelques jours après la retraite des forces russes de la région de Kiev, Volodymyr Zelensky a remis au général le titre de « héros de l’Ukraine », la plus haute distinction nationale.
Six mois plus tard, à l’automne 2022, c’est encore M. Syrsky qui est aux commandes quand l’armée ukrainienne inflige une deuxième humiliation à Moscou en chassant l’envahisseur de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l’Ukraine.
Pour l’analyste politique ukrainien Volodymyr Fessenko, l’offensive de Koursk est caractéristique du « style Syrsky » et ressemble beaucoup à celle de Kharkiv, « rapide, inattendue et atypique ».
S’il pratique plutôt les sèches communications officielles, Syrsky n’est pas pour autant un homme de bureau et l’armée diffuse volontiers des images le montrant armé et casqué jusque dans les tranchées, serrant la main ou riant avec des soldats.
Après sa nomination, certains lui reprochaient une approche trop similaire à celle des généraux soviétiques, réputés insensibles aux pertes, cela lui a valu d’être parfois surnommé « boucher ».
« Ce surnom l’offense beaucoup. Et il n’est pas du tout vrai », assure le haut responsable ukrainien selon lequel le général fait de son mieux pour « minimiser les pertes » de ses troupes.
« Il est très dur, mais un général d’armée doit être dur », ajoute le responsable.
Très discret sur sa vie personnelle, Oleksandre Syrsky est marié et père de deux fils, selon un porte-parole de l’armée interrogé par l’AFP.