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Cours du charbon : Les jokers du Royaume face à la crise russe ! [INTÉGRAL]

Cours du charbon : Les jokers du Royaume face à la crise russe ! [INTÉGRAL]

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le marché de charbon connaît de grandes instabilités, surtout suite aux sanctions imposées à la Russie. Aujourd’hui, le cours de charbon passe par une nouvelle flambée avec des risques de pénurie, obligeant le Maroc à revoir ses cartes.

Alors que la crise russo-ukranienne s’éternise, le marché du charbon continue de subir d’importantes perturbations. Selon les informations d’analyse de marché publiées en début août par CCA Coal Center Analytics, les exportations russes de charbon par voie maritime auraient diminué de 13 millions de tonnes au premier semestre de l’année courante par rapport à la même période en 2023, soit une baisse de 13 % sur un an. Une baisse inquiétante, du moment que les perspectives mondiales prévoient une hausse de la demande, surtout de la part du marché méditerranéen. Si la demande s’annonce prometteuse, les fournisseurs russes, eux, sont confrontés à de graves difficultés d’exportation depuis le début de l’année, du fait des restrictions logistiques, des coûts de production élevés et des sanctions internationales, obligeant la plupart des producteurs à exporter du charbon avec des marges nulles ou négatives. En raison des restrictions ferroviaires dans toutes les directions d’exportation, la Russie a complètement vendu son charbon jusqu’en septembre-octobre de cette année. Les approvisionnements en charbon de Russie vers les terminaux maritimes du Nord-Ouest et du Sud ainsi que vers les ports d’Extrême-Orient ont fortement diminué ces derniers mois en raison des restrictions de plus en plus strictes sur les expéditions de charbon par les chemins de fer russes (RZD). Ce déréglage d’approvisionnement est, toutefois, une mauvaise nouvelle pour le Royaume puisque cette matière première est importée à 100%. Le charbon russe, lui, représenterait environ 60% de la consommation nationale, principalement tournée vers l’alimentation des centrales électriques de Jorf Lasfar, qui produisent  la moitié des besoins électriques du Royaume. L’enjeu est donc de taille. Cependant, les experts se montrent optimistes, avançant que « L’instabilité du marché du charbon ne va pas impacter les grandes orientations de la politique énergétique du Royaume, comme en témoignent les deux dernières années où les effets de la guerre en Ukraine n’étaient que peu visibles sur l’économie nationale».  
 
L’alternative à court terme 
Etant donné les contraintes d’approvisionnement, des experts de l’Association chinoise de recherche économique sur le charbon s’attendent à ce que le Maroc, la Turquie, l’Égypte  et d’autres grands clients de la Russie s’ouvrent davantage sur le marché international pour subvenir à leurs besoins en charbon, ce qui pourrait entraîner de nouvelles hausses de prix. Moins compétitifs que la Russie, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou encore l’Indonésie peuvent fournir du charbon au Maroc si le commerce maroco-russe se complique.  « Il y a six grands producteurs mondiaux de charbon qui pourraient servir d’alternative, à savoir l’Amérique du Nord, la Chine, l’Indonésie, la Pologne, le Kazakhstan et l’Australie », nous indique Houssin, notant par ailleurs que la Chine par exemple consomme beaucoup de charbon et donc ne représente pas un bon substitut d’import. Les États-Unis par contre constituent un choix idoine « car il y a l’avantage de proximité par rapport à l’Asie», mais il y a également et surtout l’avantage des accords de libre échange. 

En outre, les tensions géopolitique qu’a connu l’Occident ces dernières années et les perturbations qu’a connu le marché mondial depuis la crise Covid-19, se présentent comme une opportunité pour accélérer encore plus l’installation des énergies renouvelables. Actuellement, le Maroc a développé plus de 4 GW de projets d’énergies renouvelables. Un investissement de 52 milliards de DH est en cours de planification pour la production de 4,5 GW supplémentaires. De plus, le Royaume, dans sa stratégie de mix énergétique, mène une bataille sur plusieurs fronts, notamment le développement de  l’hydrogène vert et l’introduction du gaz naturel bas carbone. Selon la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, le pays devra investir annuellement 10 milliards de dirhams d’ici 2030, et garantir une capacité supplémentaire de 700 MW à 1 GW pour atteindre l’objectif de 52%. 
Retour aux gisements nationaux ? 

L’instabilité du marché de charbon pose par ailleurs la question de la production locale au début des années 2000. Expert en développement durable et en transition énergétique, Hassan Agouzoul estime que « si on suit la logique économique et financière, c’est effectivement une option envisageable. Cela dit, notre doctrine climatique et notre vision à long terme nous imposent de garder le cap surtout que le contexte géopolitique pourrait rapidement changer. Les liens et les interconnexions que nous avons avec les divers marchés, notamment en Europe, sont également un facteur qui nous incite à maintenir notre cap actuel et à accélérer la généralisation du recours aux énergies renouvelables plutôt que d’envisager un retour vers l’exploitation minière du charbon ». Encore faut-il vérifier si les gisements dont dispose le Maroc sont exploitables. Quand les mines fermaient leurs portes, les experts considéraient qu’il existait encore un gisement – quoique de plus en plus difficile à valoriser – qui pouvait encore durer une dizaine d’années. Cela dit, toutes les infrastructures d’exploitation ont depuis été détruites et une décision pareille impliquerait également de relancer les prospections. Il s’agirait donc d’un investissement considérable à méditer, mais qui serait à l’encontre de la vision énergétique prônée par le Maroc. 

3 questions à Houssine Boutarouine, géologue, expert en géo-ressources : « Le Maroc dispose encore d’un gisement important exploitable »
Les cours de charbon connaissent une nouvelle flambée, suite aux perturbations d’approvisionnement en Russie. Quel serait l’impact sur l’économie nationale ?  
– L’impact de la hausse du cours de charbon sur l’économie nationale est perceptible du fait que le charbon constitue la pierre angulaire des produits énergétiques au Maroc. Entre 2007 et 2021, la facture énergétique du Royaume a connu une hausse d’environ 30%. Cette hausse a été accompagnée par une explosion des importations en charbon. Donc, n’importe quelle fluctuation de prix augmentera systématiquement la facture énergétique du Maroc. Naturellement, cette tendance se répercutera sur le coût de production des unités industrielles et des entreprises à même de générer une petite inflation.
  Le Maroc devrait-il envisager un retour vers l’extraction du charbon ?  

Le Maroc dispose encore d’un gisement important à Jérada, qui a été découvert par les Français. Son exploitation a été arrêtée durant les années 2000 pour des raisons minières et de ressources. Toutefois, des études récentes démontrent que la région dispose encore d’un grand potentiel exploitable et rentable. Donc, aujourd’hui, si le marché connaît une flambée, la reprise de cette activité minière pourrait aider le Maroc à se protéger contre les aléas des cours mondiaux. Mais malgré la tendance haussière de la consommation de charbon au Royaume et l’impératif de trouver des solutions économiques rentables, il y a des enjeux climatiques à prendre en considération.
  Outre les enjeux climatiques, il y a aussi des investissements à faire pour relancer la machine…  
– En effet, les unités minières de la région n’ont pas fonctionné depuis plus une vingtaine d’années, une mise à niveau s’impose. Cependant, il y a un écosystème et une base favorable, il y a une structure minière avec un chemin de fer, il y a la ressource, la proximité. Donc, sur le plan purement économique, c’est exploitable.
 
 
 

Energie électrique : Un premier semestre positif
Au terme du premier semestre de 2024, la production de l’énergie électrique, au niveau national, s’est accrue de 1,3%, après une légère baisse de 0,6% un an auparavant. Cette progression s’explique par le raffermissement notable de la production des énergies renouvelables relatives à la loi 13-09 de 47,9%, a indiqué la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), dans sa note de conjoncture relative au mois de juillet. 

En revanche, la production privée d’électricité a quasiment stagné (-0,2%) et celle de l’ONEE a reculé de 7,3%. S’agissant des échanges du secteur de l’énergie électrique avec l’extérieur, le volume importé s’est accru de 40,1% au terme du premier semestre de 2024, au lieu d’une hausse de 50,4% à la même période de l’année précédente. 

Concernant le volume exporté, il s’est replié de 20,5% (après -38,4%). Du côté du volume de l’énergie appelée nette, il a maintenu quasiment le même taux de croissance enregistré l’année précédente, soit +2,7% après +2,6%. Quant à la consommation de l’énergie électrique, elle a reculé de 1,2% à fin juin 2024 au lieu d’une hausse de 3,7% un an auparavant, précise la DEPF. Cette baisse est imputable à la diminution des ventes de l’énergie de « très haute, haute et moyenne tension, hors distributeurs » de 6,2%, et ce, malgré l’accroissement des ventes de l’énergie électrique adressée aux distributeurs et aux ménages de 1,3% chacun.

Mix énergétique : Les 3 piliers de la stratégie marocaine
La stratégie énergétique du Maroc s’appuie sur trois piliers essentiels. Tout d’abord, elle vise à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, telles que l’énergie solaire et éolienne, pour répondre aux besoins croissants en électricité du pays. Ensuite, elle met l’accent sur l’efficacité énergétique dans la production et la consommation d’énergie, avec pour objectif de réduire la dépendance aux énergies fossiles. Elle encourage enfin l’intégration régionale pour une meilleure gestion et utilisation des ressources énergétiques disponibles. La révision de la stratégie énergétique de 2009 souligne la nécessité d’investir massivement dans le secteur, avec un accent particulier sur le développement des énergies renouvelables et la modernisation des infrastructures. « Nous avons effectué la mise à jour de la stratégie énergétique nationale de 2009 et il en découle que nous devons multiplier la cadence des investissements par trois depuis 2023 pour parvenir à nos ambitions à l’horizon 2030. Et ceci surtout au niveau de la génération de nouvelles capacités électriques qui représente 60% de ces investissements », selon la ministre de tutelle Leila Benali.