Pour intégrer efficacement les énergies renouvelables et mieux gérer les fluctuations de la consommation, la solution consiste à investir dans les nouvelles technologies afin de rendre le réseau électrique intelligent, ce qu’on appelle le « Smart Grid ».
Cette situation met le réseau électrique national sous pression, nécessitant un équilibre délicat entre la forte augmentation de la consommation et la production. L’ONEE, gestionnaire du réseau, anticipe cette demande en augmentant la part des énergies pilotables dans le mix électrique, principalement le charbon et le gaz.
Cependant, la gestion des variations inhérentes aux énergies renouvelables intermittentes et les fluctuations de la demande rendent cet équilibre particulièrement complexe. Jongler avec une multitude de variables, telles que l’intensité du vent et du soleil, les variations de la demande, l’autoproduction, et les limitations du réseau de transport, constitue un défi presque insurmontable.
Pour résoudre cette équation, le recours à des technologies avancées dotées d’une grande puissance de calcul constitue une approche pertinente. C’est ce qu’on appelle le réseau électrique intelligent, ou Smart Grid, utilisant des technologies comme l’IA pour optimiser la production, la distribution et la consommation d’énergie électrique.
Ces réseaux intelligents apportent plusieurs avantages pour améliorer la stabilité des réseaux électriques face à des problèmes de plus en plus complexes. Ils permettent une gestion plus efficace des flux d’électricité en temps réel. Grâce à des technologies avancées de surveillance et de contrôle, les opérateurs peuvent ajuster rapidement la distribution d’électricité pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande.
Ils favorisent également l’intégration harmonieuse des énergies renouvelables intermittentes, telles que l’énergie solaire et éolienne, dans le réseau. En utilisant des systèmes de gestion de l’énergie sophistiqués, les Smart Grids peuvent coordonner la production et la distribution d’électricité à partir de sources renouvelables variables, minimisant ainsi les perturbations et maximisant l’utilisation des ressources durables.
Enfin, ils offrent une meilleure résilience face aux pannes et aux incidents. Grâce à des fonctionnalités de détection automatique des pannes et de rétablissement rapide du service, ces réseaux peuvent isoler les sections défaillantes et réacheminer l’électricité autour des zones touchées, limitant ainsi les interruptions pour les consommateurs et assurant la continuité de l’alimentation électrique.
L’adoption de Smart Grids est l’une des recommandations du Nouveau Modèle de Développement (NMD), visant à « développer la production décentralisée, efficace et intelligente, pour donner accès à une électricité compétitive dans les territoires« . Depuis février 2023, le Maroc dispose d’un centre de recherche et développement sur les réseaux électriques intelligents unique en Afrique, le Smart Grids Test Lab, situé dans la ville verte de Benguerir et faisant partie de la plateforme Green & Smart Building Park.
Ce centre, fruit d’une collaboration étroite entre le Green Energy Park, l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), l’Institut de Recherche en Energie Solaire et Energies Nouvelles (IRESEN), l’Agence Coréenne pour la Coopération Internationale (KOICA), et Korea Institute for Energy Research (KIER), se veut un hub pour la recherche et le développement, le test et la démonstration de technologies avancées liées aux réseaux intelligents.
Le centre de recherche est doté d’une infrastructure pointue pour le test et l’émulation de systèmes énergétiques, tels qu’un émulateur de centrales de production, un émulateur de réseau de transport, un émulateur de charge électrique (consommateur final), des émulateurs de sources et de stockage d’énergie distribués (solaire photovoltaïque et batteries), ainsi qu’un simulateur en temps réel puissant permettant de connecter tous les équipements formant ainsi un micro-réseau d’une capacité de 300 kVA.
“Cette infrastructure permettra de passer de la recherche à l’innovation en développant des technologies pouvant être intégrées à l’infrastructure électrique existante du pays”, nous apprend Abdelilah Rochd, responsable du groupe Smart Grids de Green Energy Park. “Cela inclura, entre autres, le développement de modèles de micro-réseaux à base d’énergies renouvelables, de systèmes de gestion d’énergie, de compteurs intelligents, de systèmes de stockage et d’outils avancés d’analyse de données pour permettre une gestion plus efficace du réseau”, poursuit-il.
Alors que cette technologie est toujours en phase d’expérimentation, son déploiement à grande échelle au Maroc se heurtera à plusieurs obstacles. Il faut d’abord équiper tout le réseau de l’infrastructure et des systèmes de gestion à distance adéquats, afin de faire remonter l’information en temps réel, d’une part, et de permettre le pilotage de la production, du transport et de la distribution, d’autre part.
La première brique de cette construction consiste à équiper les consommateurs de compteurs intelligents, permettant de recueillir et de transmettre des données en temps réel. Cela facilite non seulement la gestion précise de la consommation, mais aussi l’optimisation de la production et de la distribution d’énergie. Depuis 2021, l’ONEE équipe ses gros consommateurs (THT, HT et MT) de ce type de compteurs, avant une seconde phase où ils seront généralisés aux consommateurs domestiques.
Pour gérer les millions de dispositifs et de capteurs sur l’ensemble du réseau, il est nécessaire de disposer non seulement de centres de données (data centers) adéquats et de systèmes de traitement de données puissants, mais aussi de capacités de connexion massive, simultanée et à latence ultra-faible pour une action en temps réel. Cela ne serait possible qu’à travers la 5G.
Enfin, il faut mobiliser des investissements significatifs pour mettre en place un chantier de cette envergure, surtout en tenant compte de la vétusté et du déficit d’infrastructure dont souffre une grande partie du réseau électrique national.
Comment le consommateur peut-il bénéficier des Smart Grids, notamment en baissant sa consommation électrique et donc sa facture ?
Comment le Smart Grids Test Lab forme-t-il les compétences nécessaires à ce projet ?
Le projet coûtera 100 millions de dirhams, financés par un prêt de la Banque Mondiale. L’ONEE espère ainsi réduire les fraudes et améliorer l’efficacité énergétique grâce à des tarifs bi-horaires incitant à une consommation diurne.
Les clients pourront suivre leur consommation en temps réel via une application de domotique, faire des réclamations et plafonner leur consommation. Le système, basé sur un réseau 3G, résulte de cinq années d’études et de tests, comparant les technologies PLC (Power Line Communication) et Lora. L’ONEE a déjà acquis 140.000 compteurs intelligents en prévision de ce déploiement.
MG-FARM (Smart Stand-alone Micro-grids as a solution for Agriculture Farms Electrification) en partenariat avec l’Université de Lorraine (France), l’Université Internationale de Rabat (Maroc), l’Université TU Berlin (Allemagne), Micro Energy International (Allemagne), l’UDES (Algérie), l’Université de Tlemcen (Algérie).
GREEN-GRID (Development of a Smart Green Microgrid in the African context) en partenariat avec le centre de recherche CARTIF (Espagne) et l’entreprise IDEAS TX INGENIERIA (Espagne). L’objectif du projet est de concevoir et de déployer un micro-réseau intelligent en faisant développer et démontrer des services avancés pour sa gestion dans le contexte africain. La démonstration du micro-réseau sera faite en exploitant les maisonnettes de test du Smart Campus, situé au sein de la plateforme Green & Smart Building Park.
Joint-Research Program on Microgrids en partenariat avec l’Institut Coréen pour la Recherche en Energie KIER (République de Corée). L’objectif du projet est de développer conjointement des modèles de micro-réseaux électriques intelligents adaptés aux contextes climatiques et réglementaires du Maroc.