Plusieurs athlètes féminines engagées aux Jeux olympiques de Paris ont fait le choix de devenir mère pendant leur carrière sportive. C’est le cas de la judokate française Clarisse Agbégnénou, maman d’une fillette de deux ans, qui vient de décrocher deux médailles.
Avant d’entamer ses troisièmes JO, l’un des plus beaux palmarès de l’histoire du judo avait souhaité passer ses nuits aux côtés de sa petite Athéna au sein du village des athlètes mais le règlement ne le permettait pas.
En solution alternative, le Comité olympique français (CNOSF) a mis à disposition des chambres et un espace famille de 100m2 pour ses athlètes et leur staff, dans un hôtel quatre étoiles, tout près du village à Saint-Denis.
« On a pensé à la parentalité de nos athlètes hommes et femmes parce qu’on sait que l’entourage fait aussi partie de l’équilibre psychologique de nos sportifs, il est un bout du maillon de la performance », explique la vice-secrétaire générale du CNOSF Astrid Guyart, vice-championne olympique d’escrime à Tokyo.
Une vingtaine d’athlètes ont profité du dispositif sur les plus de 500 Français engagés aux JO de Paris.
Si la question de la maternité n’est plus un tabou, elle reste encore marginale. Six athlètes sur dix (61,6%) pensent qu’il est toujours difficile de devenir mère pendant sa carrière, selon une étude du ministère français des Sports publiée en 2022, qui a interrogé 700 sportives représentant 55 fédérations.
Des freins persistent à la décision de maternité : crainte d’altération des performances, manque de soutien de l’encadrement technique ou encore l’appréhension d’une rupture avec son environnement sportif.
« Ces incertitudes amènent la sportive de haut niveau à différer le désir d’enfant avec un risque d’infertilité lié à l’âge ou aux perturbations du cycle », selon les conclusions du rapport du ministère des Sports.
Pour les JO de Paris, le Comité international olympique (CIO) a souhaité aussi prendre en compte la question de la parentalité en imaginant pour la première fois un espace famille, ouvert de 8h à 20h, au sein du village.
Tapis en forme de piste d’athlétisme, livres interactifs dans différentes langues, piscine à boules, table à langer et même un micro-ondes pour réchauffer le biberon… « Tout a été pensé pour se sentir comme à la maison, que les athlètes aient l’impression de pouvoir faire tout ce qu’ils feraient normalement chez eux », explique Jeannie Tharrington, responsable de la communication du spécialiste des produits d’hygiène Procter & Gamble, qui gère la pouponnière.
Teleri, un an et demi, est une habituée du lieu. Ce jour-là, la petite fille joue avec un autre enfant, sous l’oeil joyeux de sa maman, Keesja Gofer, joueuse australienne de water-polo. La poloïste profite d’une heure de détente avec sa fille et son compagnon avant d’aborder sa demi-finale du tournoi olympique.
Avant elle, c’est l’Irlandaise Ashleigh Orchard, joueuse de rugby à VII, qui a réservé un créneau dans l’espace famille.
« J’espère que cela leur enlèvera un peu de stress, surtout aux Jeux olympiques, car c’est une situation très stressante », a commenté la légende de l’athlétisme Allyson Felix après avoir visité le lieu dont elle est l’instigatrice.
« La garde d’enfants est une énorme barrière (pour les mères athlètes) et je veux que l’initiative aille au-delà des Jeux et que ça devienne la norme dans les grandes compétitions », a déclaré l’Américaine, nommée à la commission des athlètes du CIO, lors d’un entretien à l’AFP.
A 38 ans, l’athlète féminine la plus médaillée de l’histoire, maman de deux enfants, milite pour la mise en place de « fonds pour financer la garde d’enfants, l’aide pour trouver des sponsors après la grossesse, pour rendre les choses plus faciles en pratique ».
« Avoir un enfant, c’est de l’organisation et beaucoup de soutien, j’ai de la chance d’avoir ma mère qui garde ma fille quand je suis à l’étranger pour les compétitions », confie la multiple championne de France de boxe Wassila Lkhadiri, qui élève seule son enfant.
« La société évolue sur les questions de maternité, de parentalité et le mouvement sportif s’adapte aussi pour qu’il puisse répondre à ces nouveaux besoins des athlètes », assure Astrid Guyart, pour qui l’espace famille « offre une bulle de respiration » qui doit « perdurer dans le temps ».