Or, les politiques climatiques actuelles ne sont pas suffisantes pour éviter le risque de passer certains « points de bascule », des seuils critiques au-delà desquels les systèmes se réorganisent, souvent de manière abrupte ou irréversible, entraînant une série de conséquences en cascade. Cela concerne par exemple les calottes glaciaires ou les courants océaniques.
« Ce que l’on fait actuellement est important pour les décennies, les siècles et même les millénaires à venir », souligne Nico Wunderling, de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact du climat (PIK), l’un des auteurs de l’étude, publiée dans la revue Nature Communications.
Le monde est parti pour dépasser le seuil des 1,5°C de réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle, la limite la plus ambitieuse de l’accord de Paris de 2015, qui entend limiter le réchauffement « bien en dessous de 2°C ».
Il faudrait pourtant ne pas la franchir pour éviter les effets les plus dévastateurs du changement climatique, selon les scientifiques.
« Dépasser cette limite de manière permanente augmenterait substantiellement la probabilité de déclencher des points de bascule », selon l’étude, avec par exemple la disparition de la forêt primaire de l’Amazonie ou la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’ouest de l’Antarctique.
Ce risque de déstabilisation de certains des équilibres de la Terre peut toutefois être réduit « si le réchauffement est rapidement inversé », même en dépassant temporairement 1,5°C, selon les chercheurs.
Cela supposerait l’adoption de mesures rapides pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pour repasser sous le seuil de 1,5°C d’ici à la fin du siècle.
« Une telle inversion du réchauffement mondial ne peut avoir lieu que si au minimum la neutralité carbone est atteinte d’ici 2100 », a dit Nico Wunderling. La neutralité suppose un équilibre entre des émissions de CO2 résiduelles et leur absorption par les puits de carbone comme les forêts, actuellement menacés.
« Atteindre et maintenir au moins zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2100 est primordial pour minimiser les risques de basculement à long terme », conclut l’étude.
Dans l’état actuel des choses, la mise en oeuvre intégrale des promesses inconditionnelles des États faites dans le cadre de l’Accord de Paris met le monde sur la voie d’un réchauffement de 2,9°C au cours de ce siècle, selon les calculs de l’ONU.
Les promesses conditionnelles ramènent cette hausse à 2,5 °C.
Dans les deux cas, il s’agit de niveaux bien trop élevés pour éviter des effets catastrophiques. Selon les chercheurs, chaque dépassement supplémentaire de 0,1°C au-dessus de 1,5°C augmente la possibilité qu’au moins l’un des quatre éléments de l’équilibre planétaire (forêt amazonienne, circulation océanique de l’Atlantique, calottes glaciaires du Groenland et de l’ouest de l’Antarctique) s’effondre d’ici 2300.
Une tendance qui s' »accélère fortement » au-delà de 2°C de réchauffement.
La tendance actuelle du réchauffement représente « un risque inacceptable pour notre système climatique », juge auprès de l’AFP Nico Wunderling. « C’est jouer à pile ou face ».
« Le plus important maintenant est de garder le niveau de réchauffement mondial le plus bas possible … et ensuite de revenir à 1,5°C le plus tôt possible », explique-t-il.
L’étude « souligne le fait que des réductions importantes des émissions dans la décennie actuelle sont critiques pour la stabilité de la planète », disent les chercheurs, rappelant l’importance de respecter les objectifs de l’accord de Paris.