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Interview avec Aziz Daouda : « La loi régissant le sport est désuète et dépassée »

Interview avec Aziz Daouda : « La loi régissant le sport est désuète et dépassée »

Les résultats « décevants » de la délégation marocaine aux Jeux Olympiques de Paris méritent une analyse. Décryptage avec le directeur technique et du développement de la Confédération Africaine d’Athlétisme (CAA) Aziz Daouda.

Aux JO de Paris, de nombreux athlètes marocains ont quitté la compétition et se sont arrêtés au 1er tour. Des résultats surprenants ?
 
Les résultats des Jeux Olympiques dans toute compétition sont en général le reflet du niveau des athlètes. Au départ, ceux-ci sont classés selon les performances. C’est en fonction de cela que s’établissent les résultats. Les athlètes les mieux classés se qualifient et passent les tours jusqu’en finale. Les autres peuvent réaliser des exploits lors des jeux, mais cela dépend aussi du potentiel de l’athlète et de la préparation dont il a profité avant les Jeux.     
 

On s’attendait à la qualification de l’équipe de foot pour la finale. Quelle est votre lecture de cette sortie malgré tous les espoirs qu’elle avait suscités ?

 
Je comprends la déception de tous, puisque je fais partie aussi de ceux qui sont déçus aujourd’hui par la dernière prestation de notre équipe nationale face à l’Espagne. En fait, tout le monde avait conclu que c’était la meilleure équipe du tournoi. Logiquement, on la voyait en finale et nous avons tous, Marocains et autres, nourri l’espoir de voir cette équipe continuer à jouer son football et nous émerveiller, parce que les prestations étaient juste fantastiques.
 
Malheureusement, lors de ce dernier match de demi-finale, l’équipe a changé d’organisation, ce qui a fait que nous n’avons pas reconnu cette équipe, qu’elle n’a pas joué son football. Elle a plutôt joué un football où elle a essayé de garder un résultat qu’elle a acquis assez vite, parce qu’on menait quand même 1-0. Mais je pense que le fait que l’équipe se soit repliée a peut-être contribué à améliorer le moral de l’équipe espagnole, qui était en début de match un peu timorée et peureuse. 
 
Certainement, on lui a facilité la tâche en lui abandonnant le ballon. Et malheureusement, sur de petites erreurs, on perd des matches, qui étaient à la portée. La majeure partie des joueurs n’auront plus la chance de faire les Jeux Olympiques après, parce qu’ils n’auront plus l’âge. C’est donc une expérience pour le staff et pour le football marocain, dont il faut tirer des leçons pour les échéances à venir.
 

Khadija Mardi n’avait pas pu arracher sa qualification pour les demi-finales. Une élimination précoce ?

Pour Khadija Mardi, je pense que c’est le fait d’avoir changé de catégorie qui a joué contre elle. Comme vous le savez, Khadija Mardi est championne du monde des poids lourds. Or, cette catégorie n’existe pas aux Jeux Olympiques. Elle a été donc obligée de perdre, d’après ses dires, quelque 30 kilos pour y participer. 
 
Bien évidemment, cette baisse de poids n’est pas facile. C’est le résultat de beaucoup de sacrifices, notamment dans la nourriture, et probablement que ça a aussi un effet sur son potentiel physique. On espère qu’elle puisse résister jusqu’aux prochains Jeux et qu’elle garde ce poids. 
 
Si elle veut faire les Jeux Olympiques de Los Angeles de 2028, elle doit rester dans cette catégorie et continuer à travailler de façon à améliorer sa performance et sa prestation, parce qu’au niveau des Jeux Olympiques, comme au niveau des championnats du monde, les filles auxquelles elle fait face sont aussi de grandes athlètes.  
 

Au niveau olympique national, faut-il un Plan Marshal pour le sport de haut niveau ?

 
Le sport marocain a beaucoup de potentiel. D’abord, il jouit d’une situation exceptionnelle puisque le sport au Maroc est un droit. Cela est mentionné dans notre Constitution. Nous sommes l’un des rares pays qui ont inscrit l’activité physique et le sport comme un droit du citoyen. Donc c’est un acquis fantastique. 
 
Depuis le début du règne de Sa Majesté, nous sommes devenus le premier investisseur en sport. Nous accordons un budget conséquent au sport et cela se reflète dans toutes les lois de finances depuis des années déjà. Nous sommes les premiers investisseurs africains en sport. Mais, malheureusement, nos résultats ne reflètent pas ces investissements. 
 
Je suis de ceux qui pensent que les choses vont changer. D’abord, on doit changer la législation régissant le sport. La loi en vigueur est désuète et dépassée et constitue un frein à l’amélioration des choses. Et puis, il y a les structures qui sont aussi à passer en revue.
 
La structuration du sport national doit être revue en fonction de sa nouvelle géographie, de sa nouvelle population et de sa démographie et de notre évolution. Malheureusement, l’organisation du sport national est restée ce qu’elle a été depuis quasiment toujours.
 
Nous devons améliorer les choses, à commencer par la législation, par la loi n° 30.09 relative à l’éducation physique et aux sports que nous devons absolument abandonner et non pas modifier, au profit d’une loi plus incitative, une loi-cadre. Probablement aussi que nous devrions changer de mode de gestion. Je suis de ceux qui pensent depuis très longtemps que le sport doit être régi et confié à une administration de mission. 
 
Recueillis par Safaa KSAANI