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Katie Ledecky ou l’art de nager dans la joie

Katie Ledecky ou l’art de nager dans la joie

Neuf fois championne olympique, Katie Ledecky est devenue samedi à Paris la sportive la plus couronnée de l’histoire des Jeux, aux côtés de la gymnaste soviétique Larissa Latynina. Derrière sa constance, un amour de la natation si profond que la quête de titres ne l’a jamais entamé. 
 Arrivée dans les bassins à six ans pour suivre son frère, Katie Ledecky ne s’est pas d’emblée démarquée par un physique hors normes, mais plutôt par son implication de tous les instants
   « J’ai l’impression de prendre de plus en plus de plaisir chaque année », constatait la reine du demi-fond en juin lors des sélections américaines, à l’aube de ses quatrièmes JO à 27 ans, qui ne devraient pas être les derniers.
 Avec 21 titres mondiaux -un de plus que la légende Michael Phelps- et désormais 14 médailles olympiques dont neuf en or, la nageuse du Maryland tient sa place dans les livres d’histoire, mais a déjà donné rendez-vous pour les JO-2028 de Los Angeles.


Révélée à 15 ans, lorsqu’elle remporte le 800 m des JO-2012 de Londres, elle avait gagné quatre titres de plus à Rio-2016 (200 m, 400 m, 800 m, 4×200 m), et surmonté à Tokyo en 2021 sa déception sur 200 (5e) et 400 m (2e) pour s’imposer sur 800 et 1.500 m.
 Si l’Australienne Ariarne Titmus la devance désormais clairement sur 200 et 400 m, sa suprématie sur longue distance est telle qu’elle détient les 29 meilleurs chronos de l’histoire sur 800 m et les 19 meilleurs sur 1.500 m.


De sa justesse technique -elle peut nager avec un chocolat au lait posé sur le bonnet sans en renverser une goutte- à la puissance de son crawl légèrement asymétrique, tout ce qui lui donne une longueur d’avance a été maintes fois disséqué.


Mais il reste un mystère, surtout dans une discipline où la monotonie et la solitude de l’entraînement ont plongé plus d’une star dans la dépression, de Phelps au quintuple champion olympique Caeleb Dressel en passant par le roi du 100 m brasse Adam Peaty.


Comment Ledecky a pu traverser plus d’une décennie au plus haut niveau sans donner de signe de lassitude, qu’elle écrase la concurrence -comme en 2016- ou qu’elle essuie ses premiers revers, entravée dans sa moisson d’or à Tokyo par Titmus?
 » Bien après qu’une autre nageuse aura battu mes records, j’aurai toujours l’avantage d’avoir été élevée dans et par la piscine. J’espère que ma ténacité durera plus longtemps que n’importe quelle gloire athlétique », écrit l’Américaine dans sa biographie, « Just add water », parue en juin.


Dans son tête-à-tête avec l’eau, la jeune femme a trouvé le plaisir physique de l’apesanteur -« faire des pirouettes, tourner mon corps dans toutes les directions »-, mais aussi celui, plus existentiel, de « mettre à l’épreuve » son corps et son psychisme. 
Fille d’une nageuse universitaire, arrivée dans les bassins à six ans pour suivre son frère, Katie Ledecky ne s’est pas d’emblée démarquée par un physique hors normes -à la différence de Phelps-, mais plutôt par son implication de tous les instants.


« Katie se lance tête baissée et vous oblige à vous donner à fond. Elle essaie toujours de maximiser ses performances pour ne rien laisser dans le réservoir », racontait en 2021 dans le LA Times True Sweetser, l’un de ses compagnons d’entraînement à l’Université de Stanford, plus d’une fois « démoli » par leurs sessions communes.
 Sa voracité à l’entraînement -dans l’eau comme dans les exercices de musculation- contraste avec une attitude étonnamment paisible en compétition, où elle célèbre sobrement et n’oublie jamais de féliciter ses adversaires.


« Katie veut gagner avec la plus grande marge possible, mais je ne pense pas qu’elle veuille briser l’âme de qui que ce soit, comme le faisait Michael Jordan », expliquait dans le LA Times Matt Barbini, directeur de la performance d’USA Swimming. 
 »C’est une combinaison remarquable, en particulier pour quelqu’un de dominateur pendant si longtemps, ce qui demande tant d’engagement, tout en étant aussi sympa, polie et agréable ».