Hassan Baraka a écrit l’Histoire. Il vient de réussir un exploit qui s’est refusé aux plus expérimentés : la traversée de la Manche. Interview avec cet athlète qui réalise des traversées, une épopée, une prouesse, tout en souciant de la protection de l’environnement.
Et je continue encore à poser la question aux personnes qui m’ont accompagné dans cette aventure, en leur disant ce qu’on a vraiment réalisé. Donc non, je ne mesure pas encore vraiment la portée de cet exploit. C’est en voyant les messages de félicitations que je réalise l’ampleur de cet exploit.
Pour tout nageur qui se respecte, traverser la Manche est un objectif difficile à atteindre. Seulement 30% des nageurs réussissent à la traverser chaque année. Et je suis très fier d’avoir pu inscrire le nom du Maroc parmi ce cercle fermé de pays.
15h 55min dans l’eau salée, ça doit laisser des traces ?
Effectivement. Le plus difficile n’a été ni la nage de nuit, ni les piqûres de méduses, ni l’eau froide, parce que cela se travaille, mais c’est l’eau salée. Qu’on le veuille ou non, on finit par avaler du sel. Ce qui pose des problèmes d’estomac.
Après la traversée, j’ai passé quatre jours sans pouvoir m’alimenter correctement, parce que j’avais la langue et la gorge gonflées à cause du sel de mer. J’ai passé mes journées à manger de la glace, que ce soit au petit-déjeuner, au déjeuner et au dîner. Cela a été vraiment l’aléa le plus difficile à gérer.
À quoi avez-vous pensé pendant toutes ces heures dans l’eau ?
On a le temps de penser à tous ces gens qui croient en nous et puis on a le temps de penser aussi à soi-même, de se remettre en question,… On fait une introspection, on travaille sur soi, on essaye de méditer, on prie, on prie beaucoup, on essaye de se reconnecter à la source, de se reconnecter à Dieu. Et je pense surtout à la chance qui m’est présentée de pouvoir faire cette traversée. Ce n’est pas donné à tout le monde, je me suis donné les moyens en me préparant physiquement et mentalement, donc c’est une chance dont je profite.
La traversée de la Manche fait perdre des kilos importants. Quelle alimentation avez-vous suivi en amont et en aval ?
Personnellement, je m’arrêtais une minute toutes les 30 minutes de nage pour pouvoir manger et boire. Je n’avais pas le droit de toucher le bateau ni quoi que ce soit, donc je m’arrêtais. J’avais calculé avec une nutritionniste tous les gels que je devais prendre pour avoir les aliments nécessaires, de façon liquide, pour pouvoir les assimiler au mieux.
J’avais quelques bananes, de la goyave, et puis des dattes. Voilà, ça c’était ce qui m’a permis d’aller jusqu’au bout. Et puis, comme je vous l’ai expliqué par la suite, il a fallu passer ce moment de convalescence, surtout que je n’ai pas pu manger pendant plusieurs jours. Donc voilà, mon estomac ne revient que petit à petit après deux semaines.
Vous bénéficiez d’un encadrement de haut niveau. Pouvez-vous nous décrire une journée type d’entraînement ?
C’était important pour moi d’être soutenu par mon ami Amine qui m’a accompagné sur pas mal de volets. Sans oublier le pilote et le co-pilote, ainsi que l’arbitre qui devait homologuer la traversée. Puis il y avait la nutritionniste qui suivait mon état en vidéoconférence une fois par mois pour mettre au point mon alimentation. Et puis la préparation mentale à travers mon collègue Fernando.
Pour ma journée type, normalement je nage environ trois heures par jour, plus une heure de renforcement musculaire. Il faut que les épaules soient assez solides pour ne pas se blesser. J’ai également réalisé des entraînements de nuit. J’ai profité du mois de Ramadan pour nager de nuit en mer pour enlever la peur de la nage de nuit, ainsi que habituer mon corps à cette nage dans le froid et sans repères. Il y avait une préparation minutieuse.
En plus de cet exploit, vous avez traversé les cinq continents à la nage. Désormais, vous ne craignez ni les profondeurs, ni les flots agités ?
Quel est votre leitmotiv à vous élancer au-devant de telles aventures ?
Par ailleurs, vous êtes également très sensible à l’environnement et à l’écologie, ayant mené des actions de nettoyage de plage sur les cinq continents. Le réchauffement climatique est-il une réalité que vous constatez lors de vos traversées à la nage ?