Porte-drapeau de la petite délégation palestinienne de huit athlètes lors de la cérémonie d’ouverture, la sportive de 24 ans née et basée aux Etats-Unis, qui n’est jamais allée à Gaza, a raflé six médailles lors des Jeux sportifs arabes d’Alger l’an dernier. Vendredi, elle devait participer aux séries du 200 m quatre nages.
Celle dont le grand-père habitait près de Rafah, dans le sud de Gaza, dit sa chance de vivre aux Etats-Unis, avec « le meilleur entraîneur du monde », alors que dans les territoires palestiniens la faiblesse de l’économie notamment entrave le développement d’athlètes de haut niveau.
Tarazi nage pour l’université d’Auburn, dont l’équipe de natation est dirigée par Vlad Polyakov, qui a pris part à trois JO avec le Kazakhstan. « Je nage pour l’une des meilleures écoles » des Etats-Unis alors que dans les territoires palestiniens, « nous n’avons pas d’infrastructures sportives, nous n’avons même pas de piscine olympique », confiait-elle à l’AFP à Paris avant le début des JO.
« Nous sommes l’un des groupes de Palestiniens les plus chanceux au monde, qui pouvons pratiquer notre sport et concourir », dit-elle.
Parmi eux, d’autres membres de la diaspora mais aussi des athlètes basés en Cisjordanie occupée. Manquent à l’appel ceux restés à Gaza, piégés par la guerre entre Israël et le Hamas.
Le patron du comité olympique palestinien Jibril Rajoub a énuméré quelques noms: Tamer Qaoud, coureur du 1.500 mètres qui n’a pas pu quitter l’étroite bande côtière, l’haltérophile Mohammad Hammadah qui a, selon lui, « perdu 20 kg de masse corporelle à cause de la famine », et ceux tués, dont la karatéka Nagham Abou Samra.
Invitée à participer aux JO par le CIO, Valérie Tarazi a perdu quatre membres de sa famille, et un proche, son ami Ibrahim Qusaya, figure de l’équipe palestinienne de volley, mort en novembre dans le bombardement d’un camp de réfugiés à Jabaliya.
Tarazi porte un pendentif d’argent en forme de clé, le symbole des maisons perdues en 1948 lors de la première guerre israélo-arabe et de l’exil que les Palestiniens appellent « Nakba », la « Catastrophe ».
Mi-juillet, elle est allée en Cisjordanie pour la conférence de presse d’avant-Jeux de la délégation palestinienne: « C’était vraiment spécial de rentrer chez soi. » Dans ce territoire, le conflit à Gaza a entraîné une intensification des violences et des restrictions de circulation.
Avant les JO, les athlètes palestiniens ont communiqué « tout le temps » entre eux, dit Tarazi. « On s’encourage tous, peu importe où nous en sommes. Je FaceTime tout le monde ».
Si la délégation n’a pas de kiné, masseurs ou autres soutiens faute de financements suffisants, souligne la nageuse, un médecin est présent pour apporter notamment un soutien psychologique et une aide en ligne est disponible, assure le comité palestinien.
« Mon entraîneur me répète toujours: +ne te laisse pas atteindre par les émotions, reste neutre et reviens sur terre+ » s’il y a trop d’excitation.
Au-delà du chrono, Tarazi « espère inspirer » et « inciter la jeune génération à faire du sport, parce qu’ils n’ont pas forcément les moyens de le faire » dans les territoires palestiniens où plus d’un tiers de la population a moins de 15 ans, selon des statistiques officielles palestiniennes.
Après les JO, la sportive se lancera un défi supplémentaire: une thèse sur la logistique dans l’aide humanitaire.