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Architecture d’intérieur : Les fontaines traditionnelles, un joyau ancestral

Architecture d’intérieur : Les fontaines traditionnelles, un joyau ancestral

Dans le cœur battant des riads, un chant doux et régulier berce les visiteurs. Ce n’est pas le vent qui fait bruisser les palmiers, mais le murmure apaisant des fontaines. Rétrospective d’un joyau aquatique qui raconte une histoire millénaire.

L’histoire des fontaines marocaines remonte à l’aube de la civilisation islamique dans le pays. Lorsque les premiers conquérants arabes posèrent le pied sur le sol du Maghreb au VIIe siècle, ils apportèrent avec eux non seulement le livre saint, mais aussi une culture hydraulique sophistiquée. L’eau, élément sacré dans l’Islam, symbole de pureté et de vie, allait devenir le cœur battant de l’architecture marocaine.
 
Les premières fontaines apparurent dans les mosquées, simples bassins d’ablution où les fidèles se purifiaient avant la prière. Mais rapidement, l’ingéniosité des artisans locaux et le raffinement de la cour transformèrent ces modestes installations en véritables œuvres d’art. Le zellige, cette mosaïque de carreaux d’argile émaillée, vint habiller les bassins de couleurs éclatantes. Le marbre, importé d’Italie ou extrait des carrières de l’Atlas, apporta sa noblesse froide aux jets d’eau.
 
À Marrakech, par exemple, les jardins de la Ménara sont dominés par un immense bassin, véritable mer intérieure qui reflète les contours majestueux de l’Atlas. Mais c’est peut-être dans l’intimité des riads que les fontaines marocaines expriment le mieux leur poésie. Au centre du patio, cœur vibrant de la maison traditionnelle, la fontaine est bien plus qu’un simple ornement. Elle est le poumon qui insuffle vie et fraîcheur à la demeure. Son chant constant apaise les esprits, son eau claire rafraîchit l’air des chaudes journées d’été.
 
Les formes de ces fontaines sont aussi variées que l’imagination des artisans qui les ont créées. Certaines, taillées dans un seul bloc de marbre, s’épanouissent comme des fleurs de pierre. D’autres, plus complexes, s’étagent en cascades miniatures, l’eau bondissant de vasque en vasque dans une joyeuse cacophonie. Les plus sophistiquées intègrent des mécanismes ingénieux, héritage des savants arabes du Moyen Âge, qui font jaillir l’eau en jets surprenants ou la font couler le long de chemins sinueux creusés dans la pierre.
 
Chaque fontaine raconte une histoire, celle de la famille qui l’a commandée, de l’artisan qui l’a façonnée, du voyageur qui s’y est désaltéré. Dans le zellige qui les orne, on peut lire les influences diverses qui ont façonné la culture marocaine : motifs berbères ancestraux, arabesques venues d’Andalousie, touches de bleu rapportées par les commerçants de Delft.
 
L’arrivée du protectorat français au début du XXe siècle aurait pu sonner le glas de cet art ancestral. Mais contre toute attente, elle lui insuffla une nouvelle vie. Les architectes européens, fascinés par ces joyaux hydrauliques, les intégrèrent dans leurs créations, les réinventant pour les adapter au goût de l’époque. C’est ainsi que naquirent les fontaines Art Déco de Casablanca, alliant tradition marocaine et modernité occidentale dans un mariage étonnamment harmonieux.
 
Aujourd’hui, à l’ère du tourisme de masse et de la globalisation, les fontaines marocaines connaissent un nouveau chapitre de leur histoire. En ces temps de stress hydrique, les propriétaires de ces fontaines font preuve d’une économie militaire de cette denrée cruciale qu’est l’eau. Les jets d’eau sont moins abondants et sont redistribués grâce à un système ingénieux d’économie d’eau. N’empêche que dans les palaces luxueux qui fleurissent à Marrakech ou sur la côte d’Agadir, elles sont devenues des éléments incontournables du décor, symboles d’un luxe oriental fantasmé. Certaines, démesurées (mais éco-responsables), rivalisent avec les fontaines de Las Vegas en termes de spectacle aquatique. D’autres, plus discrètes, cherchent à recréer l’atmosphère intime des riads d’antan.
 
Mais au-delà de ces réinterprétations modernes, les véritables trésors restent cachés dans les profondeurs des médinas. Là, dans la cour d’un riad séculaire ou dans le patio d’une maison d’hôtes, on peut encore entendre le chant ininterrompu des fontaines, tel qu’il résonne depuis des siècles.
 
Houda BELABD