Gouvernance
Dans son dernier rapport sur la mise en valeur des ressources en eau 2024, l’UNESCO définit la gouvernance de l’eau comme la «manière dont les sociétés s’organisent pour prendre des décisions». La gouvernance de l’eau doit donc également, précise le rapport, rendre compte et, dans l’idéal, influencer les décisions prises dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, de la santé et des infrastructures, ainsi que dans le secteur informel lorsque celui-ci joue un rôle important (comme dans le cas de la vente d’eau ou des systèmes d’irrigation à énergie solaire utilisant les eaux souterraines).
Des accords de gouvernance équitables, indique ledit rapport, conçus pour encadrer des arbitrages difficiles, sont indispensables pour atténuer les tensions et réparer les injustices en matière d’approvisionnement et de répartition de l’eau. Il faut notamment s’efforcer d’élaborer et de mettre en œuvre des règles pour l’établissement et la (ré)partition des droits sur l’eau entre différents emplois concurrents et différentes valeurs ainsi que pour mobiliser les financements nécessaires.
En outre, l’UNESCO rappelle que les appels en faveur d’approches intégrées et intersectorielles de la répartition et de la gouvernance de l’eau ne datent pas d’hier, puisqu’ils remontent (au moins) aux Principes de Dublin de 1992. Toutefois, une telle intégration s’avère coûteuse et controversée, dans la mesure où elle nécessite des ressources humaines, sociales et financières dont ne disposent pas bon nombre de régions, même les plus riches. Dans les cas où les capacités sont limitées, et plus particulièrement lorsque la fourniture de services est décentralisée, la gouvernance locale a une importance cruciale. Dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest par exemple, l’eau en bouteille distribuée par les vendeurs d’eau est devenue l’option privilégiée dans les zones dépourvues de réseaux de distribution municipaux. Cette situation nécessite de reconnaître l’existence de fournisseurs d’eau formels et informels, et de permettre leur prise en compte, par le biais de partenariats régionaux et de divers modèles de gouvernance associant acteurs publics et privés à différents niveaux.
Transversalité
Qu’en est-il de la gouvernance de l’eau au Maroc ? Selon les spécialistes, la gouvernance du secteur de l’eau reste transversale avec la multiplication des acteurs. Ainsi, pour la consultation et la coordination des stratégies et plans, il y a le Conseil supérieur de l’eau et du climat, le Conseil des bassins hydrauliques et la Commission interministérielle de l’eau.
Concernant l’élaboration des stratégies, le département ministériel responsable est celui de l’Equipement et de l’Eau et les principaux départements ministériels intervenants sont ceux de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances, de l’Agriculture, de la Transition énergétique et du Développement durable.
La mise en œuvre des stratégies et plans s’opère via les dix agences des bassins hydrauliques chargées de la gestion intégrée des ressources en eau. Il y a en matière de distribution de l’eau potable et industrielle, les Collectivité territoriales, l’Office national de l’électricité et de l’eau potable, les régies autonomes de distribution d’eau et d’électricité, les concessionnaires privés et des associations.
S’agissant de l’irrigation, ce sont les neuf offices régionaux de mise en valeur agricole et l’Office national de l’électricité et de l’eau potable pour la production de l’énergie qui s’en chargent.
Responsabilité
Quid de la responsabilité du gouvernement dans cette gestion ? La responsabilité du gouvernement concernant la gestion du dossier de l’eau est évidente en raison de plusieurs aspects critiques liés à la disponibilité, la qualité et la distribution de cette ressource vitale. En effet, le gouvernement est chargé de la planification et de l’allocation des ressources en eau pour répondre aux besoins domestiques, agricoles, industriels et environnementaux. Cela inclut la création de plans de gestion intégrée des ressources en eau prenant en compte les variations saisonnières et les événements climatiques extrêmes.
La construction et l’entretien des infrastructures hydrauliques, telles que les barrages, les canaux, les réservoirs et les stations de traitement de l’eau, relèvent de la responsabilité gouvernementale. Une gestion efficace de ces infrastructures est essentielle pour garantir une distribution équitable et fiable de l’eau.
Sur un autre registre, l’Exécutif doit établir et faire respecter les lois et règlements relatifs à l’utilisation et à la conservation de l’eau. Cela comprend la réglementation des prélèvements d’eau, la protection des sources d’eau contre la pollution, et la promotion de pratiques durables. Une surveillance continue des ressources en eau, incluant la qualité et la quantité disponibles, est cruciale. Le gouvernement doit investir dans des systèmes de monitoring et d’alerte précoce pour prévenir les pénuries et les situations de crise.
En cas de sécheresse, d’inondations ou d’autres catastrophes liées à l’eau, le gouvernement doit être prêt à intervenir rapidement. Cela inclut la mise en place de plans d’urgence, la coordination avec les agences de secours et la distribution de l’eau potable aux populations affectées. Et avec les impacts croissants du changement climatique, le gouvernement doit intégrer des stratégies d’adaptation pour faire face à la variabilité accrue des ressources en eau. Cela peut inclure des mesures telles que la réutilisation des eaux usées, la capture et le stockage de l’eau de pluie, et l’amélioration de l’efficacité de l’irrigation.
En résumé, la responsabilité du gouvernement dans la gestion du dossier de l’eau est cruciale pour assurer la disponibilité et la durabilité de cette ressource essentielle. Cela nécessite une approche intégrée et multisectorielle, impliquant la planification, la régulation, l’éducation, la gestion des crises et la coopération internationale.
Hassan Bentaleb
Lire également: L’eau, un secteur transversal et des acteurs multiples