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MAGAZINE : John Mayall, éditorialiste du blues britannique

MAGAZINE : John Mayall, éditorialiste du blues britannique

Le « prof » rend l’âme le 22 juillet à 90 ans. Dénicheur de talents et faiseurs de prodiges, l’Anglais s’éteint en Californie entouré des siens. Le musicien à plus de soixante-dix albums, enregistrés entre 1964 et 2022, laisse un précieux héritage chargé de bonnes ondes. Plusieurs générations lui doivent leur existence artistique, notamment au sein du groupe-pépinière The Bluesbreakers.

Guitariste-claviériste-harmoniciste-chanteur et auteur-compositeur, l’artiste prend sous son aile différents futurs virtuoses de la corde qui enchante, qui fait chavirer, qui terrasse. Dans le lot, on trouve Eric Clapton (Cream), Peter Green (Fleetwood Mac, auteur de « Black Magic Woman »), Mick Taylor (The Rolling Stones), Jack Bruce (Cream), Freddy Robinson, Walter Trout, Buddy Whittington, Coco Montoya… Né à proximité de Manchester, il est lui-même influencé par de grands noms, des jazzmen essentiellement. Grâce à la mélomanie de son père, il découvre Big Bill Broonzy, Pete Johnson, Albert Ammons, Charlie Christian, Django Reinhardt, Eddie Lang… Pour le volet blues, John Mayall ne jure que par le guitariste américain J.B. Lenoir, un inconditionnel de Sonny Boy Williamson et d’Elmore James qu’il accompagne. A douze ans, l’Anglais s’initie seul à la guitare et à l’harmonica, s’essaie ensuite au piano en taquinant le boogie-woogie. Parallèlement à son statut de musicien du dimanche, il exerce le métier de graphiste. En 1963, à 30 ans, il décide de se consacrer pleinement à ce qui le fait émotionnellement vivre, sa raison de vivre. Il crée alors The Bluesbreakers, groupe qui voit défiler les batteurs Aynsley Dunbar et Keef Hartley, les guitaristes cités plus haut.

 

Honnêteté brute
Bluesman inconsolable, musicien multidimensionnel, père anglais d’un genre qui explose au début des années 1960 -The British Blues Boom-, il déclare en 2014 sur les colonnes du journal The Guardian : « Le blues parle et ça a toujours été à propos de cette honnêteté brute avec laquelle il exprime nos expériences dans la vie, quelque chose qui se réunit dans cette musique, dans les mots aussi. Quelque chose qui est connecté à nous, commun à nos expériences. Pour être honnête, je ne pense pas que quelqu’un sache exactement ce que c’est. Je ne peux pas m’arrêter de le jouer. » Son parcours est hautement original. Jeune, il choisit de se retirer dans une cabane perchée sur un arbre avec, comme compagnons, un lecteur vinyle et une guitare. Selon Wikipédia, pendant deux ans, de juin 1969 à l’été 1971, il opte pour une formule sans batteur, produisant deux de ses albums les plus originaux, « The Turning Point » avec Jon Mark à la guitare acoustique, et « Usa Union », avec le violoniste Don «Sugarcane» Harris et le bassiste Larry Taylor, ainsi que « Back to the Roots » avec nombre de ses anciens musiciens. Fin 1969, il s’installe en Californie, à Laurel Canyon, Hollywood, Los Angeles, tous ses musiciens sont depuis américains.

En 1979, un incendie se déclare dans sa maison, détruisant toutes ses archives, personnelles comme professionnelles. Il introduit plus tard dans sa musique un genre américain nommé « skiffle » teinté de musique folklorique, d’influence jazz, country et blues. « Il a pour particularité d’incorporer des instruments bricolés à partir d’accessoires domestiques : planche à laver (washboard) faisant office de batterie, basse à une corde faisant résonner un baquet à lessive ou une caisse à thé (tea-chest bass), kazoos, violons taillés dans des boîtes à cigares, peignes frottant contre du papier… La base harmonique utilise des instruments traditionnels (guitares, banjos, mandolines, pianos). » Pour l’anecdote, en mars 1966, Eric Clapton, Mayall et les Bluesbreakers enregistrent l’album « Blues Breakers – John Mayall with Eric Clapton ». « Considéré encore aujourd’hui comme un monument du British Blues Boom, le disque connaît un grand succès, à la fois critique et commercial, mais son titre, ambigu, ne satisfait ni les membres des Bluesbreakers, ni Clapton, qui trouve que son nom ‘’se voit moins que celui de John Mayall’’. Quand l’album sort, fin juillet, Clapton est déjà sur la route avec Cream. »

En 2005, Mayall reçoit le titre d’Officer of the British Empire (OBE). Nommé aux Grammy Awards à deux reprises, il finit par être intronisé au Rock & Roll Hall of Fame. Il est père de six enfants et compte quatre petits-enfants. Ses anciennes épouses Pamela et la guitariste blues Maggie l’entourent jusqu’à son dernier souffle. Il aura collectionné le plus grand nombre de musiciens dont peut se vanter un groupe britannique. Il publie soixante-et-onze albums depuis 1964. Il se produit sur scène jusqu’en 2022 avec le même combo depuis 2009 : Rocky Athas à la guitare, Greg Rzab à la basse et Jay Davenport à la batterie. En 2018, Carolyn Wonderland remplace Rocky Athas. Depuis le 22 juillet, le blues a un curieux vague à l’âme.