Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, 3 mars 2024 Utilisées de manière responsable, durable et équitable, les technologies ont la capacité de sauver notre planète. C’est bien l’idée défendue par le Secrétaire général des Nations unies à l’occasion de la Journée mondiale de conservation de la vie sauvage.
Si le sujet est d’actualité à l’échelle internationale, cette thèse est cependant ancienne. En effet, elle remonte aux débats associés aux travaux et aux idées du Club de Rome, consolidés dans le rapport intitulé « The Limits to Growth » publié en 1972. Ce rapport mettait en garde contre les limites physiques de la croissance économique dans un monde fini.
La technologie de la décroissance, dans ce contexte, désignait les avancées technologiques orientées vers la réduction de la consommation de ressources naturelles, préférablement au soutien d’une croissance économique infinie dans un système fini.
Ainsi, la conception des stratégies industrielles pour la fabrication des technologies d’énergie propre exige une conjugaison des engagements climatiques et l’impératif de sécurité énergétique avec les opportunités économiques. Ce faisant, une analyse et des évaluations des risques des chaînes d’approvisionnement permettent de prendre les bonnes décisions en matière d’investissements et de financements des projets technologiques résilients et durables pour les industries du futur.
Dans le monde, les investissements dans la fabrication de technologies propres se sont élevés à environ 200 milliards de dollars en 2023, soit une croissance de plus de 70% par rapport à 2022, selon les données de l’AIE (2024). D’ailleurs, les investissements dans les usines de fabrication de panneaux solaires photovoltaïques et de batteries représentent ensemble plus de 90% du total au cours des deux années. Les investissements dans la fabrication de panneaux solaires photovoltaïques ont plus que doublé pour atteindre environ 80 milliards de dollars en 2023, tandis que les investissements dans la fabrication de batteries ont augmenté d’environ 60% pour atteindre 110 milliards de dollars.
Actuellement le niveau de concentration géographique dans les chaînes d’approvisionnement mondiales crée des défis pour une transition énergétique juste et globale. En effet, la Chine à elle seule domine les processus de fabrication de certaines technologies de développement durable, la production des matériaux en vrac et la production de matériaux critiques. Prenant rien que l’exemple des technologies fabriquées en série comme l’éolien, les batteries, les électrolyseurs, les panneaux solaires et les pompes à chaleur, les trois plus grands pays producteurs représentent au moins 70% de la capacité de fabrication de chaque technologie. La Chine dominant dans chacune d’entre elles.
Au-delà du fait que la concentration à n’importe quel point d’une chaîne d’approvisionnement présente un risque sur l’ensemble de ladite chaîne, la rendant vulnérable aux incidents techniques et imprévus géopolitiques ou sanitaires…., cette concentration est le reflet même d’une transition mondiale déséquilibrée et au désavantage des pays du Sud. Eternellement producteurs de matières premières, ces derniers sont toujours à l’écart du progrès technologique et donc par extension à une transition écologique et énergétique tirée par le développement technologique.
Le rapport de l’AIE intitulé « Faire progresser la fabrication de technologies propres », précise qu’en dehors des principaux pays producteurs, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud représentent une faible part de la production mondiale des principaux composants des éoliennes (4% à 6% pour les nacelles, les pales et les tours). Cependant, pratiquement aucune fabrication de technologies propres n’a lieu en Afrique aujourd’hui.
Nous sommes clairement devant un schéma de concentration manufacturière à l’avantage des pays industrialisés, au moment où des pays comme la République Démocratique du Congo est classée au 5ème rang mondial des pays les plus vulnérables aux changements climatiques vis-à-vis de leur capacité d’adaptation.
Cette situation offre aux pays industrialisés les ressources nécessaires à leur transition écologique et énergétique, et confine les possibilités des économies en développement, au niveau de la production primaire.
Pour preuve, les chiffres d’investissement annuel moyen en CAPEX dans la capacité de la chaîne d’approvisionnement des technologies d’énergie propre dans le scénario Net Zero, 2016-2030 de l’AIE démontrant que le taux d’investissement en CAPEX le plus élevé (prévu de 2023 à 2030) se situe au niveau de la fabrication d’énergies propres, estimé à 80 milliards de dollars. Alors que les investissements réservés au : traitement des minerais critiques sont estimés à 22 milliards de dollars, aux autres mines des minéraux critiques (19 milliards de dollars), et à l’extraction de cuivre (30 milliards de dollars).
A terme, le modèle « Trade-off » met en avant la nécessité de repenser les stratégies économiques pour intégrer pleinement les considérations environnementales, tout en stimulant l’innovation technologique pour résoudre les défis écologiques contemporains partout dans le monde.
Par Yasmine BOUTAIB
Conseillère en transition énergétique et militante pour les droits de l’Homme