Les manoeuvres « Han Kuang », d’une durée de cinq jours, se déroulent chaque année pour préparer l’armée taïwanaise à une invasion potentielle en provenance de la Chine qui revendique l’île comme une partie de son territoire.
Mais l’édition de cette année différera des précédentes: l’armée taïwanaise n’effectuera plus d’exercices « à des fins de démonstration », a indiqué le ministre taïwanais de la Défense Wellington Koo.
Jusqu’à présent, l’armée taïwanaise se livrait à des opérations de tirs réels sur l’île principale, auxquelles était conviée la presse. Ces exercices se dérouleront désormais sur des îles périphériques et ne seront plus mis en scène.
« Aujourd’hui, la situation est plus préoccupante qu’avant. Ce type d’exercice de communication est inutile pour (améliorer) notre état de préparation », estime l’expert en conflits Ou Sifu, de l’Institut de recherche sur la défense nationale et la sécurité de Taïwan, en référence aux éditions précédentes.
Une nouvelle structure de commandement décentralisée sera également expérimentée cette année, dans le but de préparer l’armée taïwanaise à « la complexité et aux incertitudes grandissantes relatives au champ de bataille », a détaillé le ministère taïwanais de la Défense.
Dans le cadre des éditions antérieures, les troupes taïwanaises étaient informées à l’avance de chaque scénario, selon l’expert militaire Su Tzu-yun. Elles devront désormais réagir aux événements avec « spontanéité ».
« Cela correspond davantage à la réalité », déclare-t-il.
Le ministère taïwanais de la Défense a indiqué que la marine taïwanaise avait déjà effectué lundi matin un « départ d’urgence » depuis les côtes du Nord de l’île.
D’autres exercices doivent se tenir plus tard dans la semaine, notamment dans le comté de Hualien (Est) qui abrite une base aérienne dotée d’avions de combat F16, ainsi que sur l’île de Penghu dans le détroit de Taïwan séparant l’île de la Chine continentale.
Ces manœuvres militaires interviennent deux mois après l’investiture du nouveau président taïwanais Lai Ching-te, qualifié par Pékin de « dangereux séparatiste ».
Ces dernières années, la Chine a intensifié les pressions militaire et politique autour de Taïwan, tout en musclant sa rhétorique, parlant d’une « unification » qui est « inévitable ».
Les tensions dans le détroit de Taïwan se sont encore accrues après l’investiture de Lai Ching-te le 20 mai.
Trois jours après sa prestation de serment, Pékin a procédé à d’importantes manoeuvres militaires autour de Taïwan, mobilisant des navires et des avions militaires chargés de munitions réelles, en affirmant qu’il s’agissait d’une « punition sévère » contre les « séparatistes ».
Parallèlement à ces démonstrations de force autour du territoire autonome, la Chine a envoyé cette année de plus en plus de navires des garde-côtes autour des îles situées près de Taïwan.
Du fait de la fréquence de ces manoeuvres, l’armée taïwanaise pourrait devenir « moins réactive », avertit Richard Hu, général à la retraite et expert militaire à l’université nationale de Chengchi.
« Le syndrome de la grenouille cuite (accoutumance, ndlr) pourrait avoir des conséquences catastrophiques le jour où la République populaire de Chine décide de lancer une invasion à grande échelle de Taïwan », a-t-il déclaré à l’AFP.
Il est « extrêmement important » pour Taïwan d’accélérer ses réformes en matière de défense, estime Amanda Hsiao de l’International Crisis Group, l’armée taïwanaise faisant face à deux menaces: les « défis quotidiens des pressions militaires chinoises » et une invasion potentielle de la Chine.
« En l’absence d’une vision claire, Taïwan risque d’être mal préparée pour faire face à ces deux types de menaces », souligne l’experte.