Prévision
D’après notre interlocuteur, cette situation incombe à trois facteurs, à savoir «la sécheresse, les feux et les politiques agricoles calamiteuses (notamment la culture de la pastèque)». Pourtant, il a tenu à préciser que «les causes climatiques telles que la sécheresse et la hausse des températures ne sont que des facteurs amplificateurs et que la vraie cause demeure celle de l’abandon des oasis traditionnelles par les autorités locales et la population autochtone». «En effet, la catastrophe a été pressentie. Plusieurs études ont anticipé la situation actuelle ainsi que les conséquences d’une mauvaise gestion et ont tiré la sonnette d’alarme. Déjà en 2006, une étude allemande a désigné la hausse de la température, la faiblesse des précipitations, le prolongement de l’été et la désertification comme des facteurs amplificateurs, participant à la dégradation des oasis. A ce propos, ladite étude a prévu le pire en cas de non adoption de mesures adéquates d’adaptation», a-t-il noté. Et de poursuivre: «Des prévisions de Greenpeace ont déjà tiré la sonnette d’alarme, il y a plusieurs années, sur le risque de disparition des oasis en raison du réchauffement climatique, de l’augmentation des températures et de leurs impacts sur les ressources en eau, ainsi que sur les activités agricoles spécifiques à ces zones. Selon Greenpeace, les périodes de sécheresse s’allongent, passant de «tous les cinq ans à tous les deux ans».
Risque
L’antenne Mena de l’ONG a indiqué que les oasis marocaines sont un exemple des effets du changement climatique mondial, menant à la disparition de civilisations et de peuples, ainsi qu’à la perte de zones naturelles cruciales pour l’équilibre environnemental». Un état des lieux que partage même le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts qui a révélé que les deux tiers environ des habitats de l’oasis marocaine ont disparu au cours du siècle dernier, et que ce processus s’est accéléré lors des dernières décennies, avec des températures en augmentation sensible.
Le ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement a souligné, lors de la préparation du projet «Adaptation au changement climatique au Maroc : pour des oasis résilientes», qui s’inscrit dans le cadre du Programme africain d’adaptation au changement climatique, qu’il y aura une baisse des cumuls pluviométriques hivernaux généralisée à toute la zone oasienne, associée à une diminution du nombre de jours humides et d’évènements de fortes précipitations. La zone oasienne se réchaufferait en toutes saisons et l’élévation des températures sera plus accentuée en été, variant entre 1°C et 3,2°C.
Le réchauffement se manifesterait aussi par une diminution du nombre de jours frais hivernaux et par une augmentation du nombre de jours très chauds et de vagues de chaleur estivale. Une situation des plus polémiques puisque la région va connaître une croissance démographique entraînant des besoins nouveaux en logements, équipements et des pressions sur les ressources naturelles. Ainsi, pour les provinces de Guelmim et Errachidia, elles vont subir une forte augmentation pour atteindre respectivement 14,3 et 11,3 hab. /km2 en 2030 (19,8 et 14,5 hab. /km2 en 2050).
L’urbanisation des provinces de Zagora et d’Ouarzazate se poursuit avec des densités de plus de 20 hab. /km2 en 2050. La province de Tata est la seule qui, malgré la croissance démographique, accusera une densité assez faible de moins de 9 hab/km2 en 2050. A ajouter une agriculture de plus en plus consommatrice d’eau avec un rendement faible de l’ordre de 10 à 15% pour l’ensemble des provinces oasiennes.
Inefficacité
«Cependant, rien n’a été entrepris à part quelques mesures palliatives. Pire, il y a des programmes et plans, coûtant des millions de DH, qui n’ont servi à rien et dont l’impact sur le terrain est quasi inexistant. Prenez le cas de l’ANDZOA qui a été parmi les revendications de la société civile depuis l’année 2000, afin de préserver les zones oasiennes, et dont le travail via ses projets coûteux, reste sans effets palpables. Il suffit d’observer la réalité du terrain pour se rendre compte, entre autres, de l’augmentation de l’indice de pauvreté, du problème de l’eau potable et de l’irrigation, de la défaillance au niveau des infrastructures hydriques et la liste est longue. A ajouter également le nombre de près de 5.000 palmiers détruits totalement ou partiellement. Il faut noter qu’il s’agit de l’oasis de palmiers la plus dense de tout le désert marocain, avec plus de 20.000 palmiers fructueux. Et cela malgré des investissements publics de l’ANDZOA qui ont atteint 125 milliards de DH en 2021-2022. Bref, cette instance n’a pas réussi à réaliser les objectifs escomptés malgré le fait qu’elle a les moyens pour mener à bien sa mission».
Hassan Bentaleb
Dans ces régions, reconnues comme à «haut risque» par le GIEC en termes d’impact du changement climatique, les oasis sont par ailleurs des zones de production agricoles très intensives et sont aussi un relais pour les éleveurs nomades ou semi-nomades dont le cheptel des zones arides constitue 50% des ressources mondiales. Tout cela contribue à une sécurité alimentaire localisée.
Le maintien des oasis en zone hyper-aride est par conséquent la garantie du maintien du développement d’une partie de la sécurité alimentaire non substituable par d’autres systèmes de production dans ce milieu. On considère que ces écosystèmes oasiens constituent une partie de la solution à l’adaptation au changement climatique tout en contribuant à la lutte contre la pauvreté.
Source : http://climatdeveloppement.org/oasis-et-changement-climatique/