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Faillites des PME : Le gouvernement en quête d’une bouée de sauvetage face à la menace d’un naufrage collectif

Faillites des PME : Le gouvernement en quête d’une bouée de sauvetage face à la menace d’un naufrage collectif

Au moment où la mortalité des entreprises atteint des niveaux alarmants, le gouvernement se veut rassurant en tablant sur la commande publique pour sauver les PME et les TPE, dont la fédération reste sceptique. Décryptage.

 

Elles représentent plus de 90% du tissu entrepreneurial du Royaume. Les moyennes et petites entreprises ne se portent pas du tout bien et semblent étouffées sous le poids écrasant d’une conjoncture difficile. Depuis la pandémie, nombreuses sont les PME et les TPE qui résistent et qui sont plus dans la subsistance que dans le progrès. Les faillites se succèdent à tel point que ce phénomène devient pathologique et le syndrome d’un dysfonctionnement structurel dans l’économie nationale. Le sujet inquiète au plus haut niveau.

 

L’optimisme déconcertant de Younes Sekkouri

 

Interrogé à la Chambre des Représentants sur ce constat préoccupant, le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, a préféré aborder le sujet avec optimisme. D’un air serein, le ministre, critiqué par l’opposition sur son bilan en matière de chômage, voit le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. “Les entreprises nouvellement créées sont plus nombreuses en 2023 par rapport à l’année précédente”, a-t-il répondu, lundi, lors de la séance hebdomadaire consacrée aux questions orales. Younes Sekkouri a cité les récentes statistiques de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), qui a fait état de création de 24.896 entreprises au cours des trois premiers mois de l’année 2024. “Si on continue sur ce rythme, nous pourrons atteindre 99.000 entreprises”, a-t-il souligné. Selon l’Office, la création d’entreprises, telle que constatée au début de 2024, reste fort concentrée sur le commerce, le BTP et l’immobilier, avec des parts respectives de 35,06% et 18,85%. Force est de constater que l’axe Casablanca-Tanger demeure prédominant, contrairement au reste des régions du Royaume.

 

La commande publique, levier indispensable

 

À entendre le ministre, on comprend que le gouvernement parie énormément sur la commande publique pour donner une bouffée d’oxygène aux entreprises, bien que cette solution semble, pour l’instant, insuffisante pour résoudre le problème à la racine. L’Exécutif œuvre à augmenter la part des PME et TPE dans le gâteau pour atteindre 35% en 2023, selon le chiffre dévoilé par la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, qui a accompagné son camarade pendant la séance parlementaire. L’argentière du Royaume a réitéré la volonté du gouvernement d’accorder une part plus importante aux PME, qui soit digne de leur contribution à l’économie nationale. Toutefois, a-t-elle noté, le financement reste un défi pour ces entreprises en raison de leur incapacité à fournir des garanties. Selon les données de la ministre, les PME ont obtenu en 2023 des garanties de la société Tamwilcom d’une valeur de 40 milliards de dirhams. En plus, 41% des prêts accordés en 2022 ont bénéficié à cette catégorie d’entreprises, a-t-elle rappelé, sur la base des chiffres de Bank Al-Maghrib, Pour sa part, Younes Sekkouri s’est réjoui de l’accès des PME à la commande publique, dont les résultats sur l’emploi et la santé de cette catégorie mettront, selon lui, du temps à se faire sentir. “Aujourd’hui, on commence sérieusement à remédier aux problèmes liés à l’accès aux marchés publics”, a-t-il rappelé.

 

Le management des PME pose problème !

 

Dans l’esprit du ministre, les difficultés des entreprises sont dues en partie à des problèmes structurels liés à la qualité du management. “85% des porteurs de projets n’ont pas un niveau universitaire”, a-t-il fait remarquer, rappelant que ce chiffre est tiré d’une enquête nationale faite sur un échantillon de 17.000 entrepreneurs. Cette enquête a révélé également plusieurs carences en matière de formation continue.

 

Par ailleurs, le gouvernement tâche actuellement de soutenir les PME en soulageant la facture du recrutement. Sur ce point, Younes Sekkouri a mis l’accent sur la réduction des charges patronales. 40.000 entreprises ont bénéficié de cette mesure qui consiste à ce que l’Etat prenne en charge les cotisations patronales dans la CNSS. Maintenant, l’Exécutif compte aller plus loin en cherchant d’autres moyens de stimuler le recrutement au sein des entreprises.

 

 

Trois questions à Abdellah El Fergui
 

 

“Les difficultés d’accès au financement demeurent un obstacle majeur”

 

Abdellah El Fergui, président de la Confédération Marocaine des TPME, a répondu à nos questions.

 

-Comment expliquez-vous qu’il y ait autant d’entreprises moyennes qui mettent la clé sous le paillasson ?

 

Il est regrettable que de nombreuses entreprises au Maroc aient fait faillite en 2023, ce qui a eu un impact significatif sur le taux de chômage qui a atteint 13,5%, sans oublier le secteur informel qui a atteint des chiffres record avec 77,3% des postes créés au Maroc. J’estime personnellement que le nombre réel d’entreprises en faillite dépasse, en réalité, largement les 14.000, car ce nombre publié récemment n’a pas recensé les entreprises personnes physiques, dont les faillites portent le nombre total (personnes morales et physiques) en 2023 à plus 33.000 entreprises, avec 99% de TPE. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le niveau élevé de faillites. J’en cite le manque d’accès au financement, aux marchés publics et au foncier, ainsi que les retards de paiement, qui constituent des obstacles aussi bien pour les TPE/PME que pour les auto-entrepreneurs. Ce à quoi s’ajoute une conjoncture économique difficile qui joue un rôle dans la fragilité économique de ces entreprises.

 

-Vous établissez un rapport direct entre les faillites et l’agrandissement du secteur informel, pourquoi ?

 

Il est préoccupant de constater que de nombreuses entreprises qui font faillite se tournent vers le secteur informel pour continuer leurs activités ou pour en créer de nouvelles. Cela peut être dû au manque d’options viables dans le secteur formel, ainsi qu’à la flexibilité et à la résilience apparentes de ce secteur.

 

-Vous êtes très critique vis-à-vis du gouvernement qui dit, toutefois, avoir pris des mesures palpables, comme l’accès aux marchés publics, y a-t-il d’autres marges de manœuvre ?

 

Il est important que le gouvernement prenne des mesures pour soutenir les TPE-PME et les Auto-entrepreneurs, en leur fournissant un accès plus aisé au financement, aux commandes publiques, au foncier, en simplifiant les procédures administratives, en favorisant l’inclusion économique et en créant un environnement favorable aux affaires. En investissant dans ces domaines, il est possible de réduire le taux de faillite des entreprises, de stimuler la création d’emplois formels et de favoriser une croissance économique plus stable et durable.