Après la fin de la phase de correction des copies et alors que les lycéens découvrent les résultats des examens qu’ils ont passés, quels enseignements tirer des succès et des nouveautés du bac 2024 ?
Après une année scolaire mouvementée, les délibérations relatives à la session du bac marocain 2024 se sont tenues les lundi 24 et mardi 25 juin. Au moment où vous lisez ces lignes, ces résultats devraient être déjà publiés, puisque la date d’annonce était prévue pour le 26 juin 2024. Plusieurs nouveautés sont entrées en vigueur cette année, notamment l’introduction obligatoire des données de la CIN dans le processus d’identification des élèves, mais également la mise en œuvre de la numérisation électronique des copies des candidats. « Cette initiative est une garantie d’impartialité et de crédibilité des résultats puisque la copie d’examen est anonyme au moment de la correction. Cela dit, alors que cette opération technique aurait dû être réalisée par les secrétariats des examens au niveau régional, elle a finalement été confiée aux professeurs correcteurs, ce qui a alourdi leur mission puisqu’en plus de corriger, ils devaient à chaque fois scanner le code et introduire la note pour chaque copie », confie Mly Ismaïl El Filali, expert en éducation.
Examen en flux tendu
« C’est une expérience nouvelle qui comporte plusieurs avantages certes. La mise en œuvre de cette nouvelle mesure aurait cependant pu se faire dans de meilleures conditions, si elle avait été par exemple restreinte pour cette première fois dans une région pilote ou, au moins, si elle avait été précédée par une opération adéquate de formation et de préparation préalable du personnel », observe notre interlocuteur. L’effort déployé pour adopter cette nouvelle technique est d’autant plus conséquent que l’opération a concerné plus de deux millions de copies, pour lesquelles les académies régionales ont mobilisé plus de 500 personnes afin d’assurer le succès de cette démarche durant un temps restreint, avec une densité élevée d’opérations d’examen. « Cette année – et contrairement à l’année dernière où chaque pôle de filière avait passé l’examen séparément à un moment donné – l’examen s’est déroulé en même temps pour toutes les filières confondues », explique Mly Ismaïl El Filali, notant que les dates choisies ont été décalées de quelques jours au vu des retards accumulés durant l’année à cause des grèves.
Reconnecter les élèves
Afin de parer aux perturbations occasionnées, un programme national d’appui éducatif a été mis en place avec pour objectif de renforcer les acquis des élèves à travers des cours supplémentaires de renforcement et de rattrapage qui ont été organisés gratuitement au bénéfice des étudiants. « Il y a également eu une campagne d’appui psychologique des élèves, afin de les préparer davantage à passer les épreuves qui les attendaient, à travers une aide méthodologique sur la manière de réviser. Ce programme répondait à un besoin de rectifier une certaine déconnection qui a été observée chez beaucoup d’élèves après la longue période de grèves », souligne l’expert en éducation. A cela s’ajoute une campagne de sensibilisation et de prévention de la triche qui n’a pourtant pas pu éviter le drame de l’étudiante de Safi qui s’est suicidée après avoir été prise en train de tricher lors de l’examen du baccalauréat. « La campagne de sensibilisation prévoyait un rappel des sanctions punitives et éducatives prévues et l’impact potentiel sur le parcours des élèves », décrit M. El Filali.
Lister les sanctions
L’expert pointe cependant l’absence d’une référence écrite et officielle des sanctions prévues en cas de triche dans les codes des procédures en place. « Un cahier des procédures de l’organisation des épreuves du baccalauréat a bien vu le jour, détaillant les procédures et mentionnant les infractions, notamment celles qui se réfèrent à des cas de triche. Malheureusement, ce cahier ne détaille pas les sanctions et les mesures prévues. A ce jour, la décision se prend au niveau de commissions régionales de discipline. Légalement parlant, la conscientisation et la sensibilisation devraient s’appuyer sur une référence concrète des différents types de sanctions prévues afin que les élèves puissent passer leurs examens en connaissance de cause », explique notre interlocuteur. Autant de nouveautés pour cette année 2024 pour les bacheliers que de pistes concrètes d’amélioration pour cette phase névralgique du parcours scolaire qui décide souvent du futur de chaque Marocain scolarisé.
3 questions à Mly Ismaïl El Filali, expert en éducation « Obtenir un bac atteste de l’acquisition de savoirs, mais également d’attitudes et de compétences qui ne peuvent pas devenir obsolètes du jour au lendemain »
Que pensez-vous des écoles supérieures marocaines qui ferment leurs portes face aux bacs qui ont plus de deux ans ?
Franchement, je suis absolument contre cette limitation, car obtenir un bac atteste de l’acquisition de savoirs, mais également d’attitudes et de compétences qui ne peuvent pas devenir obsolètes du jour au lendemain. C’est pour cette raison que nous voyons souvent des personnes, avec des bacs anciens, obligées de refaire un bac libre afin de contourner cette règle. J’espère que les décideurs penseront à relancer la réflexion à ce sujet et, à minima, permettre aux anciens bacheliers au moins d’accéder aux concours d’admission et prouver leurs capacités.
Est-ce que le bac marocain est bien coté au niveau international ?
À mon humble avis, le bac marocain a malheureusement perdu de son lustre d’antan en partie à cause des informations qui circulent parfois sur les pratiques de triche. Cela n’a pas manqué de se répercuter négativement sur la crédibilité et la réputation du bac marocain. Cela dit, il faut saluer les efforts des divers responsables et décideurs ainsi que ceux des enseignants et personnels administratifs qui œuvrent continuellement pour que les standards de rigueur et de qualité du bac marocain puissent se maintenir et s’améliorer.
Le bac marocain n’en demeure pas moins accepté dans les Universités étrangères ?
Le baccalauréat marocain n’est pas uniquement dédié à poursuivre les études au Maroc, mais également à l’étranger. Évidemment, plusieurs pays continuent à reconnaître et à accepter le bac marocain. Cela dit, il y a d’autres pays qui exigent un certain degré d’équivalence. Ça peut passer par des attestations de maîtrise de la langue comme ça peut également parfois passer par l’obligation de faire une mise à niveau, c’est-à-dire étudier pour une certaine durée afin d’obtenir un diplôme qui permet l’équivalence du bac marocain avec le bac du pays en question.
Orientation : Vers une simplification de l’offre de filières du baccalauréat ?
Les lycéens marocains peuvent actuellement choisir parmi 35 filières différentes du baccalauréat. Cette « architecture pédagogique » est actuellement en point d’interrogation au vu de sa complexité et des difficultés qu’elle peut parfois causer. « Une commission régionale rattachée à la Direction Centrale de l’Evaluation travaille depuis un moment sur la rationalisation des filières. La réflexion entamée s’oriente vers la restauration de troncs communs, à l’image de ceux qui étaient en cours il y a quelques décennies », nous confie Mly Ismaïl El Filali, en notant que cette démarche permettra de diminuer le nombre de filières et simplifier la dynamique d’orientation pour les étudiants. « Ce changement ne va probablement être appliqué que dans une ou deux années. La commission vient de boucler le projet et procède actuellement à la phase de consultations avec les experts afin de pouvoir faire approuver une version finale pour préparer la mise en œuvre sur le terrain », conclut la même source.
Evénement : Première édition du « Grand Festival du Bachelier » à Casablanca
La 1ère édition du « Grand Festival du Bachelier » aura lieu du 29 au 30 juin 2024 au sein des locaux du Morocco Mall à Casablanca. « Cet événement éducatif qui célèbre les nouveaux diplômés du Baccalauréat 2023-2024 et leurs familles vient en exécution des Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Dans le cadre d’un système national de formation répondant aux besoins réels du marché de travail et aux exigences du développement, ce rendez-vous est en phase de devenir une tradition afin de rendre hommage à l’un des piliers de la réussite des jeunes marocains », souligne un communiqué des organisateurs qui promettent une manifestation novatrice et originale, dans la mesure où « l’approche adoptée allie bénéfice et divertissement ». Dans cette perspective, trois bacheliers d’Al-Haouz devront bénéficier de la prise en charge complète de leurs parcours universitaires par l’une des écoles partenaires. « Des dons de sang sont également au menu », précise le communiqué, ajoutant que « l’orientation post-baccalauréat de ces champions et championnes vient en tête de liste, afin d’aligner les profils aux besoins réels du marché de travail et aux exigences actuelles du développement national. Il est donc prévu que des centaines de bacheliers arrivent à maîtriser les parcours de formation supérieure offerts au Maroc et les métiers assimilés, et ce, notamment à travers le contact direct avec les établissements de l’enseignement supérieur publics et privés et de la formation professionnelle, ainsi que les entreprises qui seront sur place ».