Il y a des habitudes et des réflexes qui ont la peau dure. Et on n’y comprend fichtrement rien. Des décisions d’un temps révolu continuent à se vautrer sur le lit de l’incompréhension collective. Mais qu’on se rassure. Ici, il n’est question ni de politique, ni d’économie, ni de sport, ni d’autres harcèlements similaires. On évoque, en revanche, spiritualité et spiritualisation. Au lancement, en mars 1989, du deuxième canal télévisuel du pays, un pesant problème se pose : l’horaire de la diffusion de l’appel à la prière. Le directeur de l’antenne (Mustapha Benali) s’enferme avec le furtif directeur général (Farid Britel) pour régler cet épineux caillou glissé dans la babouche d’une chaîne se voulant moderne et novatrice. La question, d’une déconcertante simplicité, est de savoir si l’appel de la prière suit le fuseau de Rabat ou prend son indépendance en optant pour l’horaire casablancais où 2M International élit domicile. Au diable Casablanca ! Le choix tombe sur le rythme de la capitale administrative. Par peur de qui, de quoi ? Mystère… Les deux chaînes généralistes marocaines s’alignent, laissant le Casablancais tendre l’oreille au muezzin du quartier ou à la stridence de la sirène retentissant généralement en amont d’Allah Akbar pendant le ramadan. Débarque ensuite Aïd Al Fitr et là tout le monde met des Boules Quies mentales. Voilà qui ressemble à la ferveur hebdomadaire et passagère des prieurs du vendredi. Surgit ultérieurement la fête du mouton, Aïd Al Adha, ami intime de quelques ménages, les moins nantis en ligne de mire. Le jour de la Dbiha -aucun texte ne l’impose au croyantSNRT et 2M, avant/après la prière et le sacrifice d’Abraham qu’honore le roi, submergent leurs téléspectateurs de noubates andaloussias. J’aime ce genre dans lequel je suis né. Mais quoi, aucune autre couleur musicale ne représente ce beau royaume aux mille royaumes ? Comme lors de Aïd Al Fitr, c’est ce même défilé d’une musique belle et apaisante qui s’introduit, sans frapper à la porte, dans les foyers de millions de citoyens aux sensibilités diverses. Ainsi, le Maroc officiel écrase sa propre et large culture musicale. Le jour d’une fête ! Où passent les Rways, les voix de l’Aïta, la Taktouka Jabalia, la musique amazighe, les chantres de la chanson dite Aâsriya, le hassani… Que dire de plus ? Rien.