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Finances publiques vertes : Un outil-clé pour la transition écologique au Maroc ?

Finances publiques vertes : Un outil-clé pour la transition écologique au Maroc ?

Face à l’urgence climatique, le Maroc affiche une politique environnementale ambitieuse et volontariste, dont les objectifs prévoient l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, ressort-il d’une récente note de l’Ambassade de France au Maroc.

« Partie à la convention des Nations Unies sur le changement climatique (CNUCC) depuis 1995, le Maroc a nettement renforcé, au cours des dernières années, son implication dans les négociations et les initiatives internationales en matière de protection de l’environnement et d’action face au changement climatique, avec en point d’orgue l’organisation de la COP22 à Marrakech en 2016, à l’issue de laquelle le pays a adopté, en juin 2017, un ambitieux programme de «transition vers une économie verte et inclusive» : la Stratégie nationale pour le développement durable 2030 (SNDD) », souligne la note élaborée par le Service économique régional de Rabat (SERR) relevant de l’Ambassade de France au Maroc.

Cette dernière rappelle, en outre, que le Maroc a élaboré une « Stratégie de Développement Bas Carbone à l’horizon 2050 », établissant les principales orientations de l’économie et de la société marocaines en matière de décarbonation entre 2020 et 2050.

« En matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), la contribution déterminée au niveau national (CDN) du Maroc a été rehaussée en 2021 et se traduit désormais par un objectif de réduction des émissions de GES de 45,5% à horizon 2030 (objectif inconditionnel de 18,3%) par rapport au statu quo », explique la note intitulée « Les finances publiques vertes : un outil-clé pour la transition écologique au Maroc ? ».
 

La décarbonation de l’économie nécessitera des investissements massifs
Pourtant, souligne la note datée du 10 juin courant, la décarbonation de l’économie marocaine nécessitera des investissements massifs avec un rôle-clé pour le verdissement des finances publiques. « Pour le Maroc, la transition verte est à la fois un impératif (en particulier dans un contexte de stress hydrique désormais aigu et structurel) et une opportunité. En effet, fort d’un potentiel exceptionnel pour la production d’électricité renouvelable à un coût très bas, le Maroc vise non seulement à assurer la transformation de son appareil productif, mais aussi à accompagner l’Union Européenne dans l’atteinte de ses cibles de décarbonation », est-il souligné. 

La note indique, dans ce sens, que l’introduction à compter du 1er janvier 2026 du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE cristallise cet impératif de transformation pour une économie marocaine qui réalise les deux tiers de son commerce avec l’UE. 

Il pourrait s’agir d’un facteur différenciant pour les exportations marocaines face à d’autres pays de la région moins volontaristes en matière de décarbonation. « Le financement de la transition écologique constitue le principal défi macro-économique pour le pays au cours des prochaines années. La Banque Mondiale estime ainsi que la mise en œuvre de la CDN du Maroc requiert un effort financier de 78,8 Md USD sur 2020-2030, soit 7,2 Md USD en moyenne par an (ou 5,2% du PIB) », ajoute la note.

« Dans un contexte de pression sur les finances publiques liée à la mise en œuvre de grands chantiers nationaux, le rôle du secteur privé sera primordial pour réussir cette transition écologique, mais nul doute que les finances publiques joueront un rôle d’impulsion majeure », affirme la note. En effet, poursuit la même source, le taux d’investissement au Maroc est l’un des plus élevés au monde (25% du PIB) et les deux tiers sont d’origine publique. 

« En retour, les efforts marocains en matière de transition écologique permettront également de capter certains financements internationaux. A titre d’exemple, le Royaume s’est vu octroyer 1,3 Md USD auprès de la Facilité pour la Résilience et la Durabilité du FMI, dont le décaissement est conditionné à la réalisation d’un certain nombre de réformes en matière de finances publiques vertes », est-il indiqué.

De même, la note cite l’exemple de Bank-Al-Maghrib qui s’est engagée en février dernier à développer le recours aux obligations vertes, sociales et durables, avec pour objectif de diversifier ses réserves de change (en passant de 7% à 10% des réserves). « Depuis 2016, la banque centrale a déjà investi 300 M USD dans des obligations vertes émises par la Banque Mondiale (dont 200 M USD en octobre 2023) », fait savoir la même source. 
 

La fiscalité environnementale toujours absente dans le code général des impôts
S’agissant de la fiscalité environnementale, la note souligne que le Maroc est engagé dans un mouvement de réformes profondes dont l’acceptabilité sociale reste fragile. « Si le principe de pollueur-payeur est clairement cité dans la Charte de l’environnement, la notion de fiscalité environnementale n’a pas encore vu le jour dans le code général des impôts marocain, même si ce dernier ainsi que la Loi de la fiscalité locale contiennent des taxes au soubassement environnemental », relève-t-on de la note. « La fiscalité environnementale, applicable aux particuliers comme aux entreprises, se traduit sous forme de taxes directes, indirectes et de contributions ou redevances. Les dépenses fiscales peuvent aussi être intégrées au périmètre de la fiscalité environnementale et se matérialisent par des exonérations, déductions, baisses de taux ou autres subventions. Ces quatre leviers fiscaux ont été activés au cours des dernières années par un gouvernement marocain soucieux du verdissement de ses règles fiscales et douanières. La TIC (taxe sur la consommation intérieure), la TEP (taxe écologique sur la plasturgie), la réduction progressive de la TVA applicable à l’électricité provenant de sources d’énergie renouvelable constituent des mesures emblématiques d’esquisse d’une fiscalité environnementale », ajoute la note.

Elle fait de même remarquer que l’année 2024 sera marquée par une initiative majeure en termes de fiscalité avec la conduite d’une étude en vue de la mise en place d’une taxe carbone au Maroc. « La conception de ladite taxe à travers, notamment, la délimitation de son périmètre et la détermination des modalités de son application et la mesure de son acceptabilité sociale se fera en concertation avec les départements ministériels concernés, et via l’appui technique des institutions financières internationales », explique-t-on. 
 

Vers une mobilisation de l’ensemble des finances publiques vertes
Plus largement, le Maroc entend mobiliser l’ensemble de la gamme des finances publiques vertes – budgétisation et obligations vertes, commande publique durable, pilotage vert des établissements publics – pour orienter les pratiques des acteurs publics. 

« En 2023, le Maroc s’est en effet engagé avec le groupe AFD à travers un prêt budgétaire de politique publique d’un montant de 80 millions d’euros, assorti d’un programme d’assistance technique (porté par Expertise France), à orienter l’action publique sur les enjeux de transition écologique et énergétique, via notamment cinq axes de coopération : (i) budget vert, avec la création d’un rapport ad hoc annexé au projet de Loi de Finances ; (ii) intégration des considérations climatiques dans la commande publique ; (iii) développement d’un cadre d’émissions d’obligations vertes ; (iv) pilotage durable des entreprises et établissements publics ; (v) élaboration d’une taxonomie de la finance verte », détaille la note.

Les plans d’investissement des grandes entreprises et agences publiques seront les principaux vecteurs pour atteindre les objectifs de décarbonation du mix énergétique, en premier lieu le groupe OCP (2023-2027) dont le programme est doté de 130 milliards de dirhams et l’Agence marocaine pour l’énergie durable (MASEN) qui prévoit près de 8,7 milliards de dirhams d’investissements en 2024, souligne la note.

Cette réorientation globale des finances constitue donc la clé des ambitions du Maroc en matière de décarbonation de son économie, conclut-elle.