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« Hypercars » électriques. Les millionnaires hésitent

Les premières « hypercars » électriques ne rencontrent pas le succès escompté à Monaco: les millionnaires préfèrent le grondement des moteurs à essence de 1.000 chevaux, hybridés s’il le faut.

A Top Marques, le très feutré salon dédié aux voitures d’exception dans la principauté, seule une poignée de modèles a laissé tomber les V12, W16 et autres moteurs surpuissants et gloutons.

Alors que toute l’industrie automobile se tourne vers l’électrique, des constructeurs exclusifs comme Lotus, Pininfarina ou Koenigsegg ont certes lancé des modèles à batterie au cours des dernières années, avec des puissances inédites dépassant les 1.500 chevaux, et des tarifs à plusieurs millions d’euros.

Ceux-ci ont une fan: l’Australienne Alex Hirschi, connue sous le nom de « Supercar Blondie ». « On commence à voir des designs très cool! », lance l’influenceuse N°1 dans le monde de l’automobile, expliquant qu’ils sont rendus possibles par la disparition du gros moteur thermique.

Supercar Blondie présente sur son stand l’électrique japonaise Aspark Owl, qui promet une vitesse maximale de 413 km/h, et qu’elle va mettre en vente sur sa plateforme d’enchères en ligne. A Dubaï, où elle habite, elle roule dans une très silencieuse Rolls-Royce électrique.

Dans les bouchons de la principauté cependant, les Ferrari, McLaren et énormes SUV Mercedes Classe G surpassent pour le moment les quelques Tesla et autres modèles électriques.

Un des pionniers de cette niche pour ultrariches, le Croate Mate Rimac, a averti l’industrie début mai: il n’a pas réussi à vendre les 150 exemplaires prévus de sa surpuissante « Nevera » électrique.

« On a commencé à développer la Nevera en 2016/2017, quand l’électrique était cool. Mais on se rend compte qu’à mesure que l’électrification se répand partout, les gens des segments supérieurs veulent se différencier », a expliqué Mate Rimac lors d’une conférence du Financial Times.

La très exclusive marque Bugatti, que Rimac partage avec Porsche, doit d’ailleurs présenter fin juin son premier modèle hybride. Porsche, actionnaire de Rimac, mise beaucoup sur les carburants synthétiques, qui pourraient encore faire rouler longtemps ces moteurs de passionnés.

A Top Marques, l’ex-pilote Bruno Laffite explique qu’il a failli prendre le virage électrique. Mais à Monaco, il présente finalement la LM1, une version routière des voitures des 24 Heures du Mans, et hybride.

« J’ai senti que le vent tournait », explique M. Laffite. La berline avec laquelle on va chercher son pain est très bien en électrique. Mais sur une voiture avec des performances, des plus-values, les collectionneurs veulent du bruit, des vibrations, des sensations ».
Le souci de l’écologie est aussi là, assure-t-il, mais il s’agit d’abord de performance et de prestige pour ces véhicules qui ne roulent que quelques kilomètres par an.

Et si les hypercars électriques sont les voitures les plus rapides de la terre, avec un 0 à 100 kilomètres/heure en moins de deux secondes, « on voit la différence au premier virage: elles font une tonne de plus que la mienne », lance M. Laffite.

La LM1 propose donc un moteur de 1.000 chevaux, dont une petite centaine via un moteur et une batterie électriques, qui offrent cinq kilomètres d’autonomie.
« Regardez la taille des échappements, il vaut mieux avoir un peu d’autonomie électrique : on réveillerait tout le quartier en rentrant », plaisante M. Laffite.

Sur le salon Top Marques, non loin d’une Lamborghini équipée d’un faux lance-missiles, une vente aux enchères réservée aux Ferrari se prépare au rez-de-chaussée.
« Ici on peut parler de voitures thermiques sans retenue. A Monaco il n’y a pas de tabou, comme en Suisse », se réjouit un négociant français de passage.

Raul Marchisio, un vendeur de supercars italien célèbre sur le Rocher, confirme que l’hybride a ses avantages et s’impose de plus en plus chez Ferrari, McLaren ou Aston Martin.
« Le mode électrique devrait être obligatoire dans les grandes villes, il faut vivre avec son temps », lance-t-il. « D’ailleurs, avec ma Ferrari SF90 (hybride) de 1.000 chevaux, en route pour Milan, je passais à l’électrique sur les zones en travaux, à 110km/h, et à la fin je n’ai consommé que 12 litres aux 100, ça fait plaisir! »

Les clients qui lui ont acheté des hybrides s’inquiètent cependant de leur valeur de revente et du coûteux remplacement de la batterie, selon lui. « Et on nous a un peu forcés dans cette transition vers l’électrique », regrette-t-il. « Pour ma fille ce sera différent. Mais nous, passionnés de voitures, on ne peut pas vivre sans le bruit, sans l’odeur de gomme, d’huile ».