a
a
HomeActualités du NetFaut-il craindre le phénomène nommé “Temu” ?

Faut-il craindre le phénomène nommé “Temu” ?

Faut-il craindre le phénomène nommé “Temu” ?

Temu. C’est ainsi que s’appelle la nouvelle plateforme chinoise de vente de biens chic ou kitchs à des prix qui vont de la surprise au « choc »…

En un rien de temps, Temu a fait ce que les vendeurs de Derb Omar, le China Town casablancais, n’ont pas fait en plusieurs décennies. Auparavant, nous n’avons jamais vu des Chinois vendre des djellabas à 45 dirhams en quelques clics sur nos claviers ! De même, en cette période pré-Aïd, le stock de mini-barbecues à 89 dirhams est, quant à lui, déjà épuisé… Les coûts de l’entreprise sont des plus alléchants, mais à quel prix?

Dans sa foire aux questions, Temu indique que pour les achats envoyés depuis la Chine, les frais de douane et d’importation sont inclus dans le prix. Mais qu’à cela ne tienne: dans ses conditions générales, Temu stipule que ces mêmes frais sont à la charge de l’acheteur, qui est considéré comme l’importateur !

Mais c’est sur les réseaux sociaux que les consommateurs marocains disent en voir de toutes les couleurs. D’ailleurs, ils ne lésinent pas sur les qualificatifs pour dénoncer la mauvaise qualité des produits de cette plateforme, les dérapages en terme de sécurité, les problèmes de non-conformité, les longs délais de retour, etc.

Ce n’est pas tout : Temu ne fournit pas d’informations sur le vendeur, c’est-à-dire l’expéditeur des marchandises. Il est donc difficile de savoir à qui l’on achète quoi et comment la livraison est faite. Mais il n’est pas si surprenant que cela d’apprendre que Temu ne vend pas elle-même ses produits, mais met en relation des vendeurs avec des clients du monde entier. Cette pratique est monnaie courante et elle est tout à fait justifiable par la surconsommation et par la nécessité de mettre tout un dispositif de sous-traitance ad hoc. Par conséquent, en cas de problème, vous devez contacter le vendeur et non Temu…et bon courage pour le trouver !

C’est là, donc, que la galère commence : Puisqu’il n’est pas toujours aisé de savoir d’où les articles sont expédiés, par exemple, si les produits proviennent d’Asie ou de l’Union européenne, vous devez être conscient que vous serez peut-être amené à payer des droits de douane (variables et à traiter au cas par cas), de la TVA et, en sus, des tarifs d’importation supplémentaires. Les consommateurs n’en sont habituellement pas avertis et c’est une surprise très désagréable qui les attend, parfois, au tournant. D’où le risque important de perdre ses droits en tant que client en raison d’un déficit d’information.

D’ailleurs, à cause de ce chassé-croisé, sur les rapports de qualité, les internautes n’attribuent, le plus souvent, qu’une seule étoile ou deux sur l’application Temu. La clientèle non-satisfaite déplore notamment des incidents de livraison (non-livraison ou erreur de livraison), des défaillances du service de livraison lui-même, mais aussi des produits défectueux, une qualité déficiente et un manque de transparence de la part de l’entreprise.

Pour se racheter aux yeux de ses clients, l’on remarque que Temu sait très bien redorer son blason. Cela saute aux yeux lorsqu’on voit ses réductions ô combien alléchantes et l’usage des mentions « livraison gratuite », « presque épuisé » ou carrément le recours à l’incitation à travers le fameux « commandez dès maintenant ».

Toujours dans l’optique de fidéliser sa clientèle, la plateforme web et son application utilisent un compte à rebours que ses concurrents ne proposent pas forcément. Quant aux nombreux avis favorables, ils laissent perplexes face à l’absence d’étoiles de qualité de la marque dans l’Apple Store, le Play Store et le Google Store.

Or, la loi oblige la plateforme à informer les clients sur le statut du vendeur. Elle doit en particulier spécifier si le vendeur est un commerçant ou non. Il s’agit d’une information fondamentale, car les règles de protection des consommateurs ne sont applicables que si vous effectuez vos achats auprès d’un vendeur professionnel. 

Quoi que l’on dise, quoi que l’on pense de ce nouveau mastodonte de la consommation, voire de la surconsommation et du surexport, son actif, à l’écriture de ces lignes, est de pas moins de 20 milliards de dollars, ce qui est normal pour une entreprise qui créé jusqu’à 10.000 emplois à travers le globe et environ 60 milliards de commandes annuelles… Cela va sans dire, le succès de Temu est fulgurant !C’est aussi un nouvel acteur sur le marché marocain du commerce électronique : depuis juin 2023, la plateforme propose une large gamme de produits à bas prix. 

Mais qu’en est-il de la concurrence déloyale et du rayonnement des produits du terroir dans tout cela? La bonne nouvelle, c’est que face aux dérapages de Temu, l’arsenal juridique Made in Morocco promet de livrer en mode express les nouvelles conditions d’utilisation de la plateforme dans notre pays.

Houda BELABD

Temu à l’aune de la réglementation internationale
 
 
Selon le Financial Times, les Etats-Unis promettent de mener une campagne de répression si la Chine persiste à écouler et à se délester de sa surproduction industrielle de cette manière, notamment en lançant des produits à bas prix sur les marchés étrangers. Dans le cas du Maroc, et pour l’instant, les produits proposés sur le site marocain de Temu semblent provenir de sources locales. 
 
De toute évidence, le géant mastodonte de production à bas prix dit Temu se repaîtra, vaille que vaille, de l’immense marché mondial. Seulement voilà, en Europe, l’entreprise est mise en examen pour concurrence déloyale et encourt une forte sanction, c’est-à-dire une amende digne de ce nom !
 
Aussi, il y a quelques mois, la plateforme a-t-elle sorti des limbes une offre sujette à controverse au Royaume-Uni et en France : celle intitulée « un minimum de 100 euros pour l’achat de données d’utilisateurs ». Suite à la vive contestation qui s’en est suivie, la plateforme a suspendu son offre jusqu’à nouvel ordre. Il faut dire qu’avec 50 millions de visiteurs par mois aux Etats-Unis et près de 75 millions en Europe, cette marketplace en ligne est très scrutée en Europe en raison de sa politique en matière d’utilisation des données personnelles. Ce repli stratégique sur l’achat de données est motivé par la réglementation européenne concernant les plateformes numériques et les moteurs de recherche de plus de 45 millions d’utilisateurs, qui interdit par exemple la publicité ciblée et impose la traçabilité des vendeurs et autres revendeurs.

Législation : Halte aux dérapages !

Le Sénat français a récemment mis en garde les consommateurs contre les stratagèmes et les pièges que Temu utiliserait pour vendre les données personnelles sensibles de ses utilisateurs. Des experts français en cybersécurité sont même allés jusqu’à parler de l’injection par la plateforme de logiciels espions dans les ordinateurs et smartphones de ses clients.

Cette entité accuse donc l’application de collecter des informations sensibles, telles que des données biométriques et des informations sur les réseaux Wi-Fi. 

Sur le site, la politique de confidentialité de Temu est accessible, intelligible et contient des clauses valables, mais aussi d’autres plus douteuses.

Pour le moment, il nous est difficile de nous faire un avis neutre et objectif sur ce qui se trame réellement dans les coulisses de la plateforme, notamment en ce qui concerne les logiciels espions ou la collecte agressive de données à caractère personnel. Néanmoins, au vu des nombreuses plaintes, la prudence est de mise.

Au Maroc, nos experts en cybersécurité ne lésinent pas sur les conseils de prévention dans ce même contexte. Selon ces spécialistes, il vaudrait mieux favoriser l’achat sur le site web, plutôt que sur l’application, que ce soit Temu ou ses nombreux concurrents. De même, avant de télécharger l’application, il faut lire soigneusement sa politique de confidentialité. Le but en est d’avoir une idée claire sur les points relatifs à la collecte des données personnelles, voire les données bancaires. Aussi, accepter les cookies (le partage de nos informations personnelles sur un fichier interne de la plateforme) voudrait-il dire que nous n’aurons pas le droit de contester à l’avenir l’exploitation de ces mêmes données par Temu (ou ses concurrents). « Une bonne partie des tentatives de hameçonnage et de piraterie qui parachutent dans notre spam viennent des cases que l’on coche automatiquement sur les plateformes quelles qu’elles soient, tellement nous sommes pressés de finir notre acte d’inscription », alerte le programmateur Karim Hidar, avant de poursuivre: « Une autre partie des tentatives viennent des cookies que l’on accepte sans réfléchir. Pour ce qui est des chartes et des politiques des sites que l’on approuve sans lire, nous sommes responsables et d’une manière ou d’une autre, consentants de la vente et de la revente de nos données personnelles ».

Aussi, nos experts s’accordent-ils à nous conseiller de désactiver toutes les fonctionnalités de partage des données dont nous n’avons pas besoin dans les paramètres de notre smartphone, comme les services de géolocalisation. 

De même, nous devrions supprimer cette application si nous ne sommes pas sûrs de vouloir l’utiliser un jour, car cela aussi permet de transférer bien des données sur nos habitudes de consommation. Lesquelles données sont destinées à la vente par des sociétés tierces…