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Le Maroc confondu par l’indice CSI

Le Maroc confondu par l’indice CSI
Le Maroc est classé au 3ème rang dans l’Indice CSI des droits des travailleurs dans le monde. Il figure parmi les pays où la violation desdits droits est régulière. L’Indice CSI se base sur un classement des pays sur une échelle allant de 1 à 5+ en fonction de leur niveau de respect des droits des travailleurs.

Net recul

Une situation qui n’a rien de surprenant puisque ledit Indice enregistre depuis 11 ans un net recul des droits des travailleurs et des travailleuses dans toutes les régions du monde, selon le secrétaire général de la CSI (Confédération syndicale internationale). Notamment au niveau de l’Afrique dont le bilan, globalement, se dégrade un peu plus chaque année puisque le continent est passé d’une note moyenne de 3,26 en 2022 à 3,88 en 2023.
En effet, 93% des pays africains ont vu le droit de grève violé au cours de l’année passée.

Dans les mêmes proportions, des travailleurs ont été exclus du droit de constituer un syndicat ou de s’affilier à un syndicat déjà existant. Une situation liée très souvent à l’aspect informel du monde du travail, explique la CSI, mais pas seulement.

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord restent la pire région du monde pour les travailleurs et les travailleuses, obtenant une note moyenne de 4,74, soit une détérioration par rapport à celles de 4,53 en 2023 et de 4,25 en 2024. Les droits de négociation collective, de constituer un syndicat et de s’y affilier ont été bafoués dans tous les pays de la région.

La situation des travailleurs est encore pire dans les Amériques, où la note moyenne est passée de 3,16 en 2014 à 3,56 dix ans plus tard, avec seize assassinats de syndicalistes recensés, sur un total de vingt-deux depuis la parution du dernier indice. Les Amériques restent «la région la plus meurtrière» de la planète pour les travailleurs et leurs représentants.

Concernant la note moyenne de l’Europe, elle s’est détériorée, passant de 2,56 en 2023 à 2,73 en 2024, affichant une dégradation continue par rapport à sa note de 1,84 en 2014 et le recul le plus important de toutes les régions du monde au cours des dix dernières années.

Situation alarmante

S’agissant de la situation dans le monde, le rapport révèle que le Bangladesh, le Bélarus, l’Equateur, l’Egypte, l’Eswatini, le Guatemala, le Myanmar, les Philippines, la Tunisie et la Turquie demeurent les dix pires pays pour les travailleurs. Il indique également que vingt-deux syndicalistes ont été assassinés dans six pays (Bangladesh, Colombie, Guatemala, Honduras, Philippines et République de Corée) et que 12 pays, où les conditions sont très mauvaises du fait de l’effondrement de l’Etat de droit, ont obtenu la note de 5+.

Ledit rapport souligne, en outre, que le classement de deux pays seulement s’est amélioré en 2024, à savoir la Roumanie qui est passée de la catégorie 4 à la 3 et le Brésil qui a obtenu la note 4, ce qui représente une amélioration par rapport à son classement (5) de l’année dernière. A noter aussi que 13 pays ont vu leur note se dégrader (l’Arabie Saoudite, le Costa Rica, la Fédération de Russie, la Finlande, Israël, le Kirghizistan, Madagascar, le Mexique, le Nigeria, le Qatar, le Soudan, la Suisse et le Venezuela). 

Par ailleurs, le document de la CSI constate que les droits de grève et  de négociation collective ont été bafoués respectivement dans 87% et 79% des pays. Il observe également que des travailleurs sont exclus du droit de constituer un syndicat ou de s’y affilier dans 75% des pays et que les autorités ont fait obstacle à l’enregistrement des syndicats dans 74% des pays. Tout en précisant que l’accès des travailleurs à la justice était limité ou interdit dans 65% des pays; que les libertés d’expression et de réunion ont été restreintes dans 43% des pays; que des travailleurs ont été arrêtés et placés en détention dans 74 pays et que des travailleurs ont été victimes de violences dans 44 pays.

Sursaut démocratique

En commentant les résultats de ce rapport, Luc Triangle, secrétaire général de la CSI, a déclaré qu’en dépit de quelques modestes améliorations, le tableau général fait apparaître une attaque incessante à l’encontre des libertés civiles, des droits du travail et des intérêts des travailleurs et des travailleuses. Selon lui, cette situation s’inscrit dans le contexte d’une crise du coût de la vie persistante et dévastatrice, de bouleversements technologiques qui font évoluer rapidement le monde du travail et d’aggravation des conflits violents au niveau mondial dans lesquels les travailleurs et les travailleuses font face aux conséquences catastrophiques de la guerre. «Ce n’est que grâce à un mouvement réellement démocratique qu’il sera possible de faire face à ces tendances de manière durable. Un mouvement qui va au-delà des frontières et des secteurs, de l’âge et du genre, des races et des religions, doté du pouvoir, de la présence et de la responsabilité nécessaire pour modifier l’équilibre des pouvoirs dans tous les lieux de travail, pays et institutions internationales», a-t-il conclu.

Exercice difficile

Toutefois, le chercheur Rémi Bazillier soutient dans son article «Les conditions de travail dans le monde» que la comparaison entre les pays demeure un exercice difficile vu que les conditions de travail varient fortement d’un pays à l’autre. «Ces différences dépendent de multiples facteurs: historiques, culturels, politiques, sociaux et économiques. Les conditions de travail s’inscrivent dans la définition plus large des modèles sociaux au niveau national. Il est ainsi très difficile d’établir des comparaisons internationales, tant les normes sociales et les préférences collectives peuvent différer d’une société à l’autre. Une société peut, par exemple, accorder une importance particulière à son système de protection sociale, alors qu’une autre insistera davantage sur la rémunération nette», explique-t-il.

Il ajoute que le développement économique est également susceptible de jouer un rôle déterminant et que, du coup, «la thématique des normes du travail ne sera pas la même au Mali qu’en France», affirme-t-il. Et de conclure: «Prenons l’exemple du travail des enfants, phénomène encore très répandu en France au début du XXe siècle. Peut-on condamner un pays pauvre comme le Bangladesh d’avoir recours à de telles pratiques aujourd’hui? Le meilleur moyen d’éradiquer le travail des enfants dans ce pays n’est-il pas justement de permettre au Bangladesh de développer son économie et d’améliorer le niveau de revenus des ménages? Ces questions sont complexes et doivent prendre en compte l’efficacité économique, mais aussi une exigence morale et le respect des droits de l’Homme au travail.

Si la communauté internationale considère collectivement que l’embauche d’enfants n’est pas acceptable, il lui revient également de permettre aux pays y ayant recours de sortir du cercle vicieux de la pauvreté».

Hassan Bentaleb