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Rétro-Verso : Les Mérinos, de Zénata à la Sierra gaditana

Rétro-Verso : Les Mérinos, de Zénata à la Sierra gaditana

Qui l’eût cru ? Les Mérinos, ces moutons que quasiment tout le monde s’accorde à appeler «les moutons espagnols», sont bien de chez nous et ce ne sont pas les récits historiques que nous avons consultés qui prouveront le contraire. Détails.

À l’approche de la fête du Sacrifice, le mot « mouton » est sur toutes les lèvres. L’allusion est, bien entendu, faite au bétail local. Le mouton espagnol, quant à lui, est le sujet de tous les griefs. «Ses tripes sont à peine égales à celles d’une marmotte », ironisent certains d’entre nous. Mais saviez-vous qu’aux origines, cette race ovine, appelée « Mérinos » se trouvait uniquement au Maroc et en Afrique du Nord, à l’époque phénicienne ? Il s’agit, en sus, de l’une des races lainières les plus productives au monde.

En effet, en passant en revue plusieurs sources historiques ibériques, nous avons appris, sans grande surprise, que le nom de cette race est dérivé de la dynastie des Mérinides (1244- 1465), laquelle dynastie a introduit cette race de moutons à la laine foisonnante en Andalousie, où elle leur est encore attribuée de nos jours.

De même, dans les récits d’Ibn Khaldoun et d’Ibn Battuta, l’on apprend que les tribus berbères zénètes ont porté les techniques d’élevage, de tri et de reproduction du mouton à leur apogée et ont énergiquement contribué à l’essor de la race mérinos en Andalousie, et ce, des plaines de la Sierra de Cadix (appelée la Sierra gaditana) jusqu’au fin fond des champs de Séville et de Grenade. Seulement voilà, à cette époque, ces ovins étaient principalement nourris de végétaux de qualité et avaient droit à la ration nécessaire pour couvrir et assouvir leurs besoins, et ce, en fonction de l’âge du bétail, du type de production principal, de la saison et de la région dans laquelle il était élevé, comme fortement recommandé dans la Sunnah.

Ce sont, donc, ces mêmes tribus qui ont indirectement participé à l’expansion mondiale de cette race qui s’est vue, quelques décennies plus tard, faire le tour des pays limitrophes de l’Espagne, avant de percer en Océanie, en Australie et en Asie mineure (l’actuelle Turquie).

Après la chute des Mérinides, deux dynasties marocaines, à savoir une nouvelle branche de la dynastie idrisside, c’est-à-dire les Joutey (1465-1472) et les Wattassides (1472-1549) ont, elles aussi, continué à faire rayonner cette activité, mais pas pour si longtemps… En 1492, les Rois Catholiques ont annoncé l’oraison funèbre du dernier bastion musulman de la péninsule ibérique. De plus, quelques décennies après la reddition de Boabdil, le dernier sultan de la dynastie nasride, les pirates espagnols se sont mis à ravager les marchés publics marocains et pillaient un nombre non-négligeable de troupeaux de moutons de races pures, légués au Maroc par les Phéniciens et les Romains, il y a plusieurs millénaires. Ces faits ont, d’ailleurs, été répertoriés dans des récits historiques d’outre-mer dans une mesure auto-admirative. Mais grâce à la bravoure de première heure et de première ligne des vaillants pirates de Salé, de Martil et de Tamuda, ces biens étaient souvent restitués à leurs propriétaires.

Après cet épisode, la race du mouton mérinos est tombée entre les mains d’éleveurs espagnols, principalement andalous. Cette maîtrise ibérique est à l’origine du développement international non seulement de la race, mais aussi de sa laine abondante, absorbante et imperméable. Aujourd’hui, c’est à partir de cette race que l’on obtient des pulls en pure laine d’excellente qualité, vendus à prix d’or par des enseignes hautement griffées.

Par ailleurs, il importe de préciser que le mot «mérinos» est susceptible d’avoir diverses acceptions chez certains académiciens. Ainsi, selon La Real Academia Española (RAE) ou l’académie royale espagnole, (institution culturelle dédiée à la régularisation linguistique dans le monde hispanophone), le mérinos était le personnage chargé de résoudre les conflits sur ses territoires, remplissant des fonctions qui sont aujourd’hui attribuées aux juges. Il administrait également le patrimoine royal et exerçait certaines fonctions militaires. Mais, qu’on se le dise, cette définition trouve, elle aussi, ses racines dans le passé militaire phénicien en Afrique du Nord !

Rétrospective : Le rayonnement des ovins zénètes sous les Mérinides
Dynastie berbère d’origine zénète, la dynastie des Mérinides a régné au Maghreb al-Aqsa (Maroc actuel) entre le XIIIe et le XVe siècle. 

De plus, elle a exercé un contrôle occasionnel sur d’autres régions du Maghreb et de la péninsule ibérique au cours du XIVe siècle. Installés dans le bassin de la haute Moulouya depuis plus d’un siècle, ils ont servi les intérêts hégémoniques almohades dans un premier temps, avant de mettre la main sur le nord du Maroc, soit le Rif, pour la richesse de son territoire, en s’emparant, très rapidement, de Fès en 1248. 

Dès lors qu’ils ont réussi à marquer leur territoire aux confins de la Méditerranée, ils sont allés jusqu’à supplanter les Almohades, en 1269, occupant ipso facto Marrakech. 

Jusqu’en 1465, ils ont constitué un empire digne de ce nom, imposant, mais de manière temporaire, leur pouvoir sur le Maghreb et sur une petite partie de la côte andalouse.

Mais il faut dire que de leur temps, le développement et le progrès génétique des races ovines, bovines et caprines étaient à leur optimum aux portes de l’Europe.

Notons que le centre de leur empire se trouvait entre Taza et Fès, et leurs contours, qui ont changé au gré des décennies, étaient l’océan Atlantique à l’ouest, la mer Méditerranée au nord, le domaine des Abdalwadides à l’est et le Sahara au sud.

Entre 1275 et 1340, les Mérinides ont soutenu énergiquement le royaume de Grenade contre les assauts des Chrétiens, mais leur déroute à la bataille de Tarifa face à la coalition castillano-portugaise a marqué la fin de leurs interventions dans la péninsule ibérique. En 1358, le décès d’Abu Inan Faris, assailli par l’un de ses vizirs, a annoncé et amorcé le repli de la dynastie qui a été incapable de résister aux Portugais et aux Espagnols, leur laissant la voie libre pour s’implanter sur la côte avec leurs successeurs wattasides.

Textile : La laine mérinos, l’une des plus prisées dans le monde !
La laine espagnole mérinos est l’un des types de laine les plus appréciés au monde. Elle provient de la race de mouton éponyme. Bien qu’elle soit originaire d’Afrique du Nord, elle est exploitée depuis bien des siècles dans le pays ibérique.

La qualité de la laine de cette race est très convoitée. Elle est généralement destinée à la confection de vêtements de grande qualité. 

Aujourd’hui, la laine mérinos est toujours produite dans diverses régions du pays, telles que la Castille et Léon, l’Estrémadure, l’Andalousie et la Catalogne, entre autres. À l’instar de beaucoup d’autres types de laine, elle est également absorbante, imperméable et isolante.

De même, cette laine constitue l’une des fibres textiles les plus ancestrales et les plus raffinées au monde. Sa finesse, sa longueur et son ondulation caractéristique la distinguent de celles d’autres races ovines.

De plus, grâce à des associations comme Genuine, la laine mérinos est devenue une référence de pureté et de tradition à part entière. Durant plusieurs siècles, cette race a fait l’objet d’un strict monopole espagnol, son exportation était interdite et ceux qui s’y risquaient étaient punis par les lois en vigueur. 

Les cours de plusieurs nations européennes ont reçu des troupeaux au cours du XVIIIe siècle, en particulier la France (où ils étaient connus sous le nom de Rambouillet), la Hongrie, les Pays-Bas, la Prusse, la Saxe et la Suède. 

Ultérieurement, la race mérinos a connu une grande popularité dans le monde entier, surtout en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande. American Merino et Delaine Merino en Amérique, Australian Merino, Booroola Merino et Peppin Merino en Océanie, et Gentile di Puglia, Merinolandschaf et Rambouillet en Europe ne sont que quelques-unes des races, souches et variétés identifiées qui ont évolué à partir du type original, qui ruminait il y a dix siècles l’herbe des prairies marocaines.

Notons qu’un mouton de cette race peut produire quatre à cinq kilos de laine pure par an, car il s’agit d’une fibre naturelle et renouvelable. En outre, cette fibre a été mise au point au cours du temps pour maintenir le niveau de confort des moutons dans des environnements difficiles. 

Ces moutons peuvent rester confortablement à l’extérieur par des températures inférieures à zéro. C’est donc une fibre tout à fait hors du commun.

La préservation de la race mérinos est, d’ailleurs, assurée par l’Association nationale des éleveurs de mérinos (ACME), créée par le ministère de l’Agriculture en 1975, et de l’initiative d’un groupe de familles d’agriculteurs.

Historiographie : Aux origines zénaties du mérinos
Qui l’eût cru ? Le mérinos, cette race ovine espagnole qui n’a jamais autant fait parler d’elle que ces dernières années, est à l’origine une race marocaine. En fait, celle-ci tire son nom des Mérinides, car selon des récits historiques concordants et largement diffusés en terre ibérique, la tribu berbère nomade des Zénatis élevait de nombreux troupeaux de moutons, et ses chefs, qui formaient le sultanat mérinide, s’installèrent dans le sud de l’Espagne, soutenant l’émirat de Grenade, à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle. Ceux même qui ont émigré plusieurs troupeaux de cette race, connue comme la plus laineuse du monde, ont pratiqué un élevage sélectif tout au long des siècles qu’ils ont passés en Andalousie.

C’est à leur époque qu’a été améliorée l’importation de moutons d’Afrique du Nord, qui ressemblent, à quelques détails près, à certaines races typiques d’Asie Mineure (l’actuelle Turquie). Bien que d’aucuns attribuent à tort cette race nord-africaine à ce pays asiatique, plusieurs études montrent que la race mérinos est apparue en Europe bien avant le développement du commerce des ovins entre l’Espagne et la Turquie. Le mérinos est donc une race compacte au cou court et aux pattes trapues, impression renforcée par sa laine longue, fine et bouclée. Cette laine est de meilleure qualité chez les animaux élevés dans un environnement ensoleillé et légèrement sableux. La couleur de la robe est blanc cassé, sans taches, et ce n’est que dans de rares cas que les mâles arborent des cornes en spirale.

Il existe plusieurs races dérivées de cette variété. En Espagne, outre les variétés blanche et noire, il existe la Merina de Grazalema et la Merina de los Montes Universales en France, ainsi que la Merina de Rambouillet et la Merina de Precoz (également en Espagne). Le Portugal compte trois races mérinos, à savoir, la Mérina da Beira Baixa, la Mérina Branca et la Mérina Preta. Toutes ces races proviennent de l’Afrique du Nord.

Zoom-arrière : Le progrès agricole à l’aune de la conquête d’Andalousie
Malgré le progrès agricole des secteurs ovins aux confins du Vieux continent, la diversité des races ovines du Maghreb al-Aqsa (le Maroc) n›a pas été de bon augure pour la pérennité de toutes les dynasties qui se sont succédé en Andalousie.

Dans son analyse des motifs de la chute des dynasties almoravide et almohade, Ibn Khaldoun a écarté les facteurs économiques et défensifs pour se focaliser sur le surmenage physique et la surcharge morale des deux groupes sociaux à l›origine de la montée en puissance des deux royaumes berbères, les Lmontouna et les Mashmouda. Ces deux tribus berbères du sud du Maroc, miroitaient les richesses des prairies, des champs et des prés andalous où elles ont fini par s›installer avec leur bétail. Au fil des années, elles se sont fondues dans la masse, les prouesses agricoles espagnoles étant déjà compétitives à l›époque. Cependant, les fondateurs des deux dynasties et leurs descendants ont tout de même pu bénéficier du grand confort de la vie urbaine après la fin de leurs conquêtes. 

Quoi qu›il en soit, au gré des décennies, leurs protections se sont dégradées et leur puissance s›est érodée. Les effets négatifs de cette situation ont entraîné le recul de ces dynasties, malgré toutes leurs richesses réunies.

Ainsi, après trois générations, ce qui, selon Ibn Khaldoun, était l›espérance de vie de toute dynastie, les Almoravides ont cédé la voie aux Almohades qui, à leur tour, ont été chassés par les Banu Marine, une tribu nomade de l›est de la Moulouya qui avait gardé intactes toutes les qualités bédouines qui avaient fait la gloire de leurs prédécesseurs…