S’appuyant sur un savoir-faire multi-centenaire, la confection de sellerie et de fusils traditionnels fait l’objet d’un programme d’amélioration des compétences de ses artisans.
Les artisans marocains spécialisés dans la confection et la fabrication de selleries et de fusils traditionnels de Tbourida ont récemment bénéficié d’un cycle de formation préparé, organisé et coordonné entre le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie sociale et solidaire et la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, à travers le centre de formation et de qualification dans les métiers de l’artisanat à Marrakech. Ces formations se sont faites dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions du partenariat conclu entre les organisateurs pour le développement des compétences des artisans. « L’objectif est de renforcer les compétences des artisans, d’accroître leur sensibilisation au maintien de la qualité du produit conformément aux exigences du système d’utilisation de la marque collective de certification, de respecter les spécifications et d’organiser la pratique artisanale à la lumière de l’évolution des normes techniques, sociales et environnementales », souligne un communiqué du ministère.
Certification et labellisation
« L’action de certification et de labellisation de ces deux métiers est d’une importance cruciale, elle permet de valoriser ces produits et de garantir leur traçabilité et leur préservation en tant que patrimoine culturel marocain », poursuit la même source, notant que 66 artisans au niveau national ont pu bénéficier de cette formation (36 artisans de fusils traditionnels et 30 artisans de selles traditionnelles). Cette dynamique est par ailleurs positivement accueillie dans le milieu des artisans marocains dépositaires des savoir-faire en question. « C’est une initiative importante pour nous, puisqu’elle nous permet d’apprendre comment protéger notre métier et comment améliorer nos produits en suivant la bonne démarche de certification étape par étape. C’est actuellement devenu une nécessité pour développer notre métier vers le bon sens et le protéger contre la déperdition, l’altération, la contrefaçon, les intrus et les spoliateurs », confirme un artisan de la région d’El Jadida. L’effort d’accompagnement des artisans marocains est ainsi perçu par les bénéficiaires comme une garantie de sauvegarde de métiers et de savoir-faire dont certains sont pour le moins multi-centenaires.
Selles artisanales millénaires
« L’artisanat lié à la préparation de selles et de fusils traditionnels est très intimement lié à la Tbourida et à la relation avec le cheval qui est souvent considéré comme un membre à part entière de la famille du cavalier. La fabrication et la décoration de la selle traditionnelle par exemple remontent au Maroc à plus d’un millénaire, voire à deux millénaires, c’est-à-dire depuis la période romaine », souligne Abdelati Lahlou, anthropologue et enseignant-chercheur à l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP). « La fabrication de selles traditionnelles qui s’est développée hors des périodes de guerre répond à un besoin de distinction des cavaliers : distinction de la tribu elle-même, mais également distinction du cavalier au sein de son groupe. C’est ainsi que des centaines d’années durant, et à l’image d’autres objets liés au cheval et à la pratique de la Tbourida, la fabrication de la selle traditionnelle a gagné en complexité et en sophistication en faisant intervenir plusieurs savoir-faire puisque le produit final se base sur un travail du cuir bien sûr, mais également de broderie et d’incrustation utilisant divers matériaux », explique l’anthropologue.
Le maître « Znaidi »
La fabrication des fusils traditionnels qui fait appel à autant de génie créatif de la part des artisans marocains est pour sa part liée directement à l’apparition et à l’adoption des armes à feu au Maroc. « A l’image d’autres pays du monde, l’utilisation de la poudre et des armes à feu a débuté aux environs du quinzième siècle. Cela s’est fait progressivement, puisque le Maroc a d’abord commencé par importer les armes à feu avant de réaliser l’importance de construire sa propre industrie locale qui a évolué vers la maîtrise de la fabrication de la poudre noire, mais également des canons et des fusils. Cela s’est fait en plusieurs étapes et a permis l’apparition de nouveaux métiers et artisans comme le « Znaidi » ou le « Jaaibi » dont une des spécialités était la fabrication du long cylindre du fusil de sorte à ce que son utilisation soit sans danger pour le cavalier. Après les aspects fonctionnels, se sont par la suite ajouté des savoir-faire d’embellissement et de décoration de l’arme à feu et de son étui, pour donner l’artisanat que nous connaissons aujourd’hui », conclut M. Lahlou.
3 questions à Abdelati Lahlou, anthropologue « On ne peut pas protéger le patrimoine équestre sans développer des programmes d’appui des autres artisanats dont dépend la Tbourida »
Les savoir-faire liés à la fabrication des fusils traditionnels ont-ils remplacé ceux qui étaient anciennement utilisés pour les épées ?
Effectivement. Contrairement à la fabrication de selles traditionnelles, qui est pratiquée depuis des temps immémoriaux, l’adoption du fusil comme arme principale depuis l’apparition des armes à feu il y a quelques centaines d’années, que ce soit en période de guerre ou pour les besoins de parade et de Tbourida, a progressivement remplacé l’utilisation de l’épée, qui a été abandonnée. Seules sont restées les armes blanches d’appoint sous forme de poignards, comme le « Khanjar » ou la « Koumya », qui sont encore fabriquées par les artisans et portées comme ornements par les cavaliers dans certaines régions du Royaume, principalement dans le Sud.
Contrairement à d’autres régions dans le monde où l’épée s’est maintenue comme objet traditionnel symbolique, l’épée marocaine a-t-elle définitivement disparu sous nos cieux, notamment de l’attirail des cavaliers de Tbourida ?
Aux Oudayas, il est encore possible de voir une exposition d’épées anciennes, en plus d’autres éléments utilisés à l’époque par les cavaliers marocains. Actuellement, la fabrication d’épées à l’ancienne ne se fait quasiment plus puisque cette arme est tombée en désuétude, même si certains corps armés marocains la prévoient encore comme un accessoire de parade qui a plus une valeur symbolique que fonctionnelle. Dans la région du Draa, une « danse de l’épée » est cependant encore perpétuée, ce qui fait que cette arme est encore utilisée localement pour cet effet.
Quelle est votre perspective concernant la récente formation des artisans spécialisés dans la confection et la fabrication de selleries et de fusils traditionnels de Tbourida ?
On ne peut pas espérer continuer à protéger le patrimoine équestre du Maroc ainsi que les festivités et manifestations qui en découlent sans développer des programmes d’appui et de sauvegarde des autres artisanats dont dépend la Tbourida. Cela implique bien évidemment de renforcer les capacités des artisans spécialisés dans la confection et la fabrication de selleries et de fusils traditionnels. C’est donc une initiative louable de leur permettre d’améliorer les conditions de leur travail ainsi que les exigences de qualité des produits dont ils détiennent le savoir-faire.
Tbourida : Un patrimoine équestre qui concentre tous les savoir-faire
Articulés autour de la Tbourida, les savoir-faire de la sellerie traditionnelle et de la fabrication artisanale de « Mokahla » alimentent principalement les groupes et les individus concernés par ce patrimoine équestre au Maroc, c’est-à-dire : les tribus du monde rural marocain. En effet, chaque tribu compte une ou plusieurs troupes de Tbourida avec une concentration significative dans les régions de Tadla, Doukkala-Abda, Bni-Amir, Charquaoua, Lahmar, Rhamna, Bni-Ouarayn, Zemmour-Zaïr, Zayane et Bni Yznassen. On dénombre près d’un millier de troupes dans tout le Maroc. Elles réalisent des spectacles pour animer les moussems et sont 330 à participer officiellement à un championnat national annuel, composé de concours régionaux, inter-régionaux et d’une finale nationale. A noter qu’en plus des artisans et des cavaliers, les groupes et les individus concernés par la Tbourida comprennent également les éleveurs et producteurs de chevaux de race Barbe et Arabe-Barbe ainsi que les spécialistes de la santé et du soin du cheval (vétérinaires, maréchaux-ferrants, palefreniers, etc.).
Championnat : Les cavaliers de Berrechid remportent la 23ème édition du Trophée
Les cavaliers de la sorba du Moqaddem Rachid Sikas de la région de Casablanca-Settat (préfecture de Berrechid) ont remporté, à Dar Es Salam à Rabat, la 23ème édition du Trophée Hassan II des arts équestres traditionnels « Tbourida », comptant pour le championnat du Maroc seniors (27 mai au 02 juin). La médaille d’argent a été adjugée à la sorba du Moqaddem Charaf El Bahraoui de la région de Marrakech-Safi (préfecture de Marrakech) alors que la médaille de bronze est revenue à la sorba du Moqaddem Abdelghani Benkhda de la région Béni Mellal-Khénifra (préfecture de Béni Mellal). Chez les juniors, le titre a été remporté par la sorba de la région de Casablanca-Settat (préfecture de Médiouna) du Moqaddem Badr Zrizaa, suivie de la sorba de la région de Béni Mellal-Khénifra (préfecture de Béni Mellal) du Moqaddem Mohamed Gharbou et de la sorba de la région de l’Oriental (préfecture de Taourirt) du Moqaddem Youssef Sbibi. Un total de 18 sorbas a participé, quatre jours durant, au premier tour de cette compétition (seniors), organisée par la Fédération royale marocaine des sports équestres (FRMSE), dont dix se sont qualifiées pour les phases finales. Chez les juniors (12-16 ans), six sorbas ont pris part à cette compétition, représentant la région de Casablanca-Settat (Settat et Médiouna), l’Oriental (Oujda Angad et Taourirt), Fès-Meknès (Moulay Yaakoub) et Béni Mellal-Khénifra (Béni Mellal). Le champion du Maroc seniors a remporté la somme de 500.000 DH, tandis que le vice-champion a empoché 300.000 DH. La sorba classée à la 3ème place a obtenu 200.000 DH.