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Critique muselée, liberté étouffée. L’AMPS mise sur la censure

Critique muselée, liberté étouffée. L’AMPS mise sur la censure
Lors de la conférence de presse du sélectionneur  national, Walid Regragui,  à la veille de la rencontre Maroc–Zambie, un malheureux incident a éclaté entre le responsable de communication au sein de la FRMF et l’un de nos confrères journalistes. Ce dernier, s’adressant au sélectionneur, a suggéré que la sélection manquait de sérieux par rapport à la discipline observée lors de la Coupe du monde 2022.

Une remarque sans doute piquante, mais qui n’était pas dénuée de pertinence, puisqu’elle a, bel et bien, été confirmée par les réactions des joueurs remplacés en  cours de jeu. Leur grande colère et leur révolte manifeste contre les décisions de leur entraîneur illustrent un problème de discipline flagrant.

Un tel comportement serait inconcevable dans leurs clubs respectifs, où les règles et le respect de l’autorité du coach sont strictement appliqués. Si, d’une part, cette situation souligne un manque de professionnalisme qui mérite d’être examiné de près, elle justifie, d’autre part, pleinement la question soulevée par ledit journaliste.

Sauf que durant cette conférence, le chargé de communication, avec la délicatesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, a sèchement interrompu le journaliste lui intimant de garder ses opinions pour lui. «Les conférences de presse sont faites pour poser des questions. Rien de plus», a-t-il notamment infligé à notre confrère.

Il est regrettable de voir qu’un responsable de communication, censé faciliter le dialogue, choisisse plutôt de le museler. Et ce que l’on semble oublier ici, c’est que les conférences de presse sont censées être des espaces de libre expression, des lieux où les journalistes, loin d’être des automates programmés pour poser des questions anodines, représentent des interlocuteurs critiques, prêts à mettre en lumière les vérités souvent enfouies sous les tapis de la bienséance.

Il faut dire que nous avions initialement décidé de ne pas nous immiscer dans cette polémique espérant que le bon sens l’emporterait. Cependant, un communiqué de l’Association marocaine de la presse sportive (AMPS), rédigé avec une surprenante maladresse et une regrettable tendance autoritaire, ne nous laisse guère le choix. En décidant de défendre l’indéfendable et de soutenir des pratiques répressives, l’Association nous contraint à dénoncer publiquement cette dérive inquiétante. Parce qu’il est impératif de rappeler que la liberté de la presse et le droit à la critique, même lors d’une conférence de presse, sont les pierres angulaires du journalisme. Des valeurs essentielles que l’AMPS semble avoir lamentablement négligées.

Si l’on peut, à la rigueur, accorder des circonstances atténuantes au chargé de communication de la FRMF, pris dans le feu de l’action et ayant réagi à chaud, il est, en revanche, absolument inexcusable que l’AMPS ait émis un communiqué de presse aussi maladroit et mal conçu, deux jours après l’incident initial.

Avec le recul et le temps qu’elle s’est accordée pour reconsidérer les faits, l’Association avait l’opportunité de corriger la situation et de défendre les principes fondamentaux de la liberté de la presse. Au lieu de cela, elle a choisi de persister dans une posture autoritaire et infondée, trahissant sa mission première et révélant une déconnexion profonde avec les valeurs de transparence et d’intégrité journalistique qu’elle est censée promouvoir.
Une telle démarche, loin d’apaiser les tensions, ne fait qu’aggraver le malaise et jeter une ombre sur la crédibilité de toute la profession. Elle reflète également une incapacité flagrante à comprendre le rôle fondamental du journalisme dans une société démocratique.

Faut-il rappeler à l’AMPS qu’il existe en journalisme ce que l’on appelle «question implicite», qui peut se manifester sous forme de description ou d’opinion. Lorsque notre confrère a évoqué le manque de sérieux, il ne faisait pas une déclaration définitive, mais tendait une perche à Regragui, lui offrant l’opportunité de clarifier, justifier ou même démentir ce prétendu manque de sérieux chez certains de ses joueurs. Mais au lieu de cela, nous avons eu droit à une démonstration de pouvoir mal dirigée, où l’interruption brutale du journaliste a étouffé une sérieuse opportunité de dialogue constructif.

Peut-être devrions-nous rappeler également que la critique est une chance de s’améliorer, non une menace et que les conférences de presse, loin d’être des parades orchestrées, devraient être des espaces de dialogue honnête et ouvert. Alors justement, il ne s’agit pas seulement de protéger les droits des journalistes, mais également de protéger le droit du public à être informé de manière honnête et transparente. Le sport, comme toute autre sphère de la vie publique, doit être ouvert à la critique et au débat. C’est ainsi que nous progressons et que nous nous améliorons.

En adoptant cette voie répressive, l’Association marocaine de la presse sportive non seulement sape sa propre légitimité, mais elle renforce également une culture de la complaisance et de l’autoritarisme. En faisant le choix délibéré de se transformer en un instrument de contrôle, elle trahit non seulement ses propres principes mais aussi la confiance du public et des journalistes qu’elle prétend représenter. Parce qu’une association de presse doit, avant tout, être le garant intransigeant de la liberté d’expression. Un défenseur ardent de la vérité et un opposant farouche à toute forme de censure.

Il est temps pour l’Association de réévaluer ses priorités et de se rappeler sa véritable mission. Plutôt que d’alimenter la méfiance envers les institutions sportives et médiatiques, elle devrait  se battre ardemment pour que le journalisme sportif puisse être exercé sans entraves, dans un environnement où la critique est non seulement tolérée mais fortement encouragée. Chaque fois qu’un journaliste est muselé, chaque fois qu’une critique est étouffée, c’est un coup porté à la crédibilité de la presse et à la transparence du sport.

La vraie question est donc la suivante : l’AMPS va-t-elle continuer à promouvoir une culture de silence, ou va-t-elle enfin se réveiller et embrasser les valeurs fondamentales du journalisme ? Il est temps de choisir. Car en étouffant la voix des journalistes, c’est la voix de la vérité que l’on fait taire. Et sans vérité, il ne reste que la propagande.

Mehdi Ouassat