La guerre entre les taximen et les chauffeurs de VTC a atteint son paroxysme, au point de mettre la vie des usagers en danger. Si la tutelle aspire à réguler l’activité des chauffeurs de VTC, les taxis, eux, menacent d’escalade.
L’incident survenu en mars dernier à Casablanca montre, d’ailleurs, à quel point le compromis est difficilement atteignable pour l’instant. En effet, une violente altercation entre un taximan et un conducteur de VTC a causé d’importants dégâts matériels des deux côtés. Cet affrontement, documenté et largement diffusé sur les réseaux sociaux, a également mis en danger une cliente qui, prise de panique, s’est mise à crier à bord du VTC en pleine scène de violence.
Ce type de conflit n’est pas isolé et reflète un climat de tension croissante entre les chauffeurs de taxi traditionnels et les conducteurs travaillant pour des plateformes de réservation de voitures, qui connaissent un succès croissant auprès des utilisateurs. Les chauffeurs de taxi, eux, s’opposent fermement à cette concurrence, estimant qu’elle menace leur profession. Toutefois, pour les professionnels, ces actes sont tout à fait légitimes. “Au moment où les chauffeurs de taxi luttent en silence contre la cherté de la vie et le coût élevé du carburant, les chauffeurs de VTC opèrent dans leur temps libre, sans obligations précises, menaçant ainsi notre gain-pain”, déplore un taximan exerçant à Rabat, sous couvert d’anonymat.
En plus de la concurrence intense, les taximen dénoncent l’illégalité de l’activité des chauffeurs de VTC. “Celle-ci reste illégale tant qu’elle n’obéit pas aux conditions en vigueur, telles que l’obtention d’un agrément ou d’une autorisation préalable, au même titre que les taxis”, déclare Abdessadek Boujaar, Secrétaire général du syndicat des taxis de Casablanca. Selon Boujaar, cela fait que les chauffeurs utilisant des applications ou des communications directes sont des “transporteurs clandestins” plutôt que des professionnels de transport.
Il estime que l’autorisation de cette activité par les Marocains risque de créer de l’anarchie dans le secteur du transport en commun, mettant en danger la sécurité publique. “Le chauffeur de VTC n’a qu’une simple attestation d’assurance, pas une assurance de transport en commun qui protège les droits des passagers en cas d’accident”, argumente-t-il, faisant valoir sa profession. Pour ces raisons et d’autres, les chauffeurs de taxi rejettent toujours l’activité des VTC et toute tentative de réglementation en ce sens.
D’ailleurs, la régulation des VTC implique impérativement une refonte des textes de loi en vigueur pour intégrer ce nouveau mode de transport, ce qui est peu probable, voire exclu, selon Boujaar.
Ce rejet catégorique intervient alors que les taxis sont toujours sous le feu de critiques du fait de la détérioration de leurs services et le comportement inacceptable de certains chauffeurs. “Certains refusent de se rendre à certaines destinations ou de transporter plus de deux personnes pour une seule course, sans parler des tentatives d’arnaque et même de harcèlement”, se plaignent certains passagers, qui préfèrent réserver une course plutôt que de prendre un taxi ordinaire.
Conscients de ces critiques, les syndicats de taxis promettent d’améliorer le service pour répondre aux nouvelles attentes des clients. En effet, certains professionnels commencent à se servir des applications de communication directe pour faciliter la vie des passagers, espérant une adoption généralisée à l’avenir. “Un effort de formation et d’auto-habilitation est également en cours pour mettre fin aux comportements non professionnels de certains chauffeurs envers les clients”, affirme Abdessadek Boujaar, soulignant que le service des taxis connaîtra une transformation majeure grâce à la technologie.
Malgré les récents efforts de modernisation des services par les chauffeurs de taxi, les défenseurs des droits des consommateurs insistent sur l’établissement d’un cadre légal pour les VTC, en tant que nouveau mode de transport. « Cette réglementation est l’un des projets les plus importants du secteur des transports que les décideurs devront aborder à l’avenir pour offrir aux passagers, qu’ils soient marocains ou étrangers, des options de transport diversifiées, fiables, sûres et de qualité », explique Ouadie Madih, président de la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC).
Selon lui, les taxis et les VTC s’adressent à des clientèles distinctes avec des attentes différentes, et la réglementation ne devrait pas affaiblir l’activité des taxis, qui sont un élément incontournable du paysage urbain. Pour Ouadie Madih, l’idée est simple : dans un contexte de forte demande de mobilité, il est essentiel de fournir aux consommateurs plusieurs options, leur permettant ainsi de choisir ce qui correspond le mieux à leurs besoins et à leurs moyens.
Pour ce faire, le gouvernement devrait absolument réussir à réunir les deux parties prenantes. Du côté des entreprises de VTC, elles affirment être entièrement prêtes à collaborer avec les autorités en vue de mettre en place un cadre légal adapté à cette activité, soulignant que la réglementation de ce secteur permettra de réduire les tensions entre les taximen et les chauffeurs opérant avec les entreprises de VTC et potentiellement réduire le prix du transport et augmenter les revenus des chauffeurs en permettant au marché de se développer de manière organique.
“Nous prévoyons de participer à des pourparlers pour trouver la meilleure approche qui convienne à toutes les parties prenantes : autorités, population, taxis, transports publics et transport à la demande”, souligne Max Osipov (InDrive).
Actuellement, rien n’empêche les chauffeurs de travailler dans ce cadre, à condition d’obtenir une autorisation de la Wilaya avec des directives claires. Cependant, nous continuons à dénoncer les pratiques des « transporteurs clandestins » qui font concurrence aux chauffeurs de taxis sur le terrain. Par conséquent, je ne peux pas garantir que les deux parties puissent exercer leur activité de manière normale au Maroc. Cela est tout simplement inacceptable.
Les taximen ont-ils peur que leur activité soit remplacée par celle des VTC ?
Le Maroc s’apprête à abriter des événements internationaux phares, tels que la Coupe du Monde de football en 2030. Comment les taximen envisagent-ils d’améliorer leur service dans ce contexte ?
Il est vrai qu’il y a une forte demande en raison de la crise du transport, des besoins croissants de mobilité et de la détérioration de la qualité des services offerts par les taxis. Il est donc normal que les citoyens cherchent de nouvelles alternatives comme les VTC, sans exiger des conditions strictes de sécurité et d’autorisations.
Comment pensez-vous que la réglementation des VTC pourrait-elle influencer vos activités ?
Comment envisagez-vous de participer à l’évolution de la législation marocaine afin de garantir un cadre légal et sécurisé pour votre entreprise et ses conducteurs partenaires ?