Orpo souhaite suivre l’exemple britannique en cherchant à développer, selon lui, «la coopération avec ces pays pour voir s’ils peuvent prendre en charge cette procédure d’asile».
L’impensable et l’inacceptable
Saïd Machak, enseignant-chercheur en droit international sur la migration et l’asile, nous a déclaré que le Maroc ne peut pas accepter l’accueil de telles personnes. Selon lui, l’idée de créer des bureaux d’examen des demandes d’asile dans des pays tiers est inacceptable et impensable. D’autant que cette mesure est en contradiction avec l’article 31 de la Convention relative au statut des réfugiés, qui instaure le principe d’immunité pénale et de restriction minimale des déplacements des demandeurs d’asile. Ainsi que l’article 32 qui stipule que «les Etats contractants n’expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public», soulignant que l’expulsion dudit réfugié n’aura lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à la procédure établie par la loi.
L’article 33, de son côté, indique qu’aucun des Etats contractants n’expulsera ou refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières de territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.
Le libre choix
«Le droit d’asile est basé sur la rupture de la relation entre le demandeur d’asile et son pays d’origine. Ce qui signifie qu’une fois cette personne entrée dans un autre pays, les autorités de ce dernier doivent mettre en place des mesures de protection internationale et ne pas chercher à l’envoyer vers un pays tiers», a affirmé Saïd Machak. Et d’observer que «le principe de non-refoulement est souvent enfreint par l’UE à travers le système Dublin, qui répartit les demandeurs d’asile entre les pays européens selon des critères rigides, ne tenant pas compte de leurs préférences. Pire encore, cette répartition leur est imposée de force, engendrant des situations de désespoir à travers toute l’UE. Le demandeur d’asile doit avoir la possibilité de choisir par lui-même son nouveau pays d’accueil, et ne pas être placé dans un territoire fixé au préalable par l’Etat où il cherche une protection internationale».
Une route stratégique
Comment expliquer le choix du Maroc par la Finlande et auparavant par le Royaume-Uni ? «Le choix du Maroc et de l’Albanie découle en fait de la position géographique importante de chaque pays sur la carte des routes migratoires. Le Maroc s’est transformé au cours des dernières années en une route migratoire importante, notamment pour les flux en provenance du Sahel», nous a répondu notre interlocuteur. Et d’expliquer: «Pour notre pays, l’idée de créer des bureaux d’examen des dossiers des demandeurs d’asile au Maroc reste inimaginable, car elle risque d’être un appel d’air pour des milliers de migrants et le coût d’une telle opération pourrait doubler.
Aujourd’hui, le projet migratoire des migrants se solde soit par un passage réussi vers l’Europe, soit par un échec (retour au pays d’origine). D’autres finissent par s’installer au Maroc. Mais, dans le cas de création de bureaux d’examen des demandes d’asile, les personnes déboutées risquent de rester sur le territoire national, notamment dans un contexte mondial marqué par la hausse des flux de migrants et de réfugiés. Il y a donc un coût humain et matériel important que l’Etat n’est pas prêt à payer ».
Un système national d’asile
Toutefois, une question s’impose: Le Maroc a-t-il besoin de mettre en place un système national d’asile ? «Un système d’asile efficace et transparent est un point fort pour n’importe quel pays, car c’est grâce à ce système qu’on peut distinguer les demandeurs d’asile et réfugiés des migrants, ce qui permet à n’importe quel Etat de gérer le dossier de la migration de manière plus convenable.
L’importance de ce système réside aussi dans la capacité des Etats à respecter leurs engagements internationaux», a fait savoir Saïd Machak. Et de préciser : « Le Maroc a besoin d’un tel système, car s’il en disposait déjà, il aurait réglé le dossier de plusieurs migrants en séjour irrégulier. À noter, à ce propos, qu’il y a divergence entre le nombre des demandeurs d’asile présenté par le HCR Maroc (Haut-Commissariat aux réfugiés) et celui émanant des autorités marocaines.
Car toute personne fuyant la famine, les épidémies, les guerres ou les persécutions n’est pas automatiquement considérée comme réfugiée par le Maroc. Et ce malgré le fait qu’elle soit reconnue comme telle par le HCR, qui dispose d’un mandat large. La pratique du BRA (Bureau des réfugiés et apatrides) a démontré qu’il y avait une grande souplesse dans la mise en œuvre des normes permettant l’octroi du statut de réfugié. Il y a plusieurs personnes qui ont bénéficié de ce statut alors qu’elles ne remplissent pas les critères requis par la convention de Genève ».
Un état des lieux qui exige aujourd’hui, selon notre source, la mise en place d’un système d’asile, avec des procédures claires et efficaces, fonctionnant comme un tamis, afin de faire le tri entre les demandeurs d’asile et les migrants.
Hassan Bentaleb