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Laissés pour compte. Le cri de cœur de ces milliers de retraités oubliés d’ un dialogue qui se dit social

Laissés pour compte. Le cri de cœur de ces milliers de retraités oubliés d’ un dialogue qui se dit social
 «Nous estimons que les retraités sont exclus et marginalisés du dialogue social. Leur voix ne semble compter ni pour le gouvernement ni pour les syndicats participant aux rounds de négociations. Alors qu’il s’agit d’une catégorie sociale qui endure une situation sociale et économique déplorable». C’est ainsi qu’Abdelaziz Skalli, président de l’Association des anciens fonctionnaires du ministère de la Communication, affiliés à la Fédération nationale des associations des retraités et personnes âgées au Maroc (FNARPAM), a décrit la place des retraités dans ledit dialogue.

Exclusion

Une situation qui suscite, selon lui, plusieurs interrogations. «Le dialogue social ne concerne-t-il que les personnes actives? Cette catégorie sociale n’a-t-elle pas été elle aussi touchée dans son pouvoir d’achat par l’inflation et l’envol des prix, notamment les personnes qui touchent des pensions de misère (1000 DH)? Pourquoi les retraités sont-ils exclus des hausses des salaires? Pourquoi n’y a-t-il pas de reconnaissance envers ces personnes  alors que la société marocaine a toujours fonctionné comme une société de solidarité et d’entraide? Et qu’en est-il de l’Etat social et de ses effets sur les retraités?», s’est-il demandé.  Et d’affirmer : « Bref, le retraité subit une injustice alors que sous d’autres cieux, il est mieux traité».

Marginalisation

Des critiques que partage un communiqué de la FNARPAM, publié dernièrement, qui souligne l’absence de l’avis et des propositions des retraités ainsi que leurs aspirations dans les issues du dialogue social. Alors que ces personnes vivent une situation jugée « déplorable» du fait « du gel de leurs pensions et du manque d’attention à leurs conditions matérielles, sanitaires et sociales qui se sont détériorées en raison du coût élevé de la vie, d’une part, et de pensions maigres et statiques, d’autre part ».

La même source indique que les affiliés à la FNARPAM considèrent « ce qui s’est passé comme une marginalisation délibérée de la catégorie des retraités et une violation de leurs droits ». Ce qui ne contribue pas, selon eux, « à asseoir les piliers de l’Etat social prôné par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en raison de l’absence de volonté politique de la part du gouvernement de rendre justice à tous les citoyens sans discrimination conformément aux dispositions constitutionnelles inscrites dans la Constitution de 2011».

Précarité

Que proposent les personnes retraitées? «Il faut d’urgence revoir le taux des pensions et mettre en place une politique globale et transversale», nous a fait savoir Abdelaziz Skalli. Et de poursuivre : « Il est inconcevable que des personnes en âge avancé touchent des pensions précaires alors que dans d’autres pays, elles sont de loin mieux rémunérées. A noter que ces retraités ne demandent pas uniquement des hausses des pensions mais également des mesures et programmes relatifs au transport, au tourisme, à l’art et à la culture. Des propositions qui restent aujourd’hui des vœux pieux puisque ni le gouvernement El Othmani ni celui d’Akhannouch n’ont donné suite à nos revendications plusieurs fois transmises par le biais de lettres adressées à l’Exécutif».

Insuffisances

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a déjà constaté que « le taux de couverture sociale (retraites) atteint à peine 33% de la population active, soit 3,4 sur 10,5 millions d’actifs. En 2011, seules 18,4% des personnes âgées bénéficiaient d’une pension de retraite, dont 28,6% en milieu urbain et 3,9% en milieu rural, (33% des hommes et uniquement 4,5% des femmes).

Sur un autre registre, le CESE explique qu’«au décès de l’affilié, l’épouse perçoit 50% des droits de pension du défunt. En cas de pluralité des veuves, la pension est divisée à parts égales entre elles. Toutefois, le conjoint qui se remarie perd définitivement son droit à la pension. Un fait qui pénalise l’exercice d’un droit légitime. En plus, pour que la femme veuve perçoive sa part de pension en tant qu’ayant droit, il faut que le mariage avec l’affilié ait été conclu au moins deux ans auparavant. Une condition qui risque de priver les femmes récemment mariées et n’ayant pas procréé d’enfants de leur part de pension. Mais en cas de procréation d’un enfant, ou plus, cette dernière condition n’est pas exigée ».

En outre, signalons que dans le cadre des régimes de retraite de la Caisse marocaine de retraite (CMR) et de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), les pouvoirs publics avaient, en 2012, fixé à 1000 DH le montant minimal de pension. Ce minimum vieillesse fut, dès lors, repris et pratiqué par le Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR).

Vieillissement

A rappeler que « seules 39,2% des personnes âgées de 50-59 ans planifient leur retraite. On constate que les femmes sont plus nombreuses à avoir planifié leur retraite que les hommes (respectivement 50,3% et 24,4%) que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain ».

Pour beaucoup, le revenu mensuel diminue avec la retraite, notamment pour les personnes dont le nombre d’années d’activité était réduit. Cette situation fait que beaucoup de personnes âgées restent en activité lorsqu’elles le peuvent, pour des considérations uniquement financières.

Durant ces dernières années, le rapport actifs cotisants / bénéficiaires s’est inversé. Les données de la Direction des assurances et de la prévoyance sociale montrent que, si en 2005, 3,13 personnes en moyenne contribuaient au revenu d’un seul retraité, ce rapport était de 5,80 en 1993 et de 15 actifs pour un retraité en 1980.

La proportion des actifs cotisants aux principaux régimes de retraite (CMR, CNSS, RCAR, CIMR) a évolué à un rythme moins rapide que celui des bénéficiaires. En effet, «si la population cotisante aux principaux régimes de retraite a enregistré, au cours des 13 dernières années (1993-2005), un accroissement annuel moyen d’environ 2,05%, l’effectif des bénéficiaires a crû en moyenne pendant la même période de près de 6,82 %».

Alors que « le niveau des cotisations des différentes caisses baisse continuellement depuis 2005 pour atteindre 3,2% du PIB en 2009, celui des dépenses s’est accru progressivement pour atteindre 2,9% du PIB en 2009». C’est ainsi que l’excédent financier global de l’ensemble des caisses est passé de 0,95% du PIB en 2005 à 0,33% en 2009.

Au regard du processus de vieillissement de la population marocaine, l’âge de retraite à 60 ans s’avère inadéquat pour la viabilité des régimes de retraite au Maroc, notamment quand on prend en considération l’augmentation de l’espérance de vie moyenne à la naissance, l’accroissement rapide de la population des retraités et la diminution des actifs cotisants due à la stagnation relative des recrutements, au chômage et à la faiblesse de la couverture des actifs occupés.

Hassan Bentaleb