L’hydrocortisone est un glucocorticoïde, analogue synthétique du cortisol, une hormone produite naturellement par les glandes surrénales et essentielle pour réguler le métabolisme, la réponse immunitaire et la pression artérielle. En cas d’insuffisance surrénalienne, ces glandes ne produisent pas suffisamment de cortisol, les patients atteints de cette maladie doivent alors prendre de l’hydrocortisone de manière quotidienne pour compenser cette carence et maintenir un équilibre hormonal vital. Sans ce traitement, les patients risquent des crises surrénaliennes, une urgence médicale potentiellement fatale.
Les raisons de cette pénurie sont multiples. Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement mondiale, exacerbées depuis la pandémie de COVID-19, ont ralenti la production et la distribution de nombreux médicaments, y compris l’hydrocortisone. De plus, des problèmes de régulation et de gestion des stocks au niveau national ont aggravé la situation.
Face à cette crise, des voix s’élèvent pour appeler à des actions urgentes et exiger une meilleure gestion des stocks et des importations, ainsi que la mise en place de mesures pour éviter de futures pénuries. «Nous avons besoin d’une stratégie nationale claire pour assurer l’approvisionnement continu de médicaments vitaux comme l’hydrocortisone», souligne un endocrinologue casablancais qui a requis l’anonymat.
Il a également mis en lumière les conséquences graves de cette pénurie pour les patients atteints de maladies surrénaliennes. «L’absence de traitement par cortisone provoque une détérioration significative de l’état de santé des patients. Cela commence par une fatigue extrême et une incapacité à travailler, suivies de perturbations hormonales supplémentaires dans le corps. Cela peut également entraîner une augmentation de la pression artérielle et du taux de sucre dans le sang», a-t-il expliqué. Et d’ajouter : «Nous sommes confrontés à une situation sans précédent. Nous devons souvent improviser avec des solutions temporaires, qui ne sont pas toujours efficaces et peuvent avoir des effets secondaires graves». «Le manque d’hydrocortisone est une véritable bombe à retardement», a-t-il martelé.
Amina, 34 ans, témoigne de son calvaire. «Depuis plusieurs semaines, je suis en quête incessante de mon traitement. Chaque jour, je vis dans la peur de ne pas trouver ma dose d’hydrocortisone. Cette angoisse constante affecte ma santé mentale et physique. C’est un cauchemar sans fin», nous raconte-t-elle.
Un autre patient a confié à nos confrères de Hespress que l’absence de ce médicament crucial expose les malades à des risques de santé graves, et entraîne malheureusement la perte de vies humaines chaque jour. «Quand nous avons interrogé le ministère de la Santé, il nous a été confirmé que le médicament ne sera pas réintroduit sur le marché et que nous devions chercher des alternatives à l’étranger. Cependant, cette solution n’est pas accessible à tout le monde», a-t-il déclaré.
Certains patients qui vivent dans une angoisse permanente ont tenté de se procurer le médicament à l’étranger, mais cette solution n’est ni viable ni accessible à tous. «C’est une course contre la montre», estime Nadia, mère d’un enfant atteint d’insuffisance surrénalienne. «Nous ne savons pas comment nous allons tenir si la situation ne s’améliore pas rapidement», a-t-elle précisé. Et d’ajouter : «Nous en appelons donc aux associations et à toute personne à même de nous aider à obtenir ce médicament». «La vie de nos proches est en danger et nous avons besoin de votre soutien urgent», a-t-elle conclu.
Il faut dire que cette pénurie fait partie d’un problème plus vaste touchant de nombreux autres médicaments sur le marché national. En mars dernier, environ 1.200 médicaments, représentant 19,3% des 6.211 références disponibles, ont disparu des étagères des pharmacies.
Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé et de la Protection sociale, a abordé la question lors de la séance des questions orales à la Chambre des représentants le 6 mai courant. Il a attribué la pénurie de certains médicaments aux perturbations sur le marché mondial depuis 2022, exacerbées par la pandémie de COVID-19, qui a entraîné une pénurie de matières premières et des problèmes de distribution. Il a également mentionné des problèmes liés aux fabricants, aux entreprises importatrices et au marché intérieur.
Toutefois, il a insisté sur le fait que ce phénomène n’était pas propre au Maroc.
Mais malgré les promesses et les déclarations rassurantes du ministère de la Santé, les patients atteints de maladies surrénaliennes au Maroc continuent de souffrir d’une pénurie inacceptable de l’hydrocortisone, révélant des failles profondes dans la gestion de la santé publique.
Le manque de réactivité et de planification du ministère face à cette crise met en lumière une incapacité à anticiper et à gérer efficacement les pénuries de médicaments essentiels. Les procédures bureaucratiques lourdes et la lenteur des démarches administratives exacerbent la situation, laissant des milliers de patients dans une situation désespérée.
Cette situation critique souligne l’urgence de réformer les politiques d’approvisionnement et de distribution des médicaments. Il est impératif que les autorités prennent des mesures décisives pour sécuriser les stocks de médicaments essentiels et garantir un accès continu aux traitements vitaux pour les patients. Seule une réponse coordonnée et proactive permettra de surmonter cette crise et d’assurer la santé et la sécurité des citoyens marocains à l’avenir.
Pour le spécialiste d’endocrinologie approché par Libé, «il est impératif que des mesures immédiates soient prises pour garantir l’approvisionnement adéquat en hydrocortisone». Notre interlocuteur recommande vivement l’accélération des procédures d’importation de médicaments essentiels, en simplifiant les démarches administratives et en éliminant les obstacles bureaucratiques qui entravent également l’arrivée de ces traitements vitaux sur le marché. «De plus, il est essentiel d’explorer de nouvelles sources d’approvisionnement en diversifiant nos partenariats avec des fournisseurs internationaux. Cette diversification réduira notre dépendance à un petit nombre de fabricants et renforcera notre capacité à faire face à d’éventuelles pénuries à l’avenir», ajoute-t-il, avant de conclure : «Les spécialistes préconisent vivement la promotion de la production locale de médicaments essentiels. Encourager et soutenir l’industrie pharmaceutique nationale garantira une plus grande autonomie et une meilleure résilience de notre système de santé».
Mehdi Ouassat