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Comment compenser son bilan carbone en finançant des poêles de cuisson en Afrique

Quatre milliards de dollars par an d’ici 2030: c’est ce qu’il faudrait pour remplacer les foyers de cuisson traditionnels dans les pays en développement par des systèmes moins énergivores et nocifs pour la santé. Un outil, pour l’instant imparfait, pourrait aider à mobiliser ces financements: les crédits carbone.

« Sans les marchés carbone, l’objectif de 2030 sera difficile à atteindre », affirme-t-on à l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui réunit à Paris gouvernements, institutions, entreprises et organismes de financements pour un sommet sur les modes de cuisson propres.

Quelque 2,3 milliards de personnes, principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du sud, dépendent pour cuire leurs aliments de systèmes rudimentaires, souvent trois pierres autour d’un foyer, qui brûlent du bois, du charbon de bois ou des bouses.

Outre la fumée, qui provoque environ 3,7 millions de morts prématurées par an en raison des particules rejetées dans l’air, leur utilisation est responsable de près de 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon une étude de référence publiée dans Nature Climate Change.
Les émissions proviennent d’une part de la combustion mais aussi de la déforestation entraînée par le ramassage de bois dans des zones en tension.

De nombreux projets, publics ou privés, visent à remplacer ces foyers de cuisson par des cuisinières ou des mini-poêles plus efficaces, c’est-à-dire plus fermés dans le but de dissiper moins de chaleur et utiliser moins de combustible (charbon, bois, fioul), tout en réduisant les fumées nocives; voire par des systèmes fonctionnant avec des sources d’énergies plus « vertes » (électricité, biogaz, bioéthanol, granulés).

Le coût d’un de ces mini-poêles est de quelques dizaines de dollars, inabordable pour les plus pauvres

Plus de 1.300 de ces projets, la plupart en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, ont permis ces deux dernières décennies de générer des crédits carbone — un crédit équivalant à une tonne de CO2 retirée ou empêchée de rentrer dans l’atmosphère grâce à un projet –, selon la base de données du Berkeley Carbon Trading Project qui recense l’immense majorité des projets de crédits carbone dans le monde.
Leur progression est l’une des plus rapides sur le marché des crédits carbone, selon des chercheurs de l’université de Berkeley.

Le remplacement des foyers de cuisson représente 5,5% des crédits carbone mis sur le marché dans le monde, soit 108 millions de crédits et tout autant de tonnes de CO2 supposément « évitées ». Cela représente l’équivalent d’un quart des émissions annuelles d’un pays comme la France.

Plus de 53 millions de ces crédits ont été achetés et utilisés principalement par des entreprises pour compenser leurs propres émissions de CO2, le reste est encore techniquement en circulation.

Leur prix est en moyenne de quelques dollars la tonne quand les experts recommandent de dépasser les 100 dollars pour rendre les investissements dans la transition attractifs.
Une partie de cet argent est censée revenir aux populations locales.

Trois chercheurs de Berkeley se sont penchés sur les méthodologies d’une cinquantaine de projets, dont les plus gros fournisseurs de crédits carbone. Leur conclusion est sans appel: le nombre de crédits carbone émis est neuf fois supérieur au nombre de tonnes de CO2 réellement « évitées ».

En cause, des biais méthodologiques qui surestiment les émissions de CO2 « évitées » grâce aux nouveaux systèmes mais aussi leur utilisation régulière par les populations, qui continuent parfois de privilégier leurs méthodes traditionnelles.

« Ce n’est pas le tout de mobiliser l’argent, il faut le rendre efficace avec des politiques publiques pour inciter les populations à utiliser ces poêles », précise-t-on à l’AIE.
L’étude de Berkeley préconise de suivre la définition des foyers de cuisson « propres » de l’Organisation mondiale de la santé, qui exclut les systèmes au charbon, au kérosène mais aussi certains modèles au bois.

Le cabinet Quantum Commodity Intelligence et l’agence de notation de crédits carbone Calyx Global appellent à prendre des précautions sur cette recommandation, affirmant que cela pourrait exclure les populations vivant dans les zones rurales reculées alors que les bénéfices pour leur santé sont conséquents, au-delà des seuls objectifs climatiques.