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Interview avec Yassine Laghzioui, CEO de l’UM6P Ventures : « Nous sommes engagés à propulser les startups industrielles novatrices »

Interview avec Yassine Laghzioui, CEO de l’UM6P Ventures : « Nous sommes engagés à propulser les startups industrielles novatrices »

L’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) a récemment lancé via son fonds d’investissement un appel à candidature ciblant les startups les plus révolutionnaires en Afrique dans les secteurs de l’agriculture, la santé et la Greentech. Dans cette entrevue avec le directeur général de UM6P Ventures, Yassine Laghzioui, nous explorons les opportunités de développement promises aux startups retenues, tant sur le plan financier que celui lié à l’accès au marché.

UM6P a opté, via UM6P Ventures, d’appuyer les startups dans les secteurs de l’Agriculture, la Santé et la Greentech. Pourquoi avez-vous choisi ce champ en particulier ?  
Les secteurs de l’Agriculture, de la Santé et de la Greentech sont non seulement fondamentaux pour la souveraineté de l’Afrique, mais ils constituent également les piliers essentiels sur lesquels doit se construire l’avenir du continent. Au cœur des besoins primordiaux de l’Afrique, ces domaines influencent directement la qualité de vie et le bien-être des populations.

L’amélioration de la productivité agricole, par exemple, est vitale pour assurer la sécurité alimentaire face à une population croissante, tandis que des innovations dans le secteur de la santé sont impératives pour combler les lacunes significatives en matière d’infrastructures médicales et améliorer l’accès aux soins. De plus, la Greentech joue un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique, favorisant la transition vers une économie durable et résiliente, indispensable pour la préservation des ressources naturelles du continent.

UM6P Ventures s’est stratégiquement positionné comme un catalyseur dans la maturation des technologies Deeptech, pilotant le développement de solutions innovantes pour un avenir plus prospère et durable en Afrique et ailleurs.

  Sur la base de quels critères, UM6P Ventures entend sélectionner les startups bénéficiant de cet appel ? 

D’abord, nous recherchons des équipes avec un mélange équilibré de compétences techniques, commerciales et business, capables de conduire le projet à travers les différentes phases de croissance. Il est essentiel pour nous que chaque entreprise inclut dans son équipe dirigeante au moins un cofondateur originaire du Maroc ou issu de la diaspora africaine, il s’agit de notre engagement envers le développement régional et la valorisation des talents locaux.

De plus, la solution proposée doit non seulement démontrer une avancée technologique notable mais aussi avoir un impact économique et durable clair. Nous ciblons des innovations avec un potentiel de soutenabilité substantielle.

Nous privilégions les startups en début de parcours, en phase de pre-seed ou seed, jusqu’à la série A. Ce choix nous permet d’intervenir à un moment clé dans la maturation des startups, là où notre expertise et notre support peuvent déclencher une accélération significative du développement du produit et de sa mise sur le marché. En injectant notre soutien dans ces phases, UM6P Ventures peut donc accompagner les fondateurs depuis la conceptualisation initiale jusqu’à la commercialisation, maximisant ainsi notre impact et notre valeur ajoutée.

Nous évaluons également le développement du produit en nous basant sur l’échelle de TRL (TechnologyReadinessLevel), privilégiant les projets ayant atteint un TRL entre 4 et 6, qui indique un niveau de validation en environnement laboratoire avancé.

  Comment les startups sélectionnées bénéficieront-elles des investissements des partenaires de l’UM6P Ventures ? 

Au-delà d’un financement initial, les startups que nous soutenons bénéficient d’un accès exclusif aux infrastructures avant-gardistes de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Cet accès englobe nos laboratoires vivants (Living Labs), tels que la ferme expérimentale, le Green Energy Park et le campus de startups « Start Gate », ainsi que le FAB LAB UM6P, les CoreLabs dédiés à la maturation des technologies Deeptech, et l’AfricanSupercomputing Center. Chaque élément de notre écosystème est conçu pour catalyser la croissance et l’innovation, fournissant aux startups les outils nécessaires pour développer et tester leurs technologies dans des conditions réelles et optimales.

En parallèle, l’accès à notre réseau étendu d’experts, de mentors, de partenaires de fonds de capital-risque et d’institutions, ainsi que les bailleurs de fonds non dilutifs, ouvre des portes inestimables pour le développement des startups. Ce réseau riche offre des opportunités uniques pour la levée de fonds, l’accélération de la mise sur le marché et surtout permet de naviguer efficacement dans l’écosystème entrepreneurial complexe et compétitif, particulièrement pour les startups en phase « early stage » qui doivent traverser avec succès la « vallée de la mort », une période critique où il leur est nécessaire de prouver leur viabilité avant d’atteindre la rentabilité.

  A votre avis, qu’est-ce qui freine le développement des startups opérant dans les secteurs de l’Agriculture, de la Santé et de la Greentech au niveau national ? 

Nous avons déjà accompli beaucoup grâce aux efforts conjugués du secteur public et privé, qui ont jeté des bases solides pour soutenir l’entrepreneuriat au Maroc. Pourtant, si nous voulons véritablement transformer notre pays en un hub de startups à échelle continentale et mondiale, il nous reste encore quelques défis à relever. Premièrement, l’adaptation de notre cadre réglementaire est essentielle. Bien que complexe, ce cadre constitue une opportunité pour optimiser l’environnement dans lequel les startups développent leurs produits innovants.

Souvent, ces innovations n’entrent pas dans les catégories traditionnellement reconnues par les réglementations existantes. La biotechnologie et la blockchain sont des exemples de secteurs où les startups marocaines bénéficieraient grandement d’un espace réglementé flexible, tel qu’une sandbox réglementaire, pour innover en toute sécurité.

Par ailleurs, le Maroc bénéficie déjà d’une infrastructure en termes de logistique, de télécommunications et industrielle, surpassant de nombreux pays dans la région. Ces atouts facilitent non seulement l’accès au marché local mais permettent aussi d’étendre notre portée à travers l’Afrique. Cependant, pour capitaliser pleinement sur cette infrastructure avancée et transformer le Maroc en un véritable hub d’innovation et de commerce pour le continent, nous devons relever le défi de l’intégration régionale. Il est essentiel de renforcer la collaboration transfrontalière et de simplifier les procédures commerciales pour permettre une fluidité accrue des échanges et des innovations.

En outre, il est essentiel de renforcer une culture entrepreneuriale au Maroc qui valorise non seulement l’entrepreneuriat comme une carrière sérieuse et fructueuse, mais aussi comme un parcours d’apprentissage continu. Cela implique un investissement accru dans la formation des entrepreneurs, la mise en avant des success stories qui inspirent et motivent, ainsi que la promotion d’une mentalité où l’échec est perçu comme une étape normale et constructive du processus entrepreneurial. 
 

Quelles sont les contraintes auxquelles les startups marocaines sont confrontées dans le processus d’ouverture sur le marché africain ? 

Les startups marocaines qui cherchent à se développer sur le marché africain sont confrontées à de nombreux défis. Parmi les plus significatifs, la fragmentation du marché. Malgré un potentiel démographique énorme de 1.4 milliard d’habitants, l’Afrique est caractérisée par une forte fragmentation.

La diversité des réglementations, des cultures et des pratiques administratives entre les pays complique sérieusement l’expansion des startups. Des initiatives telles que la mise en place de zones économiques de libre-échange et l’uniformisation des réglementations sont cruciales pour simplifier cette expansion et permettre une échelle efficace à travers différentes régions. Le déficit infrastructurel, incluant les réseaux de transport insuffisants, les limitations en télécommunications et l’accès inconstant à l’électricité, constitue un frein majeur.

Bien que l’Afrique bénéficie d’une population jeune et majoritairement urbaine, il existe un écart notable entre les compétences disponibles et celles requises par les startups, surtout dans les domaines de technologies de pointe et de recherche scientifique. Il est donc vital d’adapter les formations pour répondre précisément aux besoins des startups deeptech et digitale. En fin de compte, tous ces défis sont en réalité des opportunités de croissance et de développement pour l’Afrique, dont la jeunesse est active et prête pour opérer le changement positif afin de faire briller le continent.