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Vaccins anti-Covid-19 : Résurrection du débat sur les effets secondaires ! [INTÉGRAL]

Vaccins anti-Covid-19 : Résurrection du débat sur les effets secondaires ! [INTÉGRAL]

La récente polémique sur de potentiels effets indésirables du vaccin AstraZeneca relance le débat sur la sécurité des vaccins anti-Covid-19. Décryptage.

C’est un débat qui nous rappelle la funeste époque de la pandémie où l’opinion publique était hantée des vaccins et leurs effets secondaires au point que les théories complotistes se propageaient à vitesse de lumière sur les réseaux sociaux. 

Rappelons-nous, à l’époque, à chaque polémique sur la sécurité des vaccins, les gens tremblaient et cédaient à la panique. Aussitôt qu’on a commencé à reprendre le goût de la vie post-Covid, on se voit ramené au souvenir amer des controverses épidémiologiques. Au moment où tout le monde vaque à ses occupations quotidiennes, le Laboratoire suédo-britannique, AstraZeneca, a sidéré les observateurs en faisant un aveu à l’effet d’une bombe. Attaqué en Justice par plusieurs individus qui se disent victimes d’effets indésirables, le Laboratoire a admis, dans un document juridique transmis à la Haute Cour de Justice de Londres et relayé par le journal britannique Telegraph, l’éventuelle existence d’un rare syndrome qui engendrerait des caillots sanguins chez les personnes vaccinées, heureusement pas toutes, et de possibles cas d’AVC. Une autre nouvelle en provenance de France a renforcé les inquiétudes. L’affaire d’un étudiant de 18 ans, décédé en 2021, six jours après avoir été vacciné, refait surface. Selon les propos de son avocat, relayés en mars 2024 par “Le Figaro”, sa mort serait liée directement au vaccin controversé.

 

AstraZeneca, retour des polémiques
De quoi affoler ceux qui portent le sérum dans leur chair au Maroc qui a homologué le vaccin en janvier 2021. Ces derniers jours, l’inquiétude se propage aussi rapidement que circulait le SARS-COV-2 pendant ses premiers jours de « gloire ». Au Maroc, la température monte à tel degré que le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, a dû briser le silence pour rassurer l’opinion. Dans une interview accordée à nos confrères de Hespress, le ministre a indiqué qu’il n’y a pas lieu de craindre des effets mortels, ajoutant qu’il n’y a pas de médicament sans effets secondaires. Ait Taleb s’est montré rassurant en rappelant que le vaccin est approuvé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En effet, l’OMS se contente de citer quelques “très rares cas” de Syndrome de Guillain-Barré (SGB) signalés après la vaccination, sans pour autant établir une relation de cause à effet avec le vaccin qui, selon les communiqués officiels de l’Organisation, n’a été ni confirmée ni infirmée. 

Ce n’est pas la première fois que ce vaccin, co-inventé par l’Université d’Oxford et produit en Inde, fait polémique. Faisons un flashback. Nous sommes en janvier 2021, le Maroc est en pleine pandémie et le comité technique étudie les vaccins à homologuer pour la plus grande campagne de vaccination que le Royaume a jamais connue. Le comité donne son feu vert pour le vaccin fabriqué par le Laboratoire indien Serum Institute of India sur la base des études d’efficacité et des rapports relatifs aux essais cliniques. Une étude de la fameuse revue “The Lancet” a confirmé, dès le 8 décembre, l’efficacité du vaccin à hauteur de 70%, un taux faible par rapport aux autres vaccins à ARN Messager comme Pfizer ou Moderna (94%). Les premiers essais cliniques n’ont pas dévoilé des effets graves. Le vaccin, que le fabricant ne produit plus depuis 2023, a été autorisé au Maroc sur la base de critères de pharmacovigilance rigoureux. Les premières doses sont arrivées le 22 janvier 2021. Le Maroc fait partie des 170 pays qui ont approuvé le vaccin dont le Royaume a commandé 25 millions de doses, sans recevoir la totalité de sa commande.  

Des cas de thromboses ont été détectés dès mars 2021, y compris au Maroc, au moment où plusieurs pays européens avaient suspendu ledit vaccin. Les autorités compétentes, notamment le comité de pharmacovigilance, avaient réagi en faisant savoir qu’il avait eu seulement 4 cas, à raison d’un sur un million de vaccinés, sans provoquer de décès. A l’issue d’une investigation, le lien de causalité entre le vaccin et la maladie thromboembolique a été démenti. Le ministère de la Santé a recommandé son usage en vertu d’un communiqué publié le 17 mars. 

 

Vaccins anti-Covid-19 : A-t-on été assez rigoureux ? 
Avait-on tort d’homologuer un vaccin si controversé ? Non, répond Tayeb Hamdi, expert en politiques et systèmes de santé, arguant que les effets secondaires existent dans tous les médicaments et les vaccins. 

Selon notre interlocuteur, les effets indésirables du vaccin d’AstraZeneca étaient connus dès la fin des essais cliniques. “L’essentiel c’est que le rapport bénéfice-risque a toujours été en faveur du vaccin”, insiste le médecin qui renvoie vers les résultats du vaccin à l’échelon international. À cet égard, Ann Taylor, Chief medical officer chez AstraZeneca, explique que sur 17 millions de personnes vaccinées en Europe et au Royaume-Uni, “les cas de caillots sanguins restent en dessous des prévisions”.  

La polémique que suscite AstraZeneca renvoie au sempiternel débat sur les effets des vaccins anti-Covid-19, développés dans un temps record, pour la première fois de l’Histoire de l’humanité.  “Il va de soi que la vaccination anti-Covid soulève beaucoup d’hésitations et d’inquiétudes en raison de l’effet médiatique”, explique Saïd Moutaouakkil, qui siégeait au Comité technique de vaccination, ajoutant qu’il faut plus de recul pour évaluer plus exhaustivement les effets secondaires que les vaccins pourraient avoir. Toutefois, notre expert reste convaincu que les vaccins ont été en mesure de réduire la mortalité avec le minimum d’effets indésirables qui, selon lui, demeurent exceptionnels.  Selon Jaâfar Heikel, épidémiologiste, il est quasiment impossible d’avoir dès le début une idée exhaustive sur l’ensemble des effets secondaires parce que cela nécessite des années. 

 

Les nébuleuses voies de recours des victimes !
Par ailleurs, admettons qu’il y ait des effets secondaires, si rares soient-ils, la reconnaissance formelle d’AstraZeneca est un pas en avant pour indemniser les victimes, si peu nombreux soient-elles, selon Tayeb Hamdi, qui explique qu’il s’agit d’une preuve irréfutable pour les personnes concernées pour obtenir gain de cause auprès des tribunaux et des organismes de compensation, et ce, pourvu qu’elles prouvent le lien de causalité par des certificats médicaux. Quelles sont les voies de recours ? Il y en a plusieurs. L’OMS a mis en place un programme de compensation en faveur des personnes vaccinées par les vaccins délivrés aux pays en développement dans le cadre du programme Covax. Le Maroc en a bénéficié. Pourtant, au Maroc, l’organisme ou l’autorité compétente chargée de l’indemnisation demeure inconnue, sachant qu’aucun fonds n’a été mis en place à cet effet jusqu’à présent.  En France, par exemple, l’organisme national d’indemnisation des accidents médicaux fait ce travail. 

Trois questions à Saïd Moutaouakkil “Malgré leurs inconvénients, les vaccins ont permis de réduire de façon drastique la mortalité”
Peut-on dire que le vaccin d’AstraZeneca était suspect dès le début ?
 
AstraZeneca a été parmi les premiers vaccins à être administrés lors de la pandémie. On a observé de par le monde, et surtout en Angleterre, des cas très rares de thromboses et de thrombopénie, surtout chez les jeunes. On a aussi observé un manque d’efficacité chez les personnes vaccinées de plus de 65 ans. L’OMS avait, à l’époque, préconisé de poursuivre la vaccination avec ce vaccin, étant donné que le rapport bénéfice-risque était en faveur de la poursuite de la vaccination. On sait aussi que tous les vaccins ont des effets secondaires qui peuvent être parfois graves. C’est une évidence scientifique.
 

Qu’est-ce qui pourrait changer après la reconnaissance formelle du Laboratoire ?

 
Aujourd’hui, la nouvelle donnée est que plusieurs familles de malades ayant présenté des effets secondaires graves attaquent en justice pour indemnisation. Il s’ensuit une bataille juridique et scientifique. Le laboratoire a reconnu officiellement que son vaccin exposait aux accidents décrits plus haut. Je n’ai pas le nombre des doses de ce vaccin administrées au Maroc. Moi-même, j’en ai eu deux doses ainsi que mon entourage professionnel et ma propre famille. Il va de soi que la vaccination anti-Covid soulève beaucoup d’hésitations et d’inquiétudes en raison de l’effet médiatique.
 
 

A-t-on suffisamment de recul pour évaluer les effets secondaires des vaccins anti-Covid alors qu’on sait qu’ils ont été développés rapidement ?

 
On sait que le monde entier a essayé de trouver des vaccins efficaces et de manière rapide en brûlant plusieurs étapes. Passé l’état d’urgence, les études sont en cours pour élaborer d’autres vaccins plus efficaces et ayant le minimum d’effets secondaires. Cette étape sera plus longue, plus coûteuse et ses résultats ne seront pas toujours probants. Le recul est nécessaire pour l’évaluation. Quoi qu’il en soit, malgré tous ces déboires, les vaccins ont permis d’éviter les formes graves, de réduire de façon drastique la mortalité. Les effets secondaires graves restent malgré tout exceptionnels et le rapport bénéfice-risque était en faveur de la vaccination.
 

Trois questions à Tayeb Hamdi “La balance bénéfice-risque a toujours été en faveur du vaccin”
La reconnaissance par AstraZenca d’effets secondaires ne remet-elle pas en cause sa crédibilité ?  
Le fait que le Laboratoire reconnaisse l’existence d’effets secondaires rares ne change en rien les réalités scientifiques et épidémiologiques. On avait déjà découvert, peu de temps après l’utilisation du vaccin, qu’il pourrait y avoir des effets indésirables mais très rares. C’est le cas de tous les vaccins et de tous les médicaments. Sur le plan sanitaire, cette reconnaissance ne remet pas en cause la sécurité et l’efficacité du vaccin, sachant que les rares effets secondaires étaient connus dès le début et documentés sans présenter un risque d’utilisation. Pour cette raison, chaque pays l’a utilisé en fonction de sa propre politique épidémiologique. Il y a eu des pays qui ont prescrit le vaccin pour les personnes de plus de 40 ans ou de 50 ans tandis que d’autres ont cessé de l’utiliser parce qu’ils en avaient d’autres ayant un taux d’efficacité plus élevé. Certains pays, qui ne disposaient pas d’assez de quantités, l’ont généralisé. Mais l’essentiel, c’est que le rapport bénéfice-risque a toujours penché en faveur du vaccin.
  A quel point cette reconnaissance est-elle bénéfique pour les victimes ?  
Maintenant, l’aveu d’AstraZeneca est d’autant plus important que cela va ouvrir la voie de l’indemnisation pour les personnes atteintes d’effets indésirables. Il est normal qu’elles soient indemnisées selon les procédures légales. Cette reconnaissance, je rappelle, intervient dans le cadre d’une procédure judiciaire. Par conséquent, elle permettra de faciliter les procédures d’indemnisation comme le laboratoire reconnaît juridiquement les effets de son vaccin. Cela va donner aux rares victimes concernées des preuves irréfutables pour obtenir gain de cause et se faire dédommager.
  Quels enseignements peut-on tirer de cette polémique ?  
On savait dès le départ qu’il y aurait des effets secondaires mais tellement rares qu’ils ne compromettent pas l’efficacité et la sécurité du vaccin. Ces effets ont été jugés très minimes sur la base des résultats des essais cliniques effectués à grande échelle.  On peut avoir une idée plus globale sur les effets indésirables des médicaments après vingt ou trente ans d’utilisation, comme ils ne sont pas administrés aussi massivement et en si peu de temps.  Par contre, les vaccins anti-Covid-19 ont été administrés à des millions de doses en quelques mois, ce qui a permis d’avoir une idée plus large sur les effets secondaires plus vite.